Page 65-66 du Livre « Cinquantenaire  Libération de Montauban et du Tarn et Garonne »

L’organisation était méticuleuse. A son arrivée, le déporté était enregistré, immatriculé (à Auschwitz, le numéro-matricule était tatoué sur l’avant-bras), douché, rasé, habillé de cet étrange vêtement aux rayures bleues, semblable à un pyjama, et envoyé au blok de quarantaine qui allait l’initier à la vie du camp.

Il faisait connaissance avec le monde de la déportation, dont la population était répartie en catégories que distinguait un triangle de couleur, cousu sur la poitrine : rouge pour les « politiques » (déportés de la résistance, otages, raflés), vert pour les criminels de droit commun, violet pour les objecteurs de conscience, etc. Une lettre indiquait la nationalité.

Les déportés français portant le triangle rouge des politiques marqués d’un F, étaient d’origines diverses : résistants actifs, arrêtés pour « crime » de résistance (gaullistes, communistes, etc.), suspects, arrêtés sur simple présomption, otages, raflés au hasard ou populations de villages entiers arrêtées en représailles d’attentats ; israélites de nationalité française, apatrides, ou ressortissants d’Allemagne ou de pays d’Europe centrale, réfugiés en France depuis le début de la guerre et systématiquement pourchassés.

Les S.S. étaient les maîtres, mais déléguaient une partie de leur pouvoir et de leur travail à des déportés presque toujours de droit commun, appelés « kapos », qui faisaient régner la discipline et la terreur. Les « politiques » arrivèrent parfois à supplanter les « verts » et à obtenir certaines responsabilités, à la satisfaction de leurs camarades.

La journée commençait de bonne heure. En pleine nuit, le réveil chassait brutalement les déportés d’un sommeil toujours trop court et souvent impossible, car ils dormaient à deux ou trois dans des lits étroits. Ils se lavaient où ils pouvaient ; ils absorbaient le breuvage baptisé « café » et ils allaient à l’appel qui durait parfois des heures.

Puis c’était le départ pour le travail : extraction et charroi de pierres, extraction de sel, construction de routes ou de voies ferrées, aménagement d’usines (usine souterraine de Dora), travail dans les usines d’armement ou de produits chimiques. Les femmes étaient astreintes aux mêmes travaux que les hommes.

Malgré la sévère surveillance, les tentatives de sabotage étaient fréquentes. Combien de machines s’arrêtèrent subitement de manière… inexplicable ; combien de pièces d’armement furent livrées avec des « malfaçons ». C’était encore entre les mains des ennemis, et sous leurs yeux, des actes de résistance, immédiatement punis de mort, s’ils étaient découverts.

Toujours la mort. Il n’y avait pas que la mort brutale pour éliminer tous ces « indésirables ». Beaucoup tombaient au travail : combien de déportés sont morts en construisant la route qui mène au Struthof et que suivent maintenant les touristes insouciants ; combien dans le tunnel de Dora (où certains sont restés plus de six mois sans revoir la lumière du jour) ; combien dans les mines de sel de Neu-Strassfurt ou dans l’escalier de la carrière de Mauthausen ?

La sous-alimentation, la soif, le froid, les maladies, tuaient de nombreux déportés. Les longs appels dans les matins glacials ont été fatals à beaucoup. Souvent, ils se réveillaient auprès de cadavres de camarades qui s’étaient éteints pendant la nuit. En 1945, la surpopulation des camps provoqua de terribles épidémies de typhus.

Certains, découragés, se laissaient tout à coup aller, car, pour « tenir », il fallait un effort continuel de volonté… Alors, ils tombaient et ne se relevaient plus. D’autres allaient délibérément au-devant du suicide : ils se précipitaient vers les fils électrifiés qui les électrocutaient si les sentinelles ne les avaient pas arrêtés auparavant d’une rafale.

Les déportés ne servaient pas seulement le Grand Reich par leur travail : les habits et les chaussures étaient soigneusement « récupérés ». Les cheveux des femmes, tondues à ras comme les hommes, servaient à faire des tissus. Après la mort, des « dentistes » arrachaient les dents en or et les appareils de prothèse. A Buchenwald, on transformait les peaux tatouées en abat-jour ou en reliures. On employait les cendres comme engrais.

L’organisation
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