Page 265 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »

Les victimes sont toujours les mêmes : ces hommes, femmes et enfants, qui, en plus d’être morts, sont aujourd’hui dépourvus de coupable. Elles sont en face du vide : Les bourreaux ne sont plus. Le temps a passé. Reste cette immuable question : que pouvons-nous faire pour que soit respectée la mémoire de millions de disparus ? La justice et son palais restent déserts.

Mais la lucidité doit reprendre ses droits comme en témoigne Vladimir Jankelevitch dans « l’Imperceptible ».

La France a manqué en 1944 sa plus grande chance de renouvellement et de rajeunissement. Dans ces journées uniques tout était possible. Nous nous étions promis, alors, que tout serait neuf et vrai, que tout recommencerait depuis le début, comme si la honte de Vichy n’avait jamais existé, que ce gai matin de la Libération serait notre deuxième naissance, que le gazon pousserait sur la sépulture de l’ignoble passé.

Or, nous n’avons pas commencé cette nouvelle vie que l’insurrection nationale nous promettait. Pour la première fois peut-être dans notre histoire, la France, miraculeusement rescapée, n’a pas renié le régime qui avait fait du consentement à la défaite, sa raison d’être et son principal titre de gloire.

Notre printemps est manqué. Mais peut-être tout cela valait-il mieux pour nous ? Peut-être cet enlisement de toute générosité et de tout héroisme créateur tient-il à une grande loi métaphysique qui, si elle permet par instants à l’homme d’atteindre le sommet de lui-même, lui interdit de s’y tenir.

Bien des printemps se trâment encore dans les sillons et dans les arbres ; à nous de savoir les préparer à travers de nouvelles luttes et de nouvelles épreuves.

Aujourd’hui, il nous appartient à tous, sans exception, de refuser l’inacceptable :

l’OUBLI.

C’est pourquoi nous avons publié ce livre

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