Pages 112-115 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »
Chère Marraine,
J’ai reçu ta lettre que j’attendais avec impatience et qui m’a fait bien plaisir.
Ce n’est pas sans étonnement que j’ai appris en lisant ta lettre que vous étiez en proie à la terreur des miliciens. Le fait n’est pas étonnant car à présent ils sont un peu partout dispersés dans nos campagnes dans le but de poursuivre ceux qui ne veulent pas partir en Allemagne et au besoin de les embrigader ou alors d’arrêter et d’emprisonner ceux qui sont pour les Anglais, les Américains ou les Russes. Or tu dois savoir que tous les soirs il y avait réunion chez le postier il y avait donc le postier et sa femme, le Juif (qui ne tardera pas à être arrêté lui aussi) et aussi le communiste qu’il y a à côté de chez nous (celui qui habite dans la maison de chez Darribère à côté de chez Maria). Là, ensemble, ils écoutaient la radio anglaise ce qui est interdit par la loi. D’une façon certaine ces gens là font partie d’un groupe de résistance ou affiliés à une cellule communiste. C’est pour cela que la milice ayant su les agissements de ces personnes a jugé bon de faire cette opération. Au fond ça leur reste bien, ils n’avaient qu’à rester tranquilles. Il n’y a vraiment pas de quoi parler mal des miliciens, comme tu le fais car dans cette bande comme tu me dis, il y a des jeunes gens très biens, très civilisés et qui ne sont pas sauvages comme tu pourrais le croire, certains même se comptent parmi mes meilleurs camarades. Tranquillise-toi je n’en suis pas. Quant au sujet des intitulés que j’avais mis à ma dernière lettre ne t’affole pas j’avais fait un peu de fantaisie. Donc c’est tout à fait inutile que tu t’apeures ou que tu t’affoles si tu les vois revenir car à toi ils ne feront rien, ils ont bien d’autres choses à faire avec d’autres personnes. J’ai reçu ces jours derniers une lettre de Dédé, il est au 1er régiment de France à Saint-Amans de Montrond en Cher, il paraît content de son nouvel état, il s’y trouve très bien. Nous travaillons toujours autant dans la photo. A présent depuis samedi j’ai été augmenté de 50 francs ce qui porte à 200 francs mon salaire de chaque semaine. Christian a passé dernièrement un examen il a été reçu sur toute la ligne ; il est très content. Un de ces jours prochains je vais aller à Tournefeuille pour faire une visite à Tonton. Je joins à cette lettre une photo d’identité que je me suis faite dernièrement à mon lieu de travail c’est moi qui les ai tirées et développées.
Je ne vois plus grand chose à te dire les cousines t’embrassent bien. Bon baiser de ton petit-fils Jacques.
Jacques
(Texte intégral de la lettre d’un milicien reproduite ci-contre)