Pages 173-189 du Livre « Afin que Mémoire Demeure »

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19 Août 1944
Quand le Corps Franc de la 3e Cie A.S. arrive au « Petit Versailles » l’élément avancé de la colonne allemande était engagé au combat du Rond. Le Corps Franc occupe en force l’embranchement de la route de Nègrepelisse et de Paris.
Retranché dans les fosséss, il empêche toute la soirée jusqu’à la tombée de la nuit, par un feu nourri et continu de ses armes, la liaison du gros des troupes allemandes avec son élément de tête engagé au Rond.

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page176-1pgAFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page176-2g

Après le débarquement en Provence du 15 août 1944, les alliés avancent vers Paris par la vallée de Rhône dans le but de prendre en tenaille les troupes allemandes. Ces dernières pour ne pas être prise dans les mâchoires de la tactique adverse amorcent un mouvement de repli vers le nord-est de la France. La milice doit les imiter selon la décision d’Oberg ordonnant qu’elle doit rester à l’arrière-garde pour couvrir le départ des troupes du Reich et combattre les maquis jusqu’à la dernière minute. Ce plan est estimé par Darnand, dangereux pour les miliciens, car il est probable que les maquisards ne l’épargneront pas. Sa réaction est de faire préparer une série d’ordres prévoyant le repli immédiat de la milice sans s’occuper des Allemands.. Celui concernant la région de Toulouse prévoit qu’elle doit se replier sur Montpellier, faire sa jonction avec la milice de Marseille, puis gagner Dijon par la vallée du Rhône.

En application de la directive Darnand, le cantonnement de la milice à Montauban (lycée Michelet, rue Lacapelle) est abandonné le 17 août au matin. La gestapo quitte la ville dans la foulée et les derniers soldats allemands le 19 dans la matinée, en laissant dans les cellules de la prison du quartier Doumerc les cadavres de quatre prisonniers arrêtés quelques jours avant : Jean Cugat, Novak Ladislas, Louis Villaume et Raymond Serbier. La formation sanitaire de l’armée Vlassov cantonnée à la caserne Pomponne se rend sans opposer de résistance après l’intervention de Léonid Kroll, aumônier de la religion orthodoxe en Tarn-et-Garonne.

Après leur départ, des rumeurs persistantes et toujours amplifiées sont répandues en ville haute et dans le quartier de Villebourbon, relatives à la pose par les troupes d’occupation et la milice de mines en vue de la destruction d’ouvrages d’art militaire et civils, afin de gêner l’insurrection nationale. Dès le matin du samedi 19 août, le bruit de l’explosion de l’arsenal se répand dans la ville, ainsi que le sabotage de la centrale des PTT La ville est en effervescence. La journée s’annonce très chaude. Le temps est lourd et orageux.

Georges Sempé (alias Sénéchal) de la 3e Cie A.S. témoigne : « les rues sont pleines de monde. Aux balcons et aux fenêtres sont accrochés des centaines de drapeaux tricolores. L’excitation est à son comble. On voit des hommes, brassards F.F.I. en évidence, porteurs d’armes diverses. Je n ‘aurai jamais cru qu ‘il y eût autant de résistants ! »

Mais, bientôt, en fin de matinée, on apprend qu’une colonne allemande composée de Mongols, de Turkmènes et d’Azzeris, avec un encadrement allemand, venant de Caussade se dirige vers Montauban. Aussitôt les rues deviennent désertes. Les drapeaux sont retirés des fenêtres. Les volets se ferment. Une angoisse latente apparaît. L’existence du déplacement de cette troupe est connue de l’état-major FFI du Tarn-et-Garonne depuis le 16 août. Elle se trouvait en garnison à Cahors. Elle est forte de 400 hommes environ. Le jeudi 17 août, vers 12 heures, elle quitte cette localité par la RN 20. Au crépuscule elle est attaquée une première fois par des sections de la 4e et de la 7e Cie A.S. à Perches, commune de Montpezat-de-Quercy, et à Saint-Julien commune de Montalzat. Le lendemain matin elle est à nouveau accrochée avant qu’elle ne s’installe à Caussade jusqu’au 19, d’où elle repartira vers Montauban peu avant-midi.

Georges Sempé précise : « Je me rappelle que 3 chefs de la résistance présents à une réunion d’instruction tenue chez moi avaient bien spécifié qu’il ne faudrait pas attaquer l’ennemi à l’entrée d’une agglomération de crainte de représailles contre les habitants » . Ce qui fut fait à Caussade grâce à la fermeté de Cabarroques (alias Camille), chef du secteur nord-est des F.F.I. Il n’en sera pas de même en d’autres lieux, ainsi à Saint-Porquier et à La Vitarelle, commune de Montech, le 20 août où Bourcier, le chef du marquis de Lavit, assisté des maquisards de la 10e Cie A.S., tentera une action de reddition d’une colonne allemande qui se repliait sur Toulouse. Le village sera livré à la vindicte ennemie : trois victimes civiles, maisons et granges brûlées, mitraillage.

Vers 15 h la colonne allemande arrive aux portes de Montauban. Alors qu’une grande partie des troupes ennemies avait déjà dépassé le petit Versailles, elle est prise sous le feu d’un groupe de corps franc de libération de la 3e Cie A.S., installée au croisement des routes de Paris et de Nègrepelisse. Un membre de ce groupe Roger Clamens (alias Curtis) raconte : « le chef de notre troupe Got (alias Georgesj fut informé en matinée qu’une colonne allemande en provenance de Caussade se dirigeait vers Montauban. Notre groupe était composé d’une quinzaine d’hommes, parmi lesquels : Lepart (Petit Louis), Dupin (Devertine), Soubervielle (Salamandre), Vignol (Victoire), Luckazyck (Lafayette), Godart, Castelbrunet (Castelnau), Anger (Arnaud). Nous étions bien équipés : de fusils-mitrailleurs Bren, des mitraillettes Sten, des fusils anglais et deux grenades défensives par maquisard. Le fusil-mitrailleur ouvrit le feu sur la colonne allemande qui se dirigeait vers le Rond, empêchant la progression. Ne pouvant franchir ce rideau défensif, les Allemands ripostèrent par une attaque au mortier qui nous causa 4 blessés. Cela se révélant insuffisant, l’ennemi décida de nous contourner en passant par un chemin à environ 500 m de nous. Le groupe Castro ralentit ce mouvement. Le chef Got ordonna alors le retrait de ses hommes. Pendant le combat, un avion français, armé d’une mitrailleuse, après avoir survolé les platanes de la route de Paris, lança une rafale, ignorant notre présence. Les impacts de ces balles étaient énormes. Cet avion continua son vol en direction de Caussade. « 

Peu avant, Georges Sempé est arrivé à son domicile, 116, avenue Gambetta (actuellement avenue du 19 août 1944) :  »  mon grand-père prend l’air à la fenêtre. Je lui demande où se trouve ma mère. Elle est allée à la « Montre » chercher du vin. Je suis inquiet car, en revenant elle doit passer à l’embranchement des routes de Paris et de Nègrepelisse où les Allemands arriveront bientôt. Je bondis dans le couloir, prends ma bicyclette et file à sa rencontre. La voici. Elle avance tranquillement. Son visage est couvert de sueur. Il fait si chaud. Je la mets au courant de la situation. Il faut se hâter. Le trajet jusqu’au petit Versailles me paraît long. Mon vélo d’une main, la remorque de l’autre, il nous reste un bon kilomètre à parcourir. Sur le pont de la voie ferrée Montauban-Lexos, il y a beaucoup de badauds. Au Rond règne une certaine animation. La Cour de la gare de Villenouvelle est silencieuse. J’aide ma mère à monter la remorque, rentre la bicyclette, pénètre dans ma chambre pour changer de vêtements et prendre mes armes. Je ferme les persiennes en prenant soin de les laisser entrebaillées, maintenues par un crochet. Je vois toujours l’attroupement de civils sur le pont. Je me prépare à rejoindre la place du Rond à une centaine de mètres de chez moi. J’entends des gens courant sur le trottoir. Par l’interstice, je regarde à nouveau vers le pont. Les badauds se sont dispersés. Que se passe-t-il ? Dès que cette foule de civils est passée, j’aperçois à gauche sept patriotes, chacun derrière un gros platane. Trois d’entre eux devant la maison, quatre autres en face, dont le policier Mir. Tous ont un revolver. Sur le pont, rien. Attente ! « 

La colonne allemande est alors étirée sur près de 2 km. Elle établit son P C. au château de Teilhac, à Aussonne, dans un magnifique parc. La bâtisse d’ancien régime est occupée par le colonel Teilhac et son gendre Alain Liebaut. Le neveu de ce dernier, le colonel Vergne raconte :  » Une forte colonne allemande arrive de Cahors. Un officier allemand, très correct, se présente. Il se dit, mobilisé, ingénieur dans le civil. Le colonel Teilhac décline son identité et affirme qu’ils ne possédaient point d’armes. L’officier allemand demande de l’eau à boire, car la chaleur était accablante en ce 19 août. Tout à coup un avion surgi dans le ciel, montant de Toulouse. Il mitraille la colonne allemande. Nous sortons. Sur la route des cadavres à faciès asiatiques. L’occupation du château a duré environ trois heures. Lorsque les Allemands furent partis, nous avons trouvé le corps du jeune Marius Valerio, au chemin de Matras, au pied d’un arbre. C’était un neveu de nos fermiers. Il avait quinze ans. Le malheureux fût trouvé porteur d’un pistolet. »

Un autre témoin Albert Martrou écrit :  » Vers 15 h 30, me trouvant sur le pont des Consuls, j’ai quitté mon frère Marius Martrou, âgé de 39 ans, membre d’un service secret travaillant pour Londres. Malgré les incertitudes du moment, je pensais qu’il ne risquait absolument rien pour rentrer seul à son domicile, 85, avenue de Paris. Je me suis arrêté quelques instants devant le commissariat de police, rue Mary Lafon, lorsque j’ai appris qu ‘une colonne allemande cherchait à traverser Montauban. Pris de peur à la pensée que mon frère pouvait tomber entre les mains de l’ennemi, j’ai aussitôt pris la décision de me porter à son secours. Une voiture automobile était arrêtée devant le commissariat. Son conducteur, Doumenge, me proposa de me transporter au Rond. Nous partîmes accompagner de trois ou quatre volontaires munis de revolvers. En passant devant l’ancien immeuble de la komman-dantur, il me fut remis un fusil Mauser, ainsi qu ‘un sac de cartouches. Arrivé au croisement du boulevard Cambetta et de la rue Emile Pouvillon, nous rattrapons mon frère Marius qui, seul, se dirigeait vers le Rond. Il me demanda de lui remettre le fusil Mauser, et nous nous dirigeâmes vers le carrefour. « 

Georges Sempé poursuit :  » Tout à coup, sur le haut du pont, un allemand porteur d’une mitraillette avance lentement en éclaireur. Mon regard se tourne vers les sept patriotes cachés derrière les platanes. Sans hésiter le policier Mire pointe son arme et fait feu. Riposte immédiate, le soldat tire une rafale et fait signe à d’autres soldats de venir en renfort avec leurs fusils et armes automatiques. C’est alors une pluie de balles qui balaie l’avenue. »

C ‘est ainsi que commença le combat du Rond.

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page178gAFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page180-1gLéopold Galy, pilote -19 Août 1944
AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page180-2gD 520

 La riposte fût faible par manque d’armes. Un obus de mortier tombe sur le toit de la maison Landes au n°118, un autre sur le balcon de l’habitation de la famille Bourgade – Vidal au n° 114, à quelques mètres de chez nous. Le tireur allemand abrité derrière l’arbre à côté du pont prend ma maison pour cible. Je pense qu’il a vu bouger le contrevent et veut s’assurer qu ‘un défenseur n ‘y est pas caché. La façade est criblée de balles. Un de ces projectiles fait sauter une lame de bois, heurte le mur et ricoche dans la chambre. Il a bien failli m’avoir. Animé par un réflexe défensif, je passe le canon de mon revolver par cet orifice et tire dans sa direction. Je sais que je ne pourrai pas le toucher, mais cela me soulage. Je reste malgré tout à mon poste qui est une place de choix pour descendre éventuellement quelques boches avec mes grenades, si ces derniers avancent dans l’avenue Gambetta.

A cet instant, un avion français, identifiables à ses cocardes tricolores, passe à quelques mètres au-dessus des platanes. J’aperçois très bien le pilote de cet appareil qui vole à la portée facile d’un fusil de guerre. Il se dirige vers la route de Paris. « 

Quelques années plus tard, Léopold Galy, pilote d’essai à Sud-aviation, témoigne :  » A partir du 19 août 1944, j’ai pris le commandement d’une escadrille du groupe Doret à Toulouse-Montaudran avec 1’adjudant-chef De Bar, notre première mission fut le mitraillage de troupes allemandes dans le nord de Montauban. Nos appareils étaient des Devoitine 520, belles machines de guerre. »

En effet, le 19 août 1944 au matin, les pilotes de la S.N.C.A.S.E. font armer 5 appareils D.520. Les couleurs françaises et la croix de Lorraine recouvrent l’emblème de la croix gammée. Les appareils armés d’un canon de 20 et de mitrailleuses portent des bandes noires et blanches. Deux avions partent en mission l’après-midi même depuis Toulouse. Entre 15 et 16 h, ils mitraillent une colonne allemande sur la route de Paris à l’entrée de Montauban. Il y eut donc bien deux avion. Mais, dans les formations en duo, pendant que l’un des appareils accompli sa mission de mitraillage à faible altitude, l’autre se tient en arrière, légèrement décalé sur le côté, et plus haut, afin d’assurer la sécurité du premier. Il est normal que les combattants du Rond et du Petit Versailles n’aient aperçu que celui qui a attaqué la colonne allemande.

Georges Sempé ajoute :  » Après un laps de temps qui me paraît interminable, un fusil-mitrailleur installé au Rond entre en action tuant l’Allemand qui était sur le pont. Je décide alors de rejoindre le Rond en sortant par ma remise située au fond du jardin et donnant sur la rue Fermat. J’aperçois un soldat rue Jean-Bon-Saint-André. Il surveille la voie ferrée et me tourne le dos. Je fais un grand détour, passe par la rue Bêche et débouche rue Léon Cladel, tenue à l’extrémité par des civils armés. Il y a aussi de nombreuses personnes sans arme.  »

A cet instant, les frères Martrou et leurs compagnons arrivent près du boulevard Biaise Doumerc à une cinquantaine de mètres du Rond. Ils sont accueillis par une fusillade provenant du haut de l’avenue Gambetta. Cachés derrière les arbres, il parviennent jusqu’au Rond. Protégés par des tonneaux remplis de sable installés devant le café de la Rotonde, les frères Martrou abattent deux allemands, mais Marius Martrou est atteint par une balle de fusil-mitrailleur. Ils se retirent sur le boulevard Biaise Doumerc, alors que de nouvelles rafales sont tirées depuis la rue Armand Saintis. Albert Martrou tire depuis l’urinoir situé au coin de la rue Camille Delthil sur le premier allemand qui apparaît rue Armand Saintis.

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page182gUn témoin domicilié rue Armand Saintis, près du magasin Epargne, confirme ces événements. Jean Pugin se souvient :  » Le 19 août 1944, après 15 heures, il y avait au Rond, autant de monde que le jour de fête votive… Les montalbanais attendaient l’arrivée des Forces Françaises de l’Intérieur, l’ennemi ayant déguerpi. Cependant je fus surpris de voir certains hommes porteurs de fusils de chasse, d’autres de revolvers. Un premier coup de feu tiré, je ne sais d’où, la place fut déserte. Seuls restèrent les gens armés. Après un certain temps, une _quinzaine de soldats allemands, de type mongols, s’abritant derrière les platanes de la rue Armand Saintis, s’avançaient vers la place. Le premier qui fit son apparition au Rond, près du café du Rond, fut tué par un résistant, Albert Martrou, qui se trouvait près de l’urinoir situé à l’époque au début du boulevard Biaise Doumerc. Les autres, ignorant la puissance du feu des défenseurs, repartirent vers la gare de Villenouvelle. »

Albert Martrou continue :  » Comprenant que les mongols marquaient une certaine hésitation, nous décidons d’enlever d’assaut la place du Rond. Suivis par une quinzaine de volontaires, nous avons réussi à refouler les allemands jusqu ‘au pont de Lexos. C ‘est alors que les allemands ouvrent un feu violent de mortiers ; pour éviter d’avoir un grand nombre de victimes, nous faisons retraite jusqu ‘au Rond de façon à ne pas être pris entre plusieurs feux. Déjà quelques volontaires avaient payé de leur vie la témérité dont ils avaient fait preuve, d’autres blessés, étaient dirigés vers l’hôpital.

Georges Sempé confirme :  » L’après-midi est bien avancé lorsque le Rond subit de violents bombardements d’obus de mortier dont les éclats font des morts et des blessés. La façade de la pharmacie est détériorée. »
Les ordres de l’état-major F.F.I., en campagne le 19 août 1944, AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page183gsont signées du commandant Nil (alias Duplan) et du colonel Larzac (alias Langeron). Ils indiquent que le PC. avancé F.F.I. est localisé sur la route de Nègrepelisse à 4,800 km de Montauban à la ferme Noalhac. Ces ordres sont formels : continuer les actions de harcellement et multiplier les obstructions de la route. Le corps franc Dumas se portera dans la région du Ramier. Les 2e et 3e Cie A.S. se porteront dans la région de Saint Martial, du Fau , de Bio et de Bressols, pour interdire à l’ennemi les routes de Gaillac et de Toulouse. Les compagnies du secteur « Camille » doivent provoquer des obstructions nombreuses sur la route de Paris de façon à empêcher l’ennemi de rejoindre Montauban. De même la Compagnie Sahib doit se porter dans la région de Saint Hilaire, Falguières et Birac pour interdire le passage aux boches. Enfin le groupe F.T.P. Igon de Verdun se portera sur la nationale 20, au sud de Montauban, pour effectuer des embuscade et des abattis d’arbres.
Noël DUPLAN (Nil)
Mais l’état-major est mis devant le fait accompli. La colonne allemande arrive aux portes de Montauban où elle se heurte à une poignée de civils courageux et téméraires, qui, retranchés derrière les platanes des avenues engagent le combat, fermement décidés à ne pas laisser l’ennemi traverser Montauban, la ville.

Il est plus de 16 h quand , avec l’arrivée du maquis, le combat va entrer dans une deuxième phase. Le capitaine Dumas installe son PC. au 40, rue Lagravère, déployant les hommes du corps franc sur la droite à partir du pont. Le groupe Bolchevik (alias Cassan) installe un fusil mitrailleur sur le rond point. Le groupe Fracasse (alias Puygautier), le groupe « Pet Sec » (alias Lasbareilles) et le groupe F.T.P. Tom s’échelonnent le long de la voie ferrée de Lexos. Plus loin, au passage à niveau, chemin des Mourrets, la 6e Cie A.S. se met en place.

Le groupe Diop (alias Roger lâché) place un mortier au delà de la voie ferrée, dans un ancien fossé d’écoulement, entre la voie ferrée et la rue Pré-Benaïs à 200 ou 300 m du pont.

A l’intersection des routes de Caussade et de Nègrepelisse, abrités dans les fossés profonds, est installée la 3e Cie A.S., appuyé par la section Bloch de la 6e Cie. Elle a prise sur les arrières de la colonne ennemie attaquant au Rond, la coupant du PC. du château de Teilhac.

Au rond-point, le fusil mitrailleur, entre les mains du tireur polonais Chlumna, enraye toutes les infiltrations. Sur le soir, le groupe Pet-Sec franchi la voie ferrée, s’installe dans la rue Pré-Benaïs. Elle prend ainsi de flanc l’ennemi qui tente de percer au centre.

Vers 18 h, les attaquants ouvrent un feu violent de mortiers, dont les éclats arrosent le Rond et les avenues convergentes. C’est la phase la plus meurtrière et la plus critique. Des combattants et des civils sont tués ou blessés. Les immeubles subissent des dégâts importants.

Près du bar-tabac du Rond, à l’angle de la rue Saintis, tombe Marius Martrou. Au débouché de la rue Jean-Bon-Saint-André, Lemouzy est aussi mortellement atteint. Au rond point, le tireur Chlumna est tué. Son chef Cassan (alias Bolchevik) le remplace et continue le feu. Le mortier du groupe Diop, qui avait réussi quelques coups au but, éclate. Le tireur, Canalis, est grièvement blessé. Le servant Rafel, et le chef Roger Taché (alias Drop) sont également touchés.

Les tirs ennemis redoublent d’intensité . Des éléments partis du château de Teilhac dessinent un mouvement tournant , cherchant à prendre à revers la 3e Cie A.S., en suivant le ruisseau du Petit Mortarieu. Celle-ci, aidée par la section Castro, laissée en couverture sur ses arrières, parvient toutefois à se dégager.

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page184gPlace du Rond – 1950

Mais le feu des mortiers ennemi s’accélère . A l’aile gauche , sur le chemin de la gare de Villenouvelle , les résistants sont à court de munitions et, peu à peu, se retirent. Des tirailleurs ennemis qui occupent la gare de Villenouvelle, commençent à s’infiltrer rue Armand Saintis et rue Henri Gauthier.

L états-major F.F.I. est alors prévenu de la gravité de la situation. Il faut faire face d’urgence en jetant dans la bataille toutes les forces disponibles.

Ainsi, à 19 h 15, un message impératif est adressé par Nil à Camille :  » Dès réception de mon ordre, envoie d’urgence le gros des forces des 7e et 4e Cie sur Montauban. Dumas les attend avec ses hommes et la 6e. Ils doivent arriver sur les genoux. Mon P C. est à la mairie de Nègrepelisse. Courage, nous sommes au travail. « 

Il y a donc un décalage dans le temps entre le déroulement des opérations sur le terrain et la connaissance des événements par l’état-major. En effet, depuis le 16 août, l’état-major départemental est installé à Aussac, commune de l’Honor de Cos. Il y a là, le colonel Langeron, chef d’état-major et ses adjoints Pruet, Marcus, Andrieu. Le 19 août, vers 13 h, trois membres du comité départemental de libération : Serres, Foussard et Ressigeac, arrivent à Aussac, annonçant que les allemands ont quitté Montauban. Nil, qui est à Nègrepelisse, apprend vers 15 h que des troupes allemandes sont aux portes de la ville. Il envoie aussitôt un message à Aussac, afin que le colonel Langeron et Pruet, qui ignoraient tout de la situation, les rejoignent d’urgence.

Quant aux ordres envoyés à Camille pour soutenir les forces engagées au Rond, ils arrivent trop tard. Les 4e et 7e Cies A.S. ne rejoindront les abords de Montauban que tard dans la soirée. Le combat du Rond est alors terminé.

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page185gPique-nique commémoratif à l’Honor de Cos, en 1945, à l’endroit où s’est tenue la dernière
réunion clandestine du Comité Départemental de la Libération du Tarn et Garonne.
On y reconnaît l’abbé Cruzel, Rouére, Laplace, Guiral, Pruet, Alamelle, Daran, Rivière et Serres

Sur le petit carnet personnel de la fiancé d’André Lemouzy, on peut lire à la date du samedi 19 août 1944 :  » 19 août, date inoubliable. Les allemands font, depuis la veille, des préparatifs de départ. Le 19 au matin, on apprend qu’ils auraient fait sauter la machinerie de La Poste, l’arsenal et la station pour le téléphone à côté de la Halle aux grains. Vers 16 heures, on commence à entendre des coups de feu. Nos maquisards font leur apparition par la rue Camille Delthil. 18 h 40, Dédé (André Lemouzy) et un motocycliste, arrivent au Rond, précédant le groupe Fantôme. A 21 h, notre Dédé est blessé mortellement d’une balle de mitrailleuse dans la joue droite à la pomette. Il est mort à 23 h à la clinique de Nègre. »

C’est tardivement que survient les éléments décisifs du combat : 1′ intervention des éléments du corps francs Pommiès, venu du Lot. En effet le commandant du génie Wurstensein, chef du bataillon du Lot, a été informé dans l’après-midi du 19 août qu’une colonne allemande se dirigeait sur Montauban par la R.N. 20. La compagnie Rivaollan, cantonnée à Montcuq s’apprête alors à faire route vers le Tarn-et-Garonne. Elle était composée de maquisards et des éléments de la gendarmerie maritime envoyés à Gourdon après le sabordage de la flotte à Toulon. Mais les camions utilisés pour le transport tombent en panne. Seule la section Werner parvient à Montauban au complet : trente-cinq hommes, pourvus de l’armement individuel et disposant de quatre fusils mitrailleurs et de bazoukas. Il est près de 19 h.

Au passage à niveau de la rue du 11e régiment d’infanterie des combattants civil : Caors, Raynal et un arménien, Harpoud, se proposent comme guide. La section se scinde en deux groupes : l’un passe par le chemin des Allègres, l’autre par le chemin de la Gare. Bientôt la gare bombardée par les bazoukas, est reprise, et les fusils mitrailleurs balayent le pont. Mais il y a des pertes. Le chef Werner est grièvement blessé par un éclat de mortier. Le Routier lui succède au commandement. Un gendarme marin, Allain, est tué.

Mais la lutte se poursuit. Le groupe qui a repris la gare avance par le chemin d’Allègre pour prendre le pont à revers . Les maquisards débouchent sur la route de Paris . L’ennemi a disparu.

Le soir tombe. Il est plus de 21 h. Le commandement allemand voyant que la défense reçoit des renforts, que ses feux sont de plus en plus nourris et que le passage ne peut être forcé, fait rompre le contact. Le décrochage est rapide, à la faveur d’une nuit particulièrement obscure. D’autant que l’orage qui menaçait, éclate soudain .

Georges Sempé conclut :  » Des éclairs zigzaguaient dans le ciel. Aux bruits assourdissants provoqués par l’éclatement des obus de mortiers, aux coups de tonnerre suivis de l’explosion de la foudre, a succédé un profond silence comme si la nature compatissait à la douleur des familles qui venait de perdre un être cher. Ce quartier où je fis mes premiers pas et où se déroula mon enfance est ce soir meurtri. Du sang avait coulé sur ce sol où avec mes petits camarades nous jouions trop souvent… à la guerre ! « 

Mais Georges Sempé pose aussi une question :  » Pour quel motif les maquis du sud du Lot, très bien organisés pendant une longue période par Jean-Jacques Chappou (alias capitaine Philippe) n ‘ont pas attaqué cette unité circulant sur la R.N. 20 dans la vallée encaissé au départ de Cahors. De chaque côté, d’épaisses forêts auraient permis au maquis tout en se protégeant, de causer de lourdes pertes à cette colonne composée en majorité de mercenaires. Si cette formation ennemi avait été pourvue d’armes lourdes, le combat du Rond se serait probablement terminé par une sanglante tragédie. »

Après le combat, le bataillon Wurstensein du corps-franc Pommiès lance des patrouilles dans la nuit, mais ne retrouvent pas l’ennemi. Il met en place un service d’ordre dans la ville et passe son cantonnement à la caserne Doumerc. Le corps franc Dumas, les compagnies A.S. et le groupe FTP se replient. Quant à la colonne allemande, elle arrive vers minuit à la ferme Philibert sur la route de Nègrepelisse.

Ce n’est qu’au matin du dimanche 20 août que la colonne est à nouveau repérée, amenant avec celle des otages pris sur le parcours. Elle se dirige vers la vallée de la Tauge. Un témoin affirme que les soldats circulaient à pied, en vélos et sur des charrettes de paysans.  » Ils avaient l’air minables « . Harcelés par la 3e Cie A.S., un groupe M.O.I. et le groupe F.T.P. Tom , un premier accrochage a lieu à Chouastrac, près de Genebrières, un second sur la Salvetat – Belmontet. Les combats sont violents. Blessé grièvement, le jeune Dompeyre décédera des suites de ses blessures. Après un dernier accrochage sur la Vinouse, l’ennemi franchi le Tescou au crépuscule, monte sur Puylauron, tourne à Varennes, descend sur Villebrumier qu’il atteint vers minuit. Franchissant le Tarn, il passe le reste de la nuit à Nohic qui est pillé.

Le 21 août au matin, la colonne allemande ou ce qu’il en reste, entre en Haute-Garonne par la route de Fronton. Elle progressera en direction de Carcassonne et arrivera decimée en Ardèche.

Désormais, tous les 19 août, le soir venu, une veillée funèbre se déroule devant le monument qui commémore le combat du Rond.

Une plaque rappelle que » AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page187gen ce lieu, le 19 août 1944, une poignée de patriotes volontaires
ont repoussé une colonne allemande.
Dix-sept sont morts. Passant, incline toi. Ils sont morts pour que tu vives libre. »
Stèle erigée à l’entrée du boulevard Biaise Doumerc

19 août 1944
Le 19 août 1944, dans la matinée, le Corps Franc de la 3e Cie A.S. du Tarn et Garonne, comprenant une quinzaine d’hommes bien armés, se préparent à quitter rapidement le cantonnement situé dans les bois de la Sauzière (Ferme du Père Pelet).

Le groupe monte dans une camionnette, une traction avant (prise à la milice) ouvre la route.

Dès le départ, ne voulant pas abandonner ma bicyclette que j’avais pris au maquis, je m’accroche a la ridelle arrière du véhicule et cela jusqu’à Léojac. Profitant d’un arrêt j’abandonne ma bicyclette contre le mur de l’église en construction et je recommande au curé de la signaler à mes parents.

Après un casse-croûte léger, nous reprenons la route dans nos véhicules, pour terminer en fin de parcours devant ta ferme Marmiesse ou se trouve un rassemblement qui me semblait désordonné.

Sans perdre de temps, sitôt descendu de la camionnette garée sur le bord de la route, mon Chef, de Maquis  » Got  » dit  » Georges  » commande :  » Curtis « , «éclaireur, direction Montauban, vite », et cela jusqu’à l’embranchement de l’entrée de Montauban (route de Négrepelisse, route de Paris) ou j’ai ouvert le feu en premier sur commandement de mon chef  » tire », ce que j’ai fait en sautant dans le fossé ou mes camarades les uns après les autres prennent position tout autour et tirent aussitôt.

Témoignage de Roger CLAMENS Montauban, le 8 mai 2004

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19 août 1944 : Montauban, ville libre
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