Page 17-36 du Livre « Avant que Mémoire ne Meure »

Origine du maquis Bir-Hakeim
C’est en avril 1943 que Joseph DELOM, expéditeur en fruits à Montpezat, forma le premier groupe opérationnel pour le renseignement et le camouflage des jeunes qui fuyaient le S.T.O.

Au même moment, Pierre CABARROQUES, à Caussade, contacté par Noël DUPLAN depuis la fin 1942, entre dans une résistance active en accomplissant de nombreuses missions : reconnaissance de terrains de parachutage, liaisons et transports d’armes, recrutement et organisation du maquis Bir-Hakeim.

Ce maquis s’est constitué en octobre 1943, à partir d’éléments qui refusaient d’aller travailler en Allemagne. L’un des tous premiers réfractaires fut André FIQUET dont la personnalité était telle qu’on lui a confié tout de suite la responsabilité du maquis. Toulousain d’origine, celui-ci avait fui les chantiers de Jeunesse et s’était retrouvé à Caussade où il fut pris en charge par DUCLOS (DEVILLE) qui l’amena, après diverses péripéties, à la bergerie de Vieille, lieu-dit Guillot, sur la commune de Lavaurette – Saint-Georges, tout près de Saint-Symphorien. C’est en ce lieu que se localisa tout d’abord le maquis Bir-Hakeim.

Témoignage A. FIQUET :

Après les Chantiers de Jeunesse, réfractaire au S.T.O., j’ai abouti en novembre 1943 à Caussade, où DUCLOS m’a indiqué mon premier refuge : la cabane Moustache. J’ai pris l’autobus, et après Septfonds, en haut de la côte de Lavaurette, je suis descendu, j’ai mis la valise sur l’épaule et à travers champs on a rejoint cette cabane.

Peu de temps après, (document l) le docteur OLIVE et l’ingénieur ANCELET (qui plus tard seront arrêtés et déportés) sont venus me faire signer mon acte d’engagement (document 2).

Nous nous sommes alors retrouvés à trois : le chef, un autre gars et moi. Le second est parti aussitôt que je suis arrivé, je ne sais pour quelle raison. Nous sommes restés ici jusqu ‘à la fin décembre. On y a fait la Noël. On était alors une douzaine peut-être.

On changeait de lieu assez fréquemment. C’était à notre idée. Je cherchais un point de refuge. On y allait. Et je me mettais en quête aussitôt d’un autre lieu. Il fallait trouver de l’eau, de la nourriture, tout en restant loin des routes.

Ainsi après avoir été à Vieille, près de Servanac, où nous étions le maquis Moustache, nom qui venait du fait que quelques individus s’étaient laissés pousser les moustaches, nous nous sommes retrouvés le 2 avril 1944, à Saint-Cirq, dans la ferme de Clovis DEJEAN, au lieu-dit Le Bretou. C’était une grande ferme, où nous avons commencé sérieusement une formation militaire. C’est à cet endroit qu ‘est né véritablement le maquis Bir-Hakeim, avec Gilbert comme chef moi comme adjoint, Louis l’Espagnol et plusieurs autres.
Le 10 avril, nous nous trouvons toujours au Bretou, mais à la ferme des TABARLY. Le chef Gilbert vient me souhaiter un bon anniversaire pour mes 21 ans, en me disant que Philippe HENRIOT a décidé que tout homme pris, les armes à la main, dans les maquis, sera fusillé immédiatement sans jugement. En même temps il m’offre un livre qu ‘il me dédicace avec Roméo et Louis.

Nous sommes inquiets, parce qu ‘on nous a signalé des gitanes qui ont vu nos compagnons à la ferme DEJEAN, puis au Bretou. On se méfie beaucoup de ces romanichels qui passent dans les fermes, repèrent les jeunes réfractaires qu’ils vont ensuite dénoncer aux Allemands. Nous sommes donc dans l’obligation de partir.

Comme notre groupe est devenu assez important (document 3), nous décidons de nous scinder en deux : une partie ira à St-Georges, au-dessus de Septfonds, et l’autre s’installera à Saux, commune de Montpezat-du-Quercy, où nous avons pris contact avec la famille DELOM (document 4).

Nous avons été reçus plusieurs fois par Joseph DELOM, qui nous connaît une planque près de l’église de Saux, où plusieurs maisons sont abandonnées, sauf par un gars qui, me semble-t-il, travaillait aux tramways de Toulouse, et qui assure l’entretien de cet endroit. Peut-être ce dernier est-il planqué pour diverses raisons que nous ignorons, mais il est des nôtres et nous pensons que nous ne risquons rien.

La vie à Saux est particulière, car nous sommes toujours sur le qui-vive. Ainsi nos paquetages ne sont jamais défaits. Nous dormons sur nos couvertures que nous replions le matin venu, prêts à un éventuel départ. Pendant cette période, Gilbert et Louis sont appelés à faire un parachutage avec le maquis d’Ornano. Je reste sur place avec le groupe.

En ce début d’avril, je suis handicapé par une verrue plantaire. Il est décidé que j’irai me faire soigner à Moissac.

Pendant mon séjour à Moissac, je fais la connaissance de personnes qui connaissent le curé de St-Cirq, et qui me rapportent une conversation qu ‘ils ont eue avec celui-ci. Le curé, qui avait donné sa bénédiction à ceux qui l’avaient demandée, lors de notre départ du Bretou, avait remis une somme de 25 000 F de l’époque au chef Gilbert qui n ‘en avait parlé à personne.

J’avais déjà des doutes à son sujet, l’ayant découvert menteur en une circonstance.

Je reviens de Moissac et j’avise immédiatement mes chefs à Caussade de cette affaire. Je vois DUCLOS, MONFRINI et je leur dis : «Voilà ! Est-ce que vous êtes au courant de ça ?» On fait une enquête. Je vais voir le curé de St-Cirq qui était un Alsacien. Je le remercie pour l’argent qu’il a donné pour le maquis, ce qu ‘il me confirme. ( document 5)

Mes chefs m’informent alors que, pendant mon absence, il s’est passé un fait grave. Un nommé Georges qui faisait partie de notre groupe comme moniteur-instructeur, avait braqué des paysans du lieu et les avait soumis à des rançons, en les intimidant avec sa mitraillette.

Je remonte avec l’ordre suivant : ce Georges doit être exécuté pour l’exemple. Je transmets cet ordre à Gilbert.

Ce Georges est alors enfermé dans une pièce de la ferme, sous surveillance, après qu’on lui ait retiré chaussures et ceinture. Ayant dû entendre sa condamnation à mort, ce dernier a pu profiter de la relève de la garde pour s’échapper avec, peut-être, une complicité.

Lorsque j’avais transmis l’ordre à Gilbert, celui-ci avait été très impressionné par la sentence, mais je ne peux pas affirmer qu’il ait favorisé la fuite du prisonnier.

Dès le matin, j’ai recherché cet individu avec un groupe. Nous avons fait toutes les gares avoisinantes. Nous avons cherché partout, mais nous n ‘avons pas pu mettre la main sur lui. Par la suite, nous avons appris qu ‘il avait volé des habits dans des fermes, mais nous n ‘avons pas su ce qu ‘il était devenu.

A la suite de cette affaire, le chef Gilbert est radié de son commandement.

Ne pouvant pas rester sur place, nous allons avec DELOM, du côté de La Salvetat, chez. PETIT, où il y a une maison inoccupée dans les bois des Garennettes.

Nous en faisons notre quartier général et nous plaçons quelques gars dans les fermes proches qui avaient besoin de main d’œuvre. Dans la journée ils aidaient les paysans et le soir ils rentraient au cantonnement. Pour garder l’esprit de la Résistance, il était nécessaire qu ‘ils retournent le soir venu au camp. Nous nous trouvons alors une quinzaine.

J’ai passé deux nuits chez. PETIT, où Gilbert vient me rejoindre. Nous discutons longuement et je le trouve abattu par ce qui lui arrive. Je lui reproche tous les mensonges qu ‘il avait racontés. Ainsi la fable de l’attaque chez DEJEAN, dans laquelle il prétendait que nous avions été attaqués par un véhicule allemand et que son revolver avait été cassé dans sa main lors de l’attaque. Alors qu ‘il n ‘y avait eu aucune action et que son revolver s’était brisé en tombant d’une table chez. Cournac. Bref des inventions. Il y avait chez, cet homme quelque chose que je n’ai pas compris. Par la suite, on a su, après son départ, qu’il s’appelait Gilbert ROUSSET. C’était un droit-commun.

Le maquis est donc sans chef. Louis, l’Espagnol, a des qualités de guérilleros, puisqu’il vient de faire la guerre civile d’Espagne, mais il n’est pas français. Et moi je ne peux pas prendre le commandement sans être nommé par mes chefs. Je me suis donc rendu à Caussade pour cette nomination.

Dans la nuit du 29 au 30 avril, nous avons fait sauter la voie ferrée Toulouse-Paris au tunnel de Viandès à l’Est de Montpezat.

Max HASTINGS qui a eu accès au «Journal de Marche de la Division Das Reich», lie les événements qui vont suivre, à la recherche des terroristes.

Dans la nuit du I » au 2 mai, vers 2h du matin, les Allemands investissent les abords de Montpezat, aux Garennettes. Les soldats qui opèrent sont sous les ordres de la Kommandatur S-S de Caussade N° 59 544.

Témoignage J. DELOM (Président du Comité de Libération de Montpezat) -20 novembre 1944 :

Au printemps 1943, de mon initiative, je décidai de constituer un groupe de Résistance avec les patriotes de Montpezat, mais la chose n’était pas facile. Je m’en entretins avec BEGUE, chef de la Résistance à Grisolles (déporté par la suite) qui, voyant que nous avions les mêmes idées, me donna quelques renseignements et me proposa d’envoyer quelqu’un pour m’aider à trouver un terrain de parachutage.

Au mois d’avril 1944, deux hommes se présentent chez, moi et m’annoncent l’arrivée d’un groupe de Maquis qu’il fallait mettre en lieu sûr. J’accepte et les installe au vieux moulin Rolland et dans la vieille église de Saux. Je leur indique les endroits où il fallait se ravitailler. J’avertis moi-même les propriétaires du voisinage de ne pas avoir peur.

Par la suite, je recevais continuellement de jour et de nuit, le chef Gilbert et le sous-chef Tataouine. Il y eut des malades : il fallait faire soigner ces hommes. Ayant compris que le docteur LARROQUE de Montpezat, était pour nous, je m’adressais à lui pour leur faire donner les soins voulus : ce qu’il fit. avec empressement.

Tout marchait pour le mieux, lorsqu ‘un matin, un maquisard, en fait un vrai bandit, profite de la relève pour s’évader. Cet homme était capable de tout et même de nous dénoncer. Le chef m’envoie deux hommes pour m’avertir aussitôt. Nous partîmes à la recherche du fuyard. Ce fut une vraie chasse à l’homme. Nous espérions qu ‘il n ‘avait pu aller bien loin, étant mal vêtu, sans argent et pieds nus.

A l’affût près d’une vieille ferme, le bandit avait surveillé le départ aux champs des habitants de la ferme voisine. Rentré dans cette ferme, il volait une paire de chaussures, des vêtements, de l’argent et même une montre. Le propriétaire, Monsieur PELLEGARIE, grand blessé de guerre 14-18, ayant connaissance d’un maquis, se garda de porter plainte et préféra confier la chose à M. DELPECH, membre de la Résistance, qui s’empressa de m’avertir. Je fis alors appeler Monsieur PELLEGARIE, le remerciant de n ‘avoir soufflé mot, et lui promis, avec le chef Gilbert de le faire rembourser. Je lui recommandai encore une fois le silence sur cette affaire. Nous fûmes alors obligés de changer de lieu.

J’allai trouver M. VERDIER au lieu dit « les Garennettes » et lui demandai de laisser une de ses deux fermes pour le PC, au lieu-dit « Le Truffé ». Il accepta spontanément et, le lendemain, le groupe déménagea. Je plaçai les hommes dans les fermes voisines.

Fin avril, nous recevons un ordre de mission : faire sauter les voies. Après entente avec Tataouine, devenu chef je rejoins le groupe le soir du 29 avril, au PC, et leur fais suivre les chemins défilés pour les conduire au lieu désigné, où la mission fut accomplie.

Mais les Allemands alertés, après enquête, comprirent que le groupe se trouvait dans les environs.

à Benjamin OLIVE et Jacques ANCELET

Chefs de la Résistance de Caussade (T.&G.)

AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page21-1AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page21-2 AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page21-3

à Buehenwcald le 26mars 1945                               à. Dora le 6 avril 1945

arrêtés par la Gestapo
dans la nuit du 13 décembre 1943
martyrisés pour la France
assassinés par les Allemands

leurs camarades  de l’Armée secrète de Caussade et du Laboratoire Central de l’Armement

DOCUMENT 1

 Fac-similé d’acte d’engagement dans la résistance du 25/01/1944

A lire à tous les hommes des maquis de la Résistance Unie (Combat – Libération – Franc-tireur)
DOCUMENT 2

AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page23AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page23-suite

Effectif du maquis Bir-Hakeim en mars 1944
et

affectation des armes

(Armement prélevé sur le premier parachutage en Tarn-et-Garonne opéré

aux Ombrails chez les Ricard)

Liste médicale Bir-Hakeim du 07/03/1944

DOCUMENT 3

AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page26

AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page27

AVANT QUE MEMOIRE NE MEURE Tome1Page28Etude de l’effectif du maquis Bir-Hakeim
Début mars 1944, le maquis Bir-Hakeim, appelé encore M.B.3, est formé de 24 éléments. L’étude détaillée de cet effectif réserve des surprises.

D’abord une majorité est certes constituée de jeunes des classes 1920 à 1924 (19 hommes). Mais, parmi ces jeunes, 5 seulement viennent des chantiers de jeunesse, réfractaires au S.T.O. Le plus jeune n’a pas encore 17 ans. Mais, probablement d’origine juive, il a toutes les raisons d’être au maquis. Les plus âgés sont d’origine étrangère :

–    Paul FUEDRICH est né le 27 août 1889, à Apolder, en Allemagne. Il a donc 55 ans. Il a fui l’Allemagne nazie dans les années 30 et s’est réfugié en France.

–    Mathias HIRM est, lui, autrichien. Il a 38 ans. Il a fait deux ans de guerre d’Espagne avec les Républicains.

–    De même que Louis ORTHIZ, 31 ans, qui vient de Madrid, et Angelo ALBORGHETTI, né le 15 juin 1913, Italien, réfugié à Mouillac.

Curieusement, l’origine des membres de ce maquis est assez hétéroclite. On compte 11 jeunes issus du Tarn-et-Garonne et des départements voisins (Haute-Garonne, Tarn, Hautes Pyrénées, Aveyron, Gironde). Mais à côté des 5 étrangers déjà cités, on trouve un Mosellan, un Ardennais, trois Franciliens, trois habitants du Pas-de-Calais.

Quatre sont mariés, dont trois pères de famille. Tous les autres sont célibataires. Contrairement à certains maquis du département, il y a peu ou pas d’intellectuels ou de professions libérales, (un instituteur, un étudiant). Ce sont essentiellement des artisans, des ouvriers, des agriculteurs.

Curieusement, le premier responsable de ce maquis se révélera quelques mois plus tard un individu de peu d’honnêteté et sera démis de ces fonctions et remplacé par une figure incontestée et respectée de la Résistance Tarn-et-Garonnaise : TATAOUINE (André FIQUET).

Quant à l’armement, il est surprenant de constater qu’à cette époque, le maquis Bir-Hakeim détient 18 mitraillettes, 2 pistolets, 1 fusil MAUSER, 1 fusil modèle 36. Il est vrai qu’une partie importante de cet armement provient du premier parachutage effectué aux Ombrails chez les RICARD le 19/20 août 1943.

Dispersion des maquis
Après l’attaque du maquis d’Ornano le 21 mars 1944, il est décidé de disperser les maquis afin de les rendre moins vulnérables.

*    Correspondance de Camille à Deville du 24 mars.

*    Réponse de Deville à Camille du 25 mars.

*    Correspondance de Camille à Gilbert du 27 mars
DOCUMENT 4

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Rapport du curé MOLTER

sur les agissements de Gilbert, ex-chef du maquis Bir-Hakeim

DOCUMENT 5

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Le maquis Bir-Hakeim
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