Pages 115-120 du Livre « Afin que Mémoire Demeure »
Les compagnies de l’Armée Secrète du Sud de la Garonne
10ème Compagnie, cantons de Beaumont, Lavit et Montech
13ème Compagnie, cantons de Valence d’Agen et Auvillar (première partie)
13ème Compagnie, cantons de Valence d’Agen et Auvillar (deuxième partie)
par Pierre Demathieu
HISTORIQUE de la 10ème COMPAGNIE
Cantons de Beaumont, Lavit et Montech
Cette compagnie a été formée avec les éléments du maquis des « Carottes » cantonné dans les bois d’Hartèch commune de Castera-Bouzet.
Son chef, André Brunei, dit Bourcier, est entrée en résistance par l’intermédiaire d’un pharmacien de Beaumont de Lomagne , François Marsol dit « Colomb », originaire de Varilhes (09) commune située entre Pamiers et Foix, lequel avait été contacté au titre du M.L.N. en octobre 1942 par Moulin, alias Maury, puis Meauzac, ingénieur au laboratoire central d’armement, replié à Caussade depuis l’armistice de 1940.
Moulin était membre du comité départemental de la résistance du Tarn-et-Garonne qui venait de se constituer et agissait auprès de Marsol en compagnie de l’aborigène Salat ami personnel de ce dernier et en relation avec Noël Duplan dit Chopin à l’époque.
R. Bach et F. Marsol
Ces contacts sont en outre à l’origine de la création dans le sud ouest du département du premier noyau de résistance qui progressivement, en raison de vieilles amitiés dans les cantons de Beaumont de Lomagne, Lavit de Lomagne et Montech permirent le recrutement de responsables locaux : Cyprien et Sébastien Bosc de Sérignac, Henri Escarnot, chargé par la suite du parachutage de Lavit de Lomagne et d’Honoré Dalchi lui aussi de cette commune, Pierre Fourcade dit Fournier, et Pierre Delos, dit Gandhi, l’un et l’autre de Montech.
Le point de chute de tous ceux qui entrent en résistance est dès lors fixé à la pharmacie des époux Marsol où tous venaient s’informer, se ravitaillier en tracts, journaux clandestins, matériels militaires, etc… On y rencontrait des hommes et des femmes de tous les horizons : économique , politique, confessionnel, jeunes ou moins jeunes qui avaient fait leur, la phrase de Voltaire « C’est lorsqu’on a perdu la liberté que l’on en mesure tout le prix » .
Après avoir été constactés par les responsables départementaux du M.L.N., ils se mirent à la recherche du point de chute où ils installèrent la base de leur maquis pour y faire cantonner tous les éléments de la 10e Cie de l’A.S. du Tarn-et-Garonne. Leur choix s’arrêta sur une propriété abandonnée de la commune de Castera-Bouzet ; là, où il est possible, sans avoir à l’aménager, d’avoir un terrain susceptible de recevoir les containers d’un parachutage. Ce terrain fut baptisé « Viaduc » et la phrase message « Messieurs faites vos jeux ».
Tout s’organisa ensuite petit à petit sur des bases d’amitié , d’affinité, d’un grand respect des uns vis-à-vis des autres entre les hommes, les femmes, les jeunes et les anciens quelque soit leurs sentiments politiques ou leurs appartenances religieuses.
Marsol pendant son discours lors de l’inauguration de la stèle
Noël Duplan, Marie-Rose Gineste, Louis Olivet, Armand Duchayne
À l’équipe responsable fut adjoint, en avril 1944, Marc Cottaz, habitant Larrazet, dit Colt, membre de l’O.R.A., officier de carrière, pour échapper à une dénonciation. Ayant appartenu à l’armée d’armistice par son incorporation au 3e régiment du génie stationné à Castelsarrasin jusqu’au 11 novembre 1942, il servait depuis l’armistice, par les intermédiaires du commandant de Milleret – futur commandant de la brigade de Carnot sur le front du Médoc et le mouvement C.D.M. (Camouflage Du Matériel ) . Cet officier œuvra utilement dans l’armement et l’organisation de la 10e Cie A.S. avant de devenir le commandant du bataillon de marche du Tarn-et-Garonne, formé par la fusion du bataillon « Louis Sabatié » et du bataillon « Camille », sur le front de la Pointe de Grave.
L’officine de Marsol était également fréquentée par tous ceux qui avaient accepté des responsabilités. Et notamment par Fred l’agent du S.A.P arrêté dans le Gers par l’occupant, porteur d’un carnet qu’il ne pût détruire, dans lequel ses geôliers trouvèrent les adresses de Cabarroques, du docteur Olive et de Jacques Ancelet arrêtés par la gestapo le 13 décembre 1943 ; d’Etcheverlepo, dit Raulin, lui aussi agent du S.A.R et de « Libérer et Fédérer », arrêté rue de la Comédie à Montauban et assassiné au Pont des Consuls.
Le 5 mai 1944 Brunei, Marsol et Rey échappent à la gestapo venu les arrêter. Rey rejoint un maquis des Landes. Brunei et Marsol après quelques péripéties se camouflèrent dans deux fermes voisines de la commune de Sérignac, chez Basso et chez Bosc. Lun et l’autre, le 1er juin 1944, quittent leur cache à la nuit tombée avec leur armement et un poste récepteur de radio, se terrant le jour pour rejoindre à Castera-Bouzet, lieu dit « les carottes » les gars de la résistance et les réfractaires au S.TO., où ils s’exercent au mani-ment des armes et du plastic, à la formation des groupes de combat pour bien conduire la guérilla en attendant le jour J.
La phrase » le père la cerise est verni » ayant été captée par l’un d’eux, le 7 juin 1944, sur son ordre, le maquis occupe momentanément la commune de Lavit de Lomagne avec dignité et discipline, rejoint, dans cette action par la brigade de gendarmerie.
En juillet l’U.N.E. (Union Nationale Espagnole) qui dispose d’un cantonnement dans la région se joint à la 10e Cie de l’armée secrète passant ainsi sous les ordres de « Bourcier », nommé capitaine FFI. par le commandant départemental « Nil » et chef du secteur sud-ouest du Tarn-et-Garonne. Les jours passent. Les maquisards et leur encadrement sortent de l’ombre le 18 août et, en devenant des soldats des Forces Françaises de l’Intérieur, vont occuper Beaumont-de-Lomagne.
Auparavant ils avaient passé, après avoir capté le message espéré, toute une nuit à attendre sur le terrain « Viaduc » avec leurs camions fonctionnant au gazogène, le parachutage annoncé ; en vain ils attendront l’avion ; l’orage et la pluie empêchant le largage et la réception des containers.
Le lendemain ils exécutent l’ordre de l’état-major départemental d’interdire l’accès des ponts de leur secteur qui va des communes de Belleperche à Verdun/Garonne, par des barricades constituées d’abattis . Plus tard , le groupe placé à Bourret apprenant qu’une colonne allemande se dirige vers Toulouse en empruntant la R.N. 113 l’attaque au carrefour de la Vitarelle après plusieurs accrochages sur les communes de Saint-Porquier et d’Escatalens. Mais l’ennemi, informé du dispositif relatif à l’embuscade envisagée mis en place par les gars de la 10e Cie par un agent de la D.A.T, qui sera condamné pour son forfait au lendemain de la libération par le tribunal correctionnel à quatre ans de prison, stoppe son déplacement pour passer la nuit à Saint-Porquier. Dans le même temps un détachement est expédié par Bourcier à Montech pour qu’il intervienne dans le sauvetage de l’incendie de l’usine de tout ce qui peut l’être, tout en assurant la garde du dépôt d’essence de Montbartier. Embuscades et harcellement reprennent le 20 août après le refus, par le commandement allemand, de la proposition de reddition proposée et transmise à lui par un habitant du lieu, qu’il retiendra toute la journée, ne le libérant, sans dommages pour lui, que le soir.
L’action engagée est d’envergure puisqu’elle s’étend sur tout le territoire formé par les communes traversées par les R.N. 113, R.N. 128 et la Garonne, obligeant la troupe d’occupation de décrocher de ses cantonnements par mouvements successifs, pour rejoindre l’unité qui descend depuis Agen vers Toulouse en vue d’un regroupement avec la troupe allemande qui se replie depuis Marseille par la vallée du Rhône.
Plusieurs allemands seront blessés et tués et plusieurs fermes incendiées dans cet important accrochage. Une seule victime du côté des résistants, un gars de Finhan, Jean Lacaze, étudiant plein d’avenir, auteur de la lettre que nous publions ci-après qu’il adressa à ses parents lorsqu’il partit au maquis.
Dernière lettre de notre très regretté Camarade LACAZE à ses parents, le 17 Août 1944
Tué au combat de La Vitarelle le 20 août 1944.
Il n’avait que 18 ans et était déjà élève à la Faculté des Lettres de Toulouse
Aujourd’hui, aux carottes, sur les ruines du bâtiment qui abritait les hommes de la 10e Cie de l’A.S. du Tarn-et-Garonne, une stèle, réalisée grâce à la volonté, à la pugnacité d’un ancien de cette formation F.F.I. : Raphaël Bach, d’origine espagnole, interné au camp de Septfonds, évadé des chantiers de l’agence Todt pour entrer en résistance, contient la liste de tous ceux qui vivaient là pendant l’occupation en préparant la libération et perpétue, pour toujours, les sacrifices physiques, civiques et moraux de ceux qui refusèrent le nazisme et le déclin du pays.
Stèle et ruine du bâtiment abritant les maquisards au lieu dit des « Carottres »