Pages 219-244 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »

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L’affaire Peloffy commence le 9 octobre 1949. A cette date l’office national des anciens combattants de Montauban reçoit une demande d’attribution de la carte du combattant volontaire de la résistance au profit de Fernand Peloffy, industriel, demeurant 49 rue de la république à Montauban.

Joseph Fernand Jean Peloffy est né à Agde, le 3 mai 1906, de Florentin Peloffy et Marguerite Rossignol, tous deux domiciliés à Agde dans le département de l’Hérault. De profession bourrelier, il s’installe à Villeréal dans le Lot-et-Garonne, où il fonde une famille. Il a deux enfants.

A la déclaration de guerre en septembre 1939, il est affecté au 120e Régiment d’artillerie de Castres. Mais, dès novembre 1939, il est détaché au titre des Etablissements Peloffy à Villeréal qui fabriquent des équipements militaires. Il assure alors la direction de l’usine jusqu’au 17 décembre 1943 , date à laquelle il est arrêté par les allemands et déporté à Mathausen jusqu’au 19 mai 1945. Il revient d’Allemagne « avec un poumon voilée, des escarres à l’endroit sacré, par suite des supplices subis en déportation ».

Il déclare alors qu’il appartenait au réseau C.D.M. (camouflage du matériel) à partir du 1er janvier 1942 comme agent P1, jusqu’à son arrestation le 17 décembre 1943 sous les ordres du colonel Mollard chef du C.D.M. Dans cette fonction, il a réalisé un camouflage important de matériels, armes, vêtements, camions, équipements militaires, venant des dépôts de l’armée française. De plus, il a mis sur pied cinq sections de mitrailleurs armés et motorisés à partir de janvier 1943. Il a également favorisé le recrutement et l’enrôlement des jeunes appelés au S.T.O. pour leur départ au maquis, établissant de fausses cartes d’identité pour les réfractaires et les maquisards.

Dénoncé une première fois, il a été arrêté par la police de Vichy, et libéré, sans preuve, en juillet 1943. Enfin, arrêté par la gestapo de Limoges en son usine de Villeréal le 17 décembre 1943, torturé, supplicié, puis déporté successivement à Buchenwald, Mathausen, Cousin, il est libéré le 19 mai 1945. Il est alors considéré comme agent P2 avec le grade de sous-lieutenant. Le 30 octobre 1947, le général Dejussieu-Pontcarral lui accorde une citation à l’ordre de la brigade, qui comporte l’attribution de la croix de guerre avec étoile de bronze.

« Entré dans la résistance en janvier 1942, Peloffy Fernand (F.F.I.) commença à participer aux opérations de camouflage des camions militaires et autres matériels dans le département du Lot-et-Garonne. A recherché des lieux de stockage où il conduisit lui-même les véhicules camouflés, et entreposé du matériel de l’Intendance, harnachement, équipement, couvertures, ainsi que des armes et des munitions. L’occupation de la zone sud par les allemands, ne fit que redoubler son activité de résistant. Au début de l’année 1943, mit sur pied cinq groupes de mitrailleurs armés, équipés et dotés de moyens de transport automobile. Possédant une petite usine à Villeréal, fabriqua des vêtements destinés aux réfractaires S.T.O. et aux maquisards. Dénoncé et arrêté par la gestapo, déporté au camp de Buchenwald, conserva toujours une attitude digne d’un grand résistant et d’un fervent patriote. »

Le 14 juin 1949, le directeur départemental de Tarn-et-Garonne dépendant du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés, certifie que Fernand Peloffy a été déporté politique à Mathausen du 17 décembre 1943 au 19 mai 1945.

Le 1er octobre 1949, le secrétariat d’état aux forces armées atteste l’appartenance de Fernand Peloffy aux forces françaises combattantes, celui-ci ayant signé un contrat d’engagement le 28 juillet 1942 avec le réseau C.D.M. de la R4. Arrêté le 17 décembre 1943 les services accomplis comptent en qualité de chargé de mission de 3e classe, grade homologué sous-lieutenant.

Le 6 septembre 1950, le ministre des anciens combattants et victimes de guerre délivre à Fernand Peloffy la carte de déporté résistant : interné du 17 décembre 1943 au 23 janvier 1944, déporté du 24 janvier 1944 au 18 mai 1945.

La demande de Monsieur Fernand Peloffy est examinée par la Commission départementale de Tarn-et-Garonne, une première fois le 27 juin 1952. Cette demande est appuyée d’une copie conforme de la carte de déporté et d’une attestation établie par le général Mollard, alors commandant l’Ecole du Matériel de Fontainebleau. Cette attestation fait la synthèse d’un rapport du Colonel Mollard, transmis au ministère de la Guerre, sur l’activité de Fernand Pelofify dans la résistance, pour l’attribution de la croix de la Légion d’honneur.

« Dès le début de l’année 1942, Monsieur Fernand Peloffy né à Agde (Hérault) le 3 mai 1906, industriel à Villeréal (Lot-et-Garonne) a travaillé pour la résistance.

Monsieur Peloffy fut préssenti dès cette époque par le service du Camouflage du Matériel de l’Armée (C.D.M.) pour aider au camouflage des camions militaires et autres matériels divers. Il accepta d’enthousiasme de prendre sa part à la résistance contre l’ennemi et de préparer l’action qui permettrait de chasser l’envahisseur. Il se mit aussitôt au travail et participa activement à la recherche de locaux possibles. Il prit en compte les véhicules automobiles qu ‘il plaça dans des fermes et des hangars loués par ses soins sans jamais demander ni une rétribution, ni le remboursement des locations et de ses frais. Se dépensant activement, il conduisit lui-même les véhicules pour s’assurer personnellement du secret des opérations.

Le concours de Monsieur Peloffy fut mis à contribution pour sauvegarder du matériel de l’Intendance : harnachement, équipement, couvertures , … etc.

Au cours de l’année 1942, il consacra une grande partie de son temps et de nombreuses nuits au travail de camouflage, augmentant sans cesse l’importance du matériel conservé qui comprenait en fin 1942 outre le matériel cité, des armes, des munitions et des explosifs.

Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage222Inoccupation de la zone sud par les allemands ne fit que redoubler son activité de Résistant. Loin de céder aux ordres du gouvernement de Vichy, publiés par la presse et lancés par la radio, il continua à apporter une aide particulièrement précieuse aux C.D.M.

En mars 1943, l’activité de la gestapo aidée par les dénonciations de personnes attirées par l’appât du gain (chaque dénonciation de dépôt clandestin de matériel recevait de la gestapo une prime proportionnelle à la valeur du matériel dénoncé et se montant en général au 1/10e) se fit durement sentir dans le Lot-et-Garonne.

Un lot très important de matériel de harnachements à l’état de neuf avait été camouflé au moulin de la Meyrade, en bordure du Lot, sur le territoire de la commune de Saint-Sylvestre. La gestapo découvrit ce dépôt et menaça de sanctions graves le gardien et la commune, déclarant que ce matériel appartenait à l’Armée et était prise de guerre.

Averti par le C.D.M. de ce qui venait d’arriver, Monsieur Peloffy profitant de ce qu’il avait eu pendant la guerre de 1939/40 des commandes de l’Intendance, accepta de prendre le parrainage de ce matériel.

Il eût à se défendre seul contre les accusations de camouflage : à se porter propriétaire de ce matériel entreposé au moulin, connaissant les risques que comportait cet acte, car le sous-sol du moulin que les allemands n’avaient pas encore visité, mais qui pouvait l’être d’un moment à l’autre, servait d’entrepôt et d’atelier de charges de très nombreuses batteries d’accumulateurs destinées aux véhicules camouflés de la région.

Avec calme, sang froid, habileté et courage, Monsieur Peloffy réussit à faire la preuve que ce matériel lui appartenait. La gestapo ne put en prendre livraison au titre de prise de guerre et ignora toujours l’existence du dépôt de batteries d’accumulateurs.

Au début de 1943, en mars, Monsieur Péloffy fût pressenti pour constituer dans le secteur de Villeréal un certain nombre de groupes de volontaires armés pour participer aux combats de libération et harceler les colonnes allemandes. Ardent patriote, Monsieur Péloffy ne se fit pas répéter deux fois cette demande : Il avait déjà réuni quelques jeunes et fut heureux de voir que son action était secondée par le C.D.M. Il se mit aussitôt à l’œuvre et put mettre sur pied cinq groupes de mitrailleurs armés, équipés et dotés de moyens de transports automobiles.

Le concours de Monsieur Péloffy ne devait pas s’arrêter là. Possédant une petite usine à Villeréal, il la mit toute entière à la disposition de la résistance. Il lui fut demandé de fabriquer des équipements et de l’habillement pour les réfractaires au S.T.O., réfugiés dans le maquis et particulièrement au Vercors. Monsieur Péloffy se mit sans tarder au travail et après avoir épuisé tous les stocks de sa maison, il demanda à être ravitaillé en matières premières.

En juin 1943, Monsieur Péloffy fut prié de se porter acquéreur d’un magasin dénommé « La France », sis à Béziers. Ce magasin mis sous séquestre par le ministère des affaires juives comme appartenant à une personne israélite, fut choisi car il permettait de se procurer un certain nombre de points textiles nécessaires à l’approvisionnement de nos fabrications. Monsieur Péloffy acheta donc ce magasin qui, il faut le noter, venait d’être réquisitionné par les allemands, malgré les risques que comportait cette opération.

La possession de ces points textiles permit à Monsieur Péloffy de répondre à notre demande de confection d’une quantité importante de blousons de cuir doublé, de sacs tyroliens, de culottes, de guêtres, de blousons de toile, de seaux , de combinaisons… etc… qui furent utilisés en entier par la résistance.

Avant mon arrestation par la gestapo, c’est-à-dire jusqu’au mois de septembre 1943, les expéditions des ateliers de Monsieur Péloffy étaient faites par camion qui venaient déposer les fournitures dans ma propriété d’où elles étaient envoyées dans les maquis, ultérieurement, ces expéditions devenues plus importantes étaient effectuées par wagons, expédiées par des expéditeurs imaginaires à des lieux de transit sous des noms d’emprunt, puis acheminées par camions vers les lieux d’emploi. Toutes ces expéditions étaient faites aux risques et périls de Monsieur Péloffy, qui se chargeait de toutes les manutentions et de toutes les démarches.

C’est à la suite d’une de ces expéditions dénoncées par un mauvais français que Monsieur Péloffy fut arrêté par la gestapo le 17 décembre 1943.

Longuement interrogé par la gestapo, frappé, torturé atrocement, Monsieur Péloffy garda son calme et son sang froid devant ses tortionnaires et nia énergiquement appartenir à une organisation de résistance. En dépit de toutes les menaces et de tous les sévices, il refusa de donner le nom de ses chefs de résistance pour qui il travaillait, endossant l’entière responsabilité de ce qui lui était reproché.

Le courage de Monsieur Péloffy montré au début de sa détention est resté le même pendant sa longue déportation, au cours de laquelle il n’a cessé de résister à toute menace et tout travail qui aurait pu être utilisé par les allemands contre les alliés. Ce n’est que grâce à son courage et à sa volonté tenace que Monsieur Péloffy a pu supporter les mauvais traitements et les privations des camps de déportation. Moi-même, rapatrié de Buchenwald, je sais quel fut le sort des déportés et suis à même de dire quel fût le martyre de Monsieur Péloffy ».
Les membres de la commission, après avoir examiné cette demande, décide de la soumettre pour avis à l’examen de la Commission Départementale du Lot-et-Garonne, département ayant eu à connaître l’activité résistante de Monsieur Péloffy.

La commission de Lot-et-Garonne ayant émis un avis favorable à la demande de Monsieur Péloffy, le dossier est à nouveau soumis à la Commission Départementale de Tarn-et-Garonne le 12 octobre 1952.

Certains membres de cette commission représentant la Résistance Intérieure Française et les Forces Françaises Combattantes ayant contesté malgré tout, l’activité résistante de Monsieur Péloffy, sont mis en demeure d’apporter la preuve de leur opposition.

Le 12 octobre 1953, la commission se réunit à nouveau.

Monsieur Foussard, représentant la R..I..F, dépose alors une attestation délivrée par Jean Déjot, alias Carnot, chevalier de la Légion d’Honneur, ex-chef du maquis Carnot, ex-chef du secteur Dordogne sud, comprenant les cantons de Beaumont, Cadouin, Issigeac, Monpazier (en Dordogne) et Villeréal (en Lot-et-Garonne), contresignée par 6 responsables résistants :

Puybernès André, membre du comité de libération Rémy Eloi, membre du comité de libération Salles Jean, membre du comité de libération

Bonnaud Georges, alias Commandant France, chef de la Résistance du canton de Villeréal, président du comité de libération, ancien maire de la libération.

Le lieutenant F.F.L. Bluyat, croix de guerre 1945 Lartigues, président du comité d’épuration Jean Déjot certifie sur l’honneur que :

« Le sieur Péloffy Fernand, bourrelier à Villeréal (Lot-et-Garonne) n’a jamais été connu comme résistant, mais au contraire, fut suspecté d’être un véritable trafiquant. Il n’a constitué aucun maquis, ni aider à la vie de ceux existant. Il n’a livré aucune marchandise au groupe de résistance, si ce n’est des vêtements de cuir, vendus au prix fort (ventes à des isolés).

A la suite d’une descente en armes avec le chef du maquis de Saint-Alvère (Dordogne) : Monsieur Goldmann, allias Polone, en octobre 1943, nous avons envahi sa maison par une ruelle attenante. Vers 23 heures et, sous garantie de sa vie s’il y avait dénonciation, nous avons pu entamer une conversation pour qu’une vente nous soit faite de matériel et habits pour nos hommes.

Après promesse de sa part d’une livraison de matériel qui devait être réglée « en espèces » et non « par bon », un cuir me fut vendu au prix de 3500francs.

Aucune autre marchandise ne fut livrée malgré les engagements pris. Quant au camouflage du matériel de guerre, ceci intéresse le Service de l’Armée. Toutefois nous nous sommes souvent demandé comment il pouvait fabriquer et vendre de la marchandise s’il n ‘avait pas été ravitaillé par ce service.

La population de Villeréal est unanime à dire que l’arrestation de Péloffy le 17 décembre 1943 n’a rien de commun avec la résistance.

J’autorise les porteurs de la présente attestation à s’en servir pour démasquer par tous les moyens légaux l’imposture pratiquée par Monsieur Péloffy à l’égard des pouvoirs publics et organisations de résistance.

Je proteste avec indignation et véhémence contre de semblables procédés qui constituent une injure flagrante aux martyrs de la résistance, et qui portent atteinte au prestige de la résistance elle-même et à ses loyaux et authentiques partisans et soldats ».

Signé : Déjot Jean, alias Carnot
à Vergt de Biron Le 20 juillet 1953

Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage226Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage227Sont joints à cette attestation, deux témoignages émanant d’un ancien combattant 14-18, habitant de Villeréal :

Raymond Larfaillou , et de François Cassé, instituteur à Pujols.

« Je, soussigné, Larfaillou Raymond, médaillé militaire, croix de guerre, certifie sur l’honneur que Monsieur Péloffy Fernand , bourrelier à Villeréal, était en 1939 aux dires de l’opinion publique dans une situation très précaire. Il fut mobilisé huit jours et revint à Villereal. Il monte un atelier de harnachements, cartouchières, équipement en cuir, travaillant pour le compte de l’Intendance de Vichy et fabricant par la suite des canadiennes qu’il vendait au prix fort. Il semblait aussi profiter des avantages du marché passé avec l’intendance de Vichy, pour tirer parti des matières premières qu’on lui fournissait. Les allemands l’arrêtèrent et le déportèrent, mais pas pour fait de résistance en ce qui concerne le camouflage de matériel, personne n’en a eu connaissance. Il n’a jamais constitué de maquis, ni aider à la vie de ceux existant. Il n’a livré aucune marchandise aux groupes de résistance ».

« Je, soussigné, Cassé François, ex-capitaine F.F.I., commandant le groupe Veny (secteur n° 3) de Villeréal, certifie que le nommé Péloffy Fernand, industriel à Villeréal jusqu’en décembre 1943, n’a jamais été considéré par aucun des membres de la résistance connu de moi, ni par moi-même, comme appartenant à la Résistance Intérieure Française. J’ajoute que l’opinion publique n’a jamais davantage attribué cette qualité à Péloffy, à tel point que son arrestation, en décembre 1943, restée inexplicable à la population de Villeréalaise, ne provoqua aucune émotion particulière dans les milieux résistants locaux ».
Les membres de la Commission, au vu de ces attestations qui contestent certains faits de résistance de Monsieur Péloffy, décident alors, à l’unanimité, de ne pouvoir se prononcer sur cette demande et émettent le voeu qu’elle soit adressée à Monsieur le ministre des Anciens Combattants (commission nationale) pour examen et décision.

Le 3 novembre 1953, Monsieur Péloffy s’adresse directement au préfet de Tarn-et-Garonne.

« J’ai l’honneur de vous faire connaître que, depuis deux ans passés, j’ai fait ma demande de carte de Combattant Volontaire de la Résistance à l’office des combattants de Tarn-et-Garonne.

Or, Monsieur Foussard, rapporteur du Conseil d’administration de l’office des combattants de Tarn-et-Garonne, me fait connaître, tout dernièrement, qu’il avait reçu une attestation me concernant et pouvant mettre en doute, mon action dans la résistance, émanant d’un nommé Déjot, ancien F.T.P. de Villeréal.

Ne voulant pas un seul instant que la commission qui est amenée à prendre une décision sur cette affaire, ait un seul doute sur mes mérites de résistant, j’ai l’honneur de vous transmettre plusieurs pièces, afin de les joindre au dossier.

Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage229Je me mets à la disposition de la Commission pour être entendu et, au besoin, être confronté avec Monsieur Déjot, en présence de mes chefs : le général Mollard, le colonel Robinet et le colonel Chanvre.

J’ajoute que Monsieur Georges Gaillard, chef de la résistance locale de Villeréal, m’a fait connaître que, récemment, Monsieur Foussard avait été le voir, me reprochant d’être trop dynamique et dévoué à la cause des œuvres sociales des anciens résistants dont j’avais la présidence, que tout ce que j’organisais était très bien réussi, et qu ‘il fallait que « cela cesse », en disparaissant de la tête de ses diverses associations ».
La première pièce transmise est un rapport de la police judiciaire de Toulouse. Cette pièce est datée du 18 janvier 1946. Elle est adressée par le commissariat de police judiciaire, Michel Hugues, au commissaire principal, chef de la 8e brigade régional de police judiciaire de Toulouse. Elle est certifiée authentique par Louis Tulot, président de la fédération départementale des déportés, membre du C.D.L. de Lot-et-Garonne, membre de la commission de sécurité publique, en date du 20 février 1946.

Que dit ce rapport ?

«A l’étude du dossier mettant en cause les inspecteurs Hilaire Parfait et Lucien Bruchet, du Service, j’ai l’honneur de vous prier de nous faire parvenir la copie complète du rapport, en date du 23 juin 1943, dont la rédaction est reprochée à ces fonctionnaires par le C.D.L. du Lot-et-Garonne, et en particulier par Gérard Duprat, du parti communiste d’Agen.

A la lecture de ce document, on s’aperçoit que trois personnes interviennent dans les affaires incriminées.

–    le nommé Jean Claberke, qui a accusé Monsieur Péloffy d’avoir projeté d’armer des équipes cantonales et de les faire agir lors du débarquement anglo-américain

–    Péloffy lui-même

–    le sous-préfet de Villeneuve sur Lot, qui, en signalant le fait à l’autorité supérieure a déclenché, par la filière administrative l’enquête dont il porte la responsabilité.

Or, les inspecteurs Parfait et Bruchet se sont visiblement attachés dès le début de leurs investigations, à faire tomber le crédit que l’on aurait pu accorder aux allégations de l’Informateur, en le faisant passer pour un alcoolique. Néanmoins, les renseignements recueillis ne sont pas à son avantage. Il se laisserait entraîner à la boisson.

Quant à l’attitude de Peloffy au point de vue national, elle a toujours été correcte.

Cette opposition permet de rendre acceptable leurs conclusions : « Il ne nous a pas été possible d’établir que Peloffy organise ou a organisé un mouvement de résistance. »

Après cet exposé prouvant simplement que l’attitude des inspecteurs a été au plus haut point correcte dans cette affaire, il est permis de se demander quels sentiments ont fait agir à cette occasion Monsieur Duprat dont la bonne foi a d’ailleurs pu être surprise.

En effet, au lieu de s’en prendre à l’éternel bouc-émissaire qu’est la police, il aurait été certainement plus judicieux de faire inculper Monsieur Jean Claberne, ou de proposer des sanctions contre le sous-préfet qui a mis en branle le système répressif, et dont l’initiative a pu être fort opportunément contrecarré par ces fonctionnaires prohitlériens ».
Il est clair que Peloffy a été dénoncé le 23 juin 1943 (d’où une brève arrestation) pour avoir projeté d’armer des équipes cantonales en vue d’un hypothétique débarquement allié. Cependant le rapport conclut que l’attitude de Peloffy du point de vue national a toujours été correcte, et donc qu’il n’est pas possible d’établir que celui-ci a organisé un mouvement de résistance.

Les attestations suivantes, fournies par Mr. Peloffy, sont du 30 octobre 1953 et 4 novembre 1953.

La première est de Manuel Berrocal, ex-lieutenant de l’Armée républicaine espagnole :

« Etant employé comme sellier, avec ma femme, chez Mr. Peloffy, à Villeréal, du mois de mars 1940 à la date de son arrestation par la gestapo allemande le 17 décembre 1943, je déclare sur l’honneur, qu’en janvier 1943, Mr. Peloffy me demanda si j’accepterais de combattre pour la libération de la France et de faire partie de ses sections armées et du groupe de mitrailleurs, pour intervenir lors du débarquement.

C’est avec enthousiasme que j’acceptais et Mr. Peloffy me désigna comme chef de section.

Successivement, Mr. Peloffy me mit à contribution d’exécuter plusieurs camouflages de matériel militaire, effectués de nuit avec plusieurs de nos camarades. Or, le 23 juin 1943, mon patron fut arrêté par la gendarmerie de Villeréal. Deux inspecteurs de police de Toulouse vinrent perquisitionner mon appartement, fouillant partout, me réclamant les armes que Mr. Peloffy était suspecté m’avoir donné, me demandant si je faisais partie de l’équipe des sections armées.

Après un assez long interrogatoire, je niais toute connaissance, car je savais que, si je parlais, mon patron était arrêté, ainsi que moi-même.

Je fus donc relâché. Mais ces mêmes inspecteurs allèrent chez de nombreux camarades espagnols de Villeréal, qui faisaient aussi partie de nos sections armées, car M. Peloffy leur avait monté une équipe de football qui, tous les dimanches, allait en déplacement.

Je sus alors, 48 h après, que M. Peloffy avait été relâché, heureux d’avoir servi ainsi la cause de la Résistance et la France si hospitalière ».

– La seconde est d’un certain Derepierre, lieutenant de l’E.P.S.M. de Limoges, qui déclare « avoir travaillé chez M. Peloffy, comme ouvrier, pendant la période 1943-1944, M. Peloffy me proposa de faire partie de section motorisée armée qu’il créait à ce moment là pour la libération de la France. J’ai accepté cette adhésion ».

–    La troisième, établie par Antoine Biou, demeurant à Montferrand du Périgord (Dordogne), mentionne que « lorsque je reçus l’ordre d’aller travailler en Allemagne à la date du 9 mars 1943, je fus sollicité par M. Peloffy, industriel à Villeréal, de ne pas partir, qu’il prenait la responsabilité de me camoufler, à condition de faire partie de sections motorisées armées qu’il formait pour le jour de la libération de la France. Ainsi il m’emmena au bois de M. Rebeyrol à Montferrand où étaient déjà cachés deux de ses ouvriers ; Achille Deboures et Georges Baubois. Ayant été dénoncés, on dut partir à la Brame au début juin 1943 avec le camion de M. Peloffy conduit par un de ses ouvriers.

Arrivés à Montpazier, la gendarmerie nous surprit. Nous pûmes nous échapper, mais la barrique de vin et le ravitaillement, fournis par Monsieur Péloffy furent saisis. Pour que le camion ne le soit pas à son tour, l’ouvrier de Monsieur Péloffy déclara que le vin était à lui et qu’il avait pris le camion sans l’autorisation de son patron. De ce fait, une grosse amende lui fût infligée, que paya Monsieur Péloffy.

Lorsque Monsieur Péloffy fut arrêté, nous avons rejoint un groupe de résistants jusqu’au jour de la libération. »

–    la dernière émane de René Nouaille, résidant au Coulau, commune du Rayet par Villeréal : « lorsque je fus requis par le S.T.O., Monsieur Péloffy me proposa de me camoufler afin de former des sections armées motorisées dans la perspective de la libération du pays. Il m’amena au bois de Montferrand où se trouvaient déjà depuis quelque temps trois de ses ouvriers ».

Péloffy révèle alors une attestation que lui a faite le lieutenant colonel Chambre, commandant du 6e régiment d’infanterie, daté du 15 décembre 1945 .

« Monsieur Péloffy, de Villeréal, a confectionné et livré des effets d’habillement, tels que vêtements de cuir , blousons de cuir doublé de draps, culottes, combinaisons, musettes, sacs… Un compte de l’Armée Secrète dont j’ai été le représentant, et qu’au moment de son arrestation, il exécutait un marché qui a été camouflé malgré la présence des allemands, marché qui fut livré par sa femme plusieurs semaines plus tard à l’Armée Secrète.

Avant son arrestation, Monsieur Péloffy avait sous un faux nom, fait plusieurs livraisons à l’Ecole des Cadres de la Pérouse pour les maquis des Alpes.

Pour se procurer les points textile nécessaires à l’exécution de mes commandes, Monsieur Péloffy s’était rendu acquéreur d’un magasin juif, sis à Beziers, où il existait un important compte points. Le colonel Mollard, chef du C.D.M., a, en date du 19 septembre 1945, établi une attestation à ce sujet.

Monsieur Péloffy a toujours fait preuve de sentiments profondément français. Acquis à la Résistance, il s’est totalement mit à notre service pour nous aider à équiper le maquis.

Courageux, sachant le danger qu’il courait, sans hésitation, avec tout le dynamisme dont il était capable, il a travaillé pour que le maquis puisse être équipé et habillé.

Arrêté, il a su se taire et éviter que de nombreux camarades dont il connaissait le nom et l’action ne soient arrêtés à leur tour.

Il mérite qu’en toute circonstance, on se souvienne de ses titres indiscutables de résistant ».
En outre le 5 août 1952, le témoignage de Monsieur Villy Robinson, comptable de l’entreprise Péloffy du 2 février 1940 jusqu’à son arrestation, est formel :

« Monsieur Péloffy Fernand a été arrêté par la gestapo allemande, habillé en civil, le 17 décembre 1943, vers 17 heures. J’ai été témoin de son arrestation. Les policiers demandaient avec violence où se trouvait le matériel camouflé de l’armée. Ils ont emporté des fabrications de l’usine.

Monsieur Péloffy a travaillé pour la résistance, notamment pour le maquis du Vercors, et a camouflé les premiers réfractaires du S.T.O. de Villeréal.

A ma connaissance, Monsieur Péloffy n’a jamais reçu, ni exécuté de commandes provenant des autorités occupantes, et n ‘a jamais sollicité de commande de ces dernières. Il avait assez de travail pour les maquis du Vercors et les commandes civiles ».

Le 17 novembre 1952, Maître Veaux, avoué à Montauban, représentant Monsieur Lacaze, sénateur et président d’honneur de la fédération des déportés de Tarn-et-Garonne, rend compte d’un voyage effectué à Villeréal à la demande de Monsieur Péloffy.

« A la date du 8 novembre 1952, Monsieur Péloffy est venu me trouver, me faisant savoir qu ‘il était très malheureux du fait qu ‘au cours de très récentes réunions des déportés, il avait senti un froid évident de la part de ses camarades.

Au mois de juillet, « Le Patriote » avait publié un article qui l’accusait d’avoir joué le double jeu, et notamment travaillé pour les allemands, et encore d’avoir fait des ventes au maquis à des prix inacceptables. Il savait par ailleurs qu ‘une lettre avait été écrite de Villeréal à Monsieur le sénateur Lacaze, reflétant l’opinion de la résistance locale. Il ignorait les termes de cette lettre et pensait qu’elle rejoignait ceux de l’article du « Patriote ». Des bruits fâcheux circulaient sur son comportement à Villeréal pendant l’occupation et il attribuait à ces faits l’atmosphère lourde dont il se sentait entouré.

Désireux de se dégager de ces assertions au plus tôt, Monsieur le sénateur Lacaze n’ayant pu l’accompagner en raisons de ses occupations, il me demandait de me déplacer à Villeréal pour faire une enquête sur son comportement. Je ne crus pas devoir me dérober à une demande qui mettait en cause l’honneur de l’intéressé. J’acceptais donc en précisant toutefois que je ne serais nullement complaisant et que je le suivrais pour le meilleur comme pour le pire.

Ma première préoccupation était de connaître la lettre qu’avait reçue Monsieur le sénateur Lacaze. Très gentiment celui-ci nous en donna communication. Elle émanait de Monsieur Max Vigerie, pharmacien à Villereal. Par cette lettre, Monsieur Vigerie, tout en admettant que Monsieur Péloffy avait pu faire de la résistance en isolé à Villeréal, affirmait que la résistance officielle de la ville ne le connaissait pas. Aucune suspicion d’ailleurs n’a été jeté sur son comportement au regard de l’ennemi.

Ma deuxième visite a été faite à un certain Villy Robinson qui habite Villeneuve sur Lot. Ce dernier a été comptable chez Monsieur Péloffy de 1940 à l’arrestation de celui-ci. Il a parfaitement connu les activités de Monsieur Péloffy, sans les lier toutefois à la résistance officielle de Villeréal. Il m’a expressément affirmé qu ‘il ne pouvait concevoir qu’elle pouvait être l’origine des bruits tendancieux répandus sur Monsieur Péloffy, qu’il n ‘acceptait pas pour sa part.

Monsieur Péloffy a beaucoup insisté auprès de Villy-Robinson pour qu’il nous accompagne à Villeréal. Ce dernier a déclaré ne pouvoir le faire, mais se tenir à la disposition de Monsieur Max Vigerie, si celui-ci voulait le voir. Il a ajouté qu’il ne faisait au surplus que nous confirmer ce qu ‘il avait écrit.

Nous nous sommes ensuite rendus rendu chez le colonel Robinet qui, avec le général Mollard, aux dires de Monsieur Péloffy, représentaient ses chefs effectifs pour le C.D.M..

Le colonel Robinet m’a précisé que c’était lui-même qui avait mis Monsieur Péloffy en place pour le camouflage du matériel, qu’il y avait rempli, à sa pleine satisfaction et à celle du général Mollard lui-même, la mission qui lui était confiée et que cela avait justifié la proposition pour la Légion d’Honneur, qui a abouti.

Le colonel Robinet m’a indiqué que Monsieur Péloffy avait fait l’objet d’observations sévères du fait qu’il avait remis du matériel au maquis : le matériel étant expressément mis en réserve pour être distribué aux effectifs en temps opportun.

J’ai demandé au colonel Robinet de nous accompagner à Villeréal ce qu’il a accepté.

Nous nous sommes rendus chez Monsieur Max Vigerie qui nous a dit que les deux chefs effectifs de la résistance locale étaient Jean Déjot et Georges Gaillard. Ces derniers ont été invités à se joindre à nous et une longue conférence a eu lieu dont je me bornerai à donner les conclusions.

Il est certain que je n’ai recueilli aucun bruit fâcheux sur le comportement de Monsieur Péloffy au regard de l’ennemi. J’ai bien précisé que je venais sans complaisance et que j’étais disposé à entendre tout ce qui pourrait m’être dit. Je considère la situation comme nettement réglée sur ce plan essentiel.

Il a été essentiellement reproché à Monsieur Péloffy d’avoir laissé paraître dans « La Dépêche », selon la chronique de Villeréal, à l’occasion de sa Légion d’Honneur, un article parlant notamment de ses mérites de résistant local. La résistance officielle de Villeréal prétend et affirme que Monsieur Péloffy n’a pas travaillé sous son obédience.

Chacune des trois personnes entendues a exprimé qu’elle ne contestait pas la Légion d’Honneur de Monsieur Péloffy, laissant à ceux qui l’avaient proposé le soin d’avoir pu apprécier ses services.

Il a pourtant été admis que Monsieur Péloffy, en dehors de son activité C.D.M., avait accompli des actes de résistance en isolé. Monsieur Vigerie notamment a reconnu que lors d’un banquet de fin de saison (que Monsieur Péloffy situe en avril 1943), il avait déclaré que ce dernier camouflait du matériel, mais qu ‘il ne savait pas pour qui. Il a été reconnu que Monsieur Péloffy avait pu monter le maquis de Montferrand chez Monsieur Rebeyrole, qu’en tout cas il avait envoyé au maquis les nommés Debourez et Baudois et peut-être quelques autres, qu’il avait fait quelques remises de matériel au maquis auquel il avait pu faire quelques visites, à la demande même de Monsieur Déjot, chef du groupe « Soleil ».

Il a été reproché à Monsieur Péloffy d’avoir été très discret dans les livraisons de matériel. Mais il a été formellement couvert par le colonel Robinet qui a exprimé qu’il avait reçu défense formelle et, même, s’était fait reprendre pour ce qu’il avait pu donner. Le colonel Robinet au surplus a ajouté qu’il avait adressé des reproches à Monsieur Péloffy, du fait qu’il avait monté trois ou quatre équipes de maquisards auxquels il faisait faire l’exercice d’une façon trop voyante, celles-ci devant, au moment propice assurer la défense des administrations à l’occasion de la libération et le décrochage des allemands.

En résumé il apparait qu’à Villeréal, on ait été surtout soucieux de dénier à Monsieur Péloffy toute participation au mouvement officiel de la résistance locale, sans lui dénier par ailleurs, ses mérites, sans encore mettre en discussion son comportement vis à vis de l’ennemi ».

Note délivrée pour valoir ce que de droit sous serment d’honneur.
Le 30 octobre 1953, le lieutenant-colonel Georges Robinet, commandeur de la légion d’honneur, déporté résistant, combattant volontaire de la résistance, ex-chef départemental du réseau C.D.M. pour le Lot et Garonne, déclare sur l’honneur :

« Le 8 novembre 1952, à 11h30, je reçus la visite de Me Veaux, avoué à Montauban, se disant représentant de Monsieur Lacaze, sénateur et président d’honneur de la Fédération des déportés de Tarn et Garonne.

Me Veaux me demanda de lui faire connaître mon avis sur les actes de résistance qui avaient valu à Monsieur Péloffy une promotion dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.

Je répondis en affirmant que Monsieur Péloffy avait assuré le camouflage et la garde de plusieurs dépôts de matériel, notamment d’équipements, de harnachements et de véhicules destinés aux formations de l’Armée Secrète. De plus, Monsieur Péloffy avait assuré la confection d’effets d’équipement, ainsi que des blousons destinés aux jeunes gens du maquis.

Naturellement, la plus grande discussion était recommandée et Monsieur Péloffy avait su garder le secret le plus absolu.

Le rapport du général Mollard, chef du réseau C.D.M., en date du 24 novembre 1945, confirme par ailleurs les faits relatés et affirme la certitude de l’action résistante de Monsieur Péloffy. Cet officier général est l’auteur de la proposition le concernant.

Me Veaux me pria alors de l’accompagner à Villeréal afin d’assister à une réunion de différentes personnalités locales ayant appartenues à certains groupes de résistance. Il me déclare qu’il était désireux de connaître la vérité concernant l’attitude de Monsieur Péloffy et sur le bien-fondé des bruits fâcheux qui avaient couru sur son compte. Il ajouta qu’il désirait mener une enquête strictement impartiale et qu ‘il n ‘était pas disposé à faire preuve de complaisance au cas où les renseignements recueillis seraient défavorables.

J’acceptais volontier d’accompagner M » Veaux, et nous nous rendimes à Villeréal, au domicile de Monsieur Vigerie, pharmacien, où je trouvai Monsieur Georges Gaillard, chef local de la résistance, et Monsieur Jean Bejot, ancien F.T.P ayant appartenu au groupe « Soleil ».

Maître Veaux leur indiqua le but de sa visite et donna lecture de l’article injurieux inséré dans le journal « le Patriote ».

Tous déclarèrent alors que Monsieur Péloffy n’avait pas fait partie de leur groupement respectif, mais reconnurent cependant qu’il assurait la garde du matériel militaire camouflé, qu’il avait assuré le placement de jeunes ouvriers de son entreprise, réfractaire au S.T.O., chez Monsieur Rebeyrole à Montferrand (Dordogne), que la gendarmerie de Montpazier avait arrêté le camion de Monsieur Péloffy alors qu’il transportait de jeunes maquisards. Ces derniers réussirent à s’enfuir, mais un procès verbal fut dressé pour défaut d’autorisation de transport.

Monsieur Gaillard indiqua en outre qu’il était au courant d’une visite faite à Monsieur Péloffy par deux dirigeants du maquis de Saint Alvere (Dordogne) venus demander des équipements militaires. Suivant les ordres formels reçus, Monsieur Péloffy refuse tout d’abord de délivrer du matériel sans ordre des responsables du réseau, puis devant l’insistance des visiteurs, consentit à leur délivrer quelques effets d’équipement.

Monsieur Déjot reconnut également qu’il avait reçu quelques effets délivrés par Monsieur Péloffy, notamment des couvertures, des jambières, des pantalons etc…, mais il lui reprochait de lui avoir facturé 2500 francs un vêtement de cuir sur mesure qui lui était destiné (prix, qui, à l’époque était très raisonnable.). Monsieur Déjot reconnut également qu’il avait prié Monsieur Péloffy de l’accompagner au maquis de Tourliac, afin de remonter le moral aux jeunes de ce groupement. Il fut satisfait de cette visite et lui demanda d’en effectuer d’autres. Il reconnaît également que le camion de Monsieur Péloffy effectuait des transports pour ravitailler le maquis de Tourliac, mais prétendit que c’était à l’insu du propriétaire, ce qui paraît invraisemblable. A une question de Monsieur Péloffy demandant à Monsieur Déjot de lui faire connaître les raisons pour lesquelles il t’avait prévenu de l’imminence de son arrestation, ce dernier répondit en contestant la réalité du fait.

En résumé, il apparaît très nettement que les bruits tendancieux répandus à Villeréal sur le compte de Monsieur Péloffy ne repose sur aucune base sérieuse et qu’ils sont l’oeuvre d’ennemis plus ou moins intéressés à sa perte.

Monsieur Péloffy a toujours fait preuve d’un ardent patriotisme et de dévouement absolu à la cause de la résistance. Il a souffert au moment de son arrestation par la gestapo, mais n’a rien dévoilé de l’organisation à laquelle il appartenait, évitant ainsi l’arrestation et la déportation de ses chefs.

Il mérite l’estime et la reconnaissance de tous les véritables résistants ».

Le 17 mai 1954, le lieutenant-colonel Robinet répond à Monsieur Tulot, président de la fédération départementale des déportés, qui lui a demandé des précisions sur Monsieur Péloffy, par lettre du 8 mars 1954.

« Vous voudrez bien trouver ci-joint copie d’une lettre adressée par mes soins le 16 janvier 1947 au président du comité de libération de Villeréal, l’un des accusateurs de Monsieur Péloffy. Cette lettre vous donnera un aperçu de l’activité résistante de Monsieur Péloffy et je regrette vivement que les chefs résistants de Villeréal n’aient pas cru devoir en tenir compte.

Cette activité n’était d’ailleurs pas ignoré de ces personnes et l’enquête menée m’a permis d’acquérir la certitude que les attaques menées contre Péloffy sont motivées par des raisons qui n ‘ont absolument rien à voir avec la Résistance.

Ces messieurs reprochent surtout à Péloffy de ne pas les avoir mis au courant de ses activités et d’avoir refusé de leur livrer du matériel camouflé.

Or, il n’est pas douteux que la prudence la plus élémentaire imposait aux résistants de cette époque le secret le plus absolu. Péloffy n’a fait que se conformer aux ordres reçus.

Ces faits ont été exposés aux personnes rencontrées à Villeréal avec M » Veaux. Mais mon impression est que leur bonne foi est très douteuse. Ces messieurs se sont toutefois trouvés dans l’obligation d’admettre que l’activité résistante de Péloffy était réelle, mais qu ‘il la considérait comme sans valeur en raison du fait qu’elle n ‘a pas été accomplie en liaison avec leur mouvement qui d’ailleurs n ‘existait pas en 1941.

A mon avis, les accusations portées contre Péloffy sont très nettement calomnieuses et portées dans le but de nuire à sa réputation bien établie de résistant. Cette impression s’est confirmée après la visite faite à Villeréal en compagnie de M » Veaux ».
La lettre écrite par le lieutenant-colonel Robinet le 16 janvier 1947 au président du comité de libération de Villeréal est en effet très explicite :

« Informé de l’accusation de collaboration apportée par le comité de la libération de Villeréal à l’encontre de Monsieur Péloffy, ancien industriel et ancien déporté, je crois de mon devoir de vous rapporter les précisions suivantes concernant l’activité de Monsieur Péloffy dans la résistance.

Chef du service de camouflage du matériel de l’armée et délégué du groupe « Combat », je fais la connaissance de Monsieur Péloffy en 1941. Il me fut présenté par un résistant notoire Monsieur Tulot, l’actuel président du C.L.N. de Lot-et-Garonne.

Avec un empressemment auquel je dois rendre hommage Péloffy se mit à notre entière disposition.

Adversaire farouche du « boche », animé d’un patriotisme ardent, Péloffy n’a cessé de payer de sa personne et souvent même de son argent. Il a rendu de précieux services à la cause de la résistance, à une époque où beaucoup hésitaient encore dans le choix de la route à suivre.

Je m’élève donc avec énergie contre les accusations mensongères portée à cet excellent français dont les titres ne peuvent être mis en doute ».

Le 8 juin 1954, le lieutenant-colonel Robinet, rend compte au général Mollard, chef du réseau C.D.M., du dossier concernant l’affaire Peloffy.

« Il est profondement regrettable que les calomnies répandues par certaines personnes aient pu paraître suffisantes pour jeter le doute sur l’activité résistante de Peloffy, malgré les attestations établies par ses chefs dont l’honorabilité ne peut être mis en doute.

Peut-être serait-il intéressant de rechercher les motifs qui font agir ces dénonciateurs.

Il peut paraître troublant que ce soient ces mêmes personnages qui aient tenté, après l’arrestation de Peloffy, de mettre la main sur ses ateliers, ses stocks de marchandise et sur le matériel militaire dont il avait la garde.

Seule l’attitude énergique de Madame Peloffy permit d’éviter le vol.

Les adversaires de Peloffy lui reprochent surtout de n ‘avoir pas livré le matériel militaire dont il avait la charge, n’hésitant pas à mettre en doute la parfaite correction des opérations réalisées par le réseau C.D.M.

Peloffy a fait parvenir une lettre indiquant les raisons qui, à son sens, auraient poussé le nommé Béjot, son principal accusateur.

La mentalité de cet individu, communiste notoire, et parfaitement inconnu comme résistant dans la période antérieure à l’occupation de la zone libre, est des plus douteuses.

Les membres de son groupement se sont surtout manifestés après le départ des allemands par plusieurs assassinats commis dans la région de Villeréal et dont les victimes étaient des adversaires politiques a’e l’équipe Déjat ».

Le 19 juin 1954, le général Mollard, chef et liquidateur national du réseau « actions – C.D.M. » s’adresse au directeur de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, Hôtel des Invalides, à Paris. Il reprend l’argumentation du lieutenant-colonel Robinet et renouvelle sa demande de voir reconnu la qualité de Combattant Volontaire de la Résistance à Monsieur Fernand Peloffy.
Il faut ajouter à ce dossier un certain nombre de renseignements apportés par Monsieur Peloffy entre fin octobre et début novembre 1953 .

Les fabrications d’armement en date du 16 juin 1941 m’avaient passé un marché pour l’armée d’armistice, qui devait être livré fin 1942. Lorsque j’appris que les Allemands étaient entrés en zone libre et donc que ces équipements auraient été livrés à l’armée d’occupation, je pris la décision de ne pas remettre cette commande en accord avec l’atelier de fabrication de Toulouse.

Quelques jours avant l’entrée des Allemands en zone de libre, l’intendant Ricard vint à Villeréal et me demanda de toute urgence de trouver des locaux dans tous les villages de la région pour le repli éventuel de l’intendance de la 17e région. Quelques camions de matériel furent stockés à Castillonnès.

Un soir de novembre 1943, vers 20 h 30, deux hommes frappèrent à la porte de ma cuisine qui était à l’arrière de mon magasin. Ils se disaient les représentants du maquis de St. Alvère. Ils me déclarèrent qu’ils étaient au courant du camouflage de matériel et qu’ils avaient besoin pour le maquis d’équipements et de vêtements. Je répondis que j’avais ordre formel de ne rien donner. Cependant, à leur départ, je leur remis quelques ceinturons et quelques cartouchières. Lun des deux hommes était un nommé Goldmann qui sera par la suite arrêté.

Le 5 mars 1943, à une heure très avancée de la nuit, le colonel Robinet survint, me faisant connaître que de faux français, moyennant une prime, avaient dénoncé à l’armée allemande, l’existence d’un lot très important d’équipements militaires dans le moulin de Labeyrade, près de Saint-Sylvestre. De nombreux officiers du camp de Bias étaient soupçonnés d’avoir camouflé ce matériel et pouvaient être arrêtés d’un moment à l’autre, si je n’acceptais pas le parrainage de ce matériel.

J’acceptai et le lendemain le Colonel Robinet me transporta à Agen chez le directeur du bureau des Domaines qui me délivra un bordereau d’une soi-disant vente de matériel par les Domaines. Le dimanche matin 7 mars, la Kommandatur allemande d’Agen me téléphonait, me demandant si j’étais bien le propriétaire du matériel entreposé au moulin de Labeyrade. Le même jour à 14 heures, le commandant Schmit de la Kommandatur de Toulouse, accompagné de plusieurs hommes, se présenta chez moi, me demanda les titres de propriété. Ce que je fis. Il me déclara alors qu’il réquisitionnait tout ce matériel, mais me laissait en liberté vu ma bonne foi.

Le lendemain je portais plainte au Préfet du Lot-et-Garonne ainsi qu’au ministère de la production industrielle qui ordonna de faire une enquête. Après cette enquête, je fus appelé à Paris au ministère, office central des répartitions des produits industriels qui après entretien avec le sous-secrétaire d’Etat, me donna attribution de bons pour matières premières, prélevés sur le contingent allemand qui représentait 80 % de la production française.

Avec ces bons, je pus trouver la matière première chez divers fournisseurs, qui fut utilisée pour les commandes du maquis du Vercors, expédiées par wagons plombés aux noms d’expéditeurs imaginaires, à l’Ecole des Cadres de Lépinouse (Drôme), en gare de Lapeyrouse.

En rentrant de déportation, le général Mollard me fit connaître que le moulin de Lameyrade était voûté et que sous cette voûte, il renfermait des explosifs, des ateliers de réparation et des batteries d’accumulateurs, et que cela avait été une chance exceptionnelle que les allemands ne les aient pas découverts.»

Enfin Peloffy, dans une note circonstanciée, récapitule les faits énoncés précédemment :

Mes ateliers fabriquaient des effets d’équipement pour le compte de mon chef le général Mollard. Les expéditions étaient faites sous nom d’emprunt, jamais au nom des Etablissements Peloffy. Or, pour les dernières qui précédèrent mon arrestation, je fus obligé de m’absenter pour accompagner le Colonel Chanvre à Limoges, afin d’enlever du matériel que les allemands avaient saisi. J’avais donné des ordres pour faire, pendant mon absence, une expédition urgente. C’est ainsi qu’il fût envoyé 44 colis à l’Ecole des Cadres de Lépinouse. Or l’étiquetage fut fait au nom des établissements Péloffy, et de plus l’expédition se fit en colis express. A mon retour je me fâchais très sérieusement auprès de mon personnel, mais il était trop tard.

Quinze jours après, le consortium européen faisait prendre des renseignements sur moi par Monsieur Martin, huissier à Villeréal, peu de temps après, j’étais arrêté.

Lorsque je fus déporté, Monsieur Déjot fit courir le bruit que j’avais été arrêté par ce que j’exécutais des marchés pour le compte des allemands, et que je fus interpellé à la suite d’une mauvaise livraison.

Malgré tout cela, à mon retour de déportation le 19 mai 1945, je fus reçu avec éclat à la mairie par le maire communiste Bonnot, président local du Comité de Libération, qui, me souhaitant la bienvenue, me pria de déposer une gerbe avec lui au monument aux morts de Villeréal.

Malheureusement, même après toutes ces marques de reconnaissance, cette même personne contresignait l’attestation mensongère produite par Monsieur Déjot ».
Le 28 mai 1954 Monsieur Peloffy se manifesta encore par trois écrits, dans lesquels il règle ses comptes :

« En ma qualité de fabricant de vêtements de cuir à Villeréal, confection et mesure, le comité d’organisation du cuir qui siégeait à Lyon, m’attribua une licence d’achat d’attribution mensuelle de peaux de mouton pour la fabrication de vêtements de cuir, afin de satisfaire les besoins de ma clientèle civile, et ce, sur les années 1941-1942-1943.

Contrairement à tout autre article textile qui étaient, à ce moment-là, réglementés par des points, les vêtements de cuir étaient en vente libre. Toutefois, leur prix de vente devait être en conformité de décisions en vigueur pour les vêtements sur mesure et confection. J’ajoute que tous les mois, une enquête sur l’utilisation des peaux et sur mon activité était adressée à la demande du comité du cuir, en son siège à Lyon.

Début novembre 1943, je reçus un matin la visite de Déjot qui me demanda de lui confectionner sur mesure, étant donné sa taille exceptionnelle, un manteau raglan de cuir. Je lui fis deux essayages, et lui livrai cette pièce doublée selon ses exigences au prix facturé de 2500francs.

Lors de la réunion du 18 novembre 1952 à Villeréal chez Monsieur Vigerie, Déjot reconnut bien qu ‘il avait reçu un manteau raglan cuir confectionné par mes soins, au prix de 2500 francs.

Contrairement à cela, il déclara sur son attestation mensongère que je lui avais vendu ce manteau de cuir sur mesure 3500 francs, prix exorbitant. C’est absolument faux.

D’autre part il ajouta que ce vêtement lui avait été livré lors de la visite de Monsieur Goldmann chez moi à Villeréal. Or, Déjot n’était pas présent à cet entretien. Goldmann était accompagné d’un jeune homme blond.

Plus tard, à la suite d’une rencontre à Villeréal avec Messieurs Foussard et Dutilleux, en juin 1953, et ce, avant la réunion de la commission de la carte du combattant volontaire de la résistance de Tarn-et-Garonne, Déjot fit contresigner son attestation par certaines personnes, telles Bonnot, Bleyzat et Salles, dont je m’abstiendrai de parler, laissant ce soin aux bons offices des renseignements généraux, ainsi que Monsieur Vigerie, pharmacien, qui ne peut concevoir la réussite de ses semblables.

Déjot, après avoir reçu gratuitement du matériel appartenant au C.D.M., crût-il que le vêtement de cuir qui lui était personnel, devait lui être donné dans les mêmes conditions ?

Pour en terminer avec Déjot, un fait, qui reste pour moi mystérieux et que celui-ci, reconnaissant parfaitement les services que je lui rendais, vint 48 heures avant mon arrestation, à mon domicile, me prévenir que j’allais être arrêté, ce qu’il nia par la suite lors des entretiens de novembre à Villeréal.»

« Je ne m’explique pas non plus les mauvais sentiment de Messieurs Foussard et Dutilleux à mon égard.

Le 19 janvier 1949, la fédération des déportés de la rue Leroux, et peu après, la visite de Monsieur Tulot, président de cette fédération en Lot et Garonne, me priait de prendre cette présidence en Tarn-et-Garonne. Je crus devoir ne pas accepter pour des raisons majeures.

Quelques mois après, le colonel Reverdi et Monsieur Jean Lacaze, actuellement sénateur, ainsi que Monsieur Brunon, secrétaire général de la préfecture de Tarn-et-Garonne, me priaient de prendre la présidence de la fédération des déportés de la rue de Bougainvilliers, placée sous la haute présidence d’honneur de Monsieur le président de la république.

J’acceptai, et je fis tous mes efforts afin de mettre de plus en plus en évidence la fédération des déportés de Tarn-et-Garonne. Celle-ci fût ainsi honorée par la venue du père Riquet et du président Lambert. J’obtenai à ma demande une subvention de 100.000 francs du conseil général et de 50.000 francs du conseil municipal. En juin 1952, j’organisai un grand rassemblement du réseau C.D.M. Avec la remise de soixante-dix décorations. Ce fut une journée inoubliable dans les annales du réseau C.D.M..

Quelque temps après, je fus décoré de la légion d’honneur.

Tous ces faits devinrent incompatibles aux yeux de Foussard et Dutilleux, car, eux-mêmes essayaient de remonter certains mouvements sans y parvenir.

C’est à ce moment que me fut reproché dans la presse concentrationiste d’avoir fait disparaître la fédération de la rue Leroux à l’avantage unique de la fédération de la rue Bougainvillier.

Ce qui mit à provocation encore plus Foussard et Dutilleux, fut la sollicitation impérative que me fit le préfet Ghisolfi de prendre la présidence du comité d’aide aux combattants d’Indochine.

Depuis cette date une grande campagne de calomnies fondit sur moi. Car, malgré l’accord de tous, Foussard, lui, n’admettait pas la guerre d’Indochine. Il alla jusqu’à déclarer en pleine réunion de combattants républicains que c’était par ambition et non par devoir que j’avais donné mon acceptation à Monsieur le préfet.

Mieux encore, Foussard et Dutilleux poussèrent le paroxysme de leur ressentiment vis-à-vis de moi jusqu ‘à se rendre à Villeréal auprès de Monsieur Georges Gaillard, chef de la résistance locale A.S. et lui déclaraient qu’ils venaient prendre conseil auprès de lui pour y puiser des arguments contre moi, pensant ainsi m’obliger à donner ma démission des diverses présidences d’associations d’anciens combattants auxquels j’appartenais.

Il n ‘en fut rien, puisque, successivement, je fus nommé membre de la commission paritaire pour le prélèvement exceptionnel à la préfecture de Tarn-et-Garonne, ainsi que membre de la commission d’attribution de la carte de Déportés résistants et de Déportés politiques, enfin membre titulaire du conseil d’administration de l’office des anciens combattants de Tarn-et-Garonne.

Quant à mon dossier personnel pour l’attribution de la carte de combattant volontaire de la résistance, Foussard et Dutilleux se permirent de présenter l’attestation calomnieuse de Déjot, ce qui provoqua l’envoi de mon dossier à la commission nationale ».

Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage242Pour terminer cette relation de l’affaire Péloffy, nous présentons les lettres écrites le 14 juin 1954 par les membres du comité local de Libération de Villeréal à Monsieur Peloffy et celle du 24 juin 1954 du président départemental du M.L.N. de Montauban à Monsieur Vavasseur, le responsable M.L.N. de Paris. Première lettre :

Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage243-1 Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage243-2Deuxième lettre :

« Lors du congrès de Marseille, Goudoumeche et vous , vous nous avez demandé, puisque nous passions par Béziers, de voir dans cette ville Monsieur Lévy, propriétaire d’un magasin de confection, afin de s’entretenir avec lui de l’affaire Péloffy.

Nous avons vu Monsieur Lévy et voici, succinctement, ce qu’il nous indique :

« Israélite, mes biens furent mis sous séquestre durant l’occupation et vendus en 1943. Un seul acheteur se présentera : ce fut Péloffy.

Quatre ou cinq jours après la vente, le magasin fut vidé des marchandises qu’il contenait.

Je fis opposition à la vente afin de sauvegarder mes droits.

A la libération, je fis une demande de restitution des biens et assignais Monsieur Péloffy. Celui-ci vint me voir et me proposa de me payer la somme que je voudrais, afin de rester en possession du magasin. Je refusais.

Il me dit alors qu’il « avait acheté sur ordre de la résistance et que les marchandises avaient été livrées au maquis… Je n’en crus rien ».

Je faisais partie, moi-même, de la Résistance et manifestait non seulement ma surprise de voir un résistant se porter acquéreurs de biens juifs par ordre de la Résistance, mais aussi mon incrédulité.

Je laissais la justice suivre son cours.

Or, au grand étonnement de tous, Péloffy apporta au juge une attestation du général Mollard certifiant que les marchandises qui existaient dans le magasin, avaient été livrées à la résistance.

Nous n’ajouterons aucun commentaire laissant le soin à d’autres plus qualifiée de tirer une conclusion ».
EPILOGUE

Le 14 octobre 1954, la commission départementale de Tarn-et-Garonne des combattants volontaires de la résistance décide de prendre en compte, pour l’attribution du titre de CVR à Monsieur Fernand Péloffy le temps de présence dans la résistance, soit période du 1er janvier 1942 au 19 mai 1945, soit au total 1244 jours.

La carte de C.V.R. n° 149 est attribuée à Monsieur Péloffy le 14 octobre 1954.

L’affaire Peloffy
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