Pages 9-25 du Livre « Afin que Mémoire Demeure »
Camouflage du matériel militaire
La Dépêche dans la tourmente
Les parachutages
CAMOUFLAGE DU MATÉRIEL MILITAIRE
Activité du Service Camouflage du Matériel dans le département de Tarn-et-Garonne
Juin 1940 – Ier novembre 1941
D’après le rapport du capitaine Sauvage, chef départemental du Service CDM de Tarn-et-Garonne, du 10 avril 1945, il ressort que dès son installation en 1940, l’annexe magasin militaire de Montauban créa six parcs de récupération de matériel :
• Parc du terrain des sports à Montauban,
• Parc de l’aviation à Montauban,
• Parc de la briqueterie, route de Montech, à Montauban,
• Parc de La Clare, près d’Albias,
• Parc de Castelsarrasin.
Et un atelier de réparations d’automobiles, à Sapiac, quartier de Montauban.
Chacun de ces parcs reçut des véhicules et du matériel provenant des unités de l’armée dissoutes.
Dès que ce stockage fut achevé, les personnels de ces parcs camouflèrent du matériel divers, armes et véhicules, dans le but de les soustraire au contrôle des commissions allemandes.
A la même époque toutes sortes de véhicules furent camouflés dans des communes du département, chez des particuliers qui acceptèrent les risques de leur participation à ce camouflage.
Un autre procédé employé pour soustraire du matériel à l’autorité allemande fut réalisé par la cession de nombreux véhicules à des sociétés civiles de transport, telle la S. TC.R.T en Tarn-et-Garonne.
De la même manière fut cédée une quantité importante de véhicules à des services publics, tels : l’Institut Géographique National, le Laboratoire Central de Caussade, le service des essences, … etc. De plus la gendarmerie, la préfecture, la police, le commissariat, les hôpitaux, reçurent des véhicules de l’armée.
En outre, certaines unités du département camouflèrent sur place armes et munitions, véhicules et différent matériel, avant leur dissolution.
L’ensemble de tout ce travail de camouflage fut réalisé par des officiers, sous-offi-ciers, personnel civil, qui, dès l’armistice, refusèrent d’accepter l’esprit d’abandon et de soumission à l’ennemi que voulait imposer le gouvernement de Vichy. Ce noyau fut l’embryon de ce qui devait être jusqu’à la libération : le Service de Camouflage du Matériel.
Jusqu’à fin octobre 1941, le C. D. M. fut dirigé en Tarn-et-Garonne par les commandants Pinat et Simonnot, en collaboration avec le commandant De Gasquet du 3ème Hussard, avec l’aide d’officiers et de sous-officiers :
• Lieutenant Morin, officier mécanicien de l’A. M. de Montauban,
• Lieutenant Forestier, responsable de l’A. M. de La Clare,
■ Lieutenant Sauvage, responsable de l’A. M. de Labastide-Saint-Pierre,
■ Lieutenant Cottaz, du 3ème Génie de Castelsarrasin.
Les principales opérations de camouflage chez les particuliers furent réalisées avant novembre 1941 :
• Dans une ferme à Saint-Pierre, près de Loubéjac, chez monsieur Delrieu,
• Dans une ferme près d’Albias, chez monsieur Lagèze,
• A l’usine Delmas à Montauban,
■ Dans une ferme de Villebrumier, chez monsieur Cassagne.
• Au château de Villebrumier, chez monsieur Azan,
• Dans une ferme de La Clare, chez monsieur Cruzel, à Albias
• Dans une cave du parc de Labastide-Saint-Pierre,
• Dans une ferme de Montech, chez monsieur de Cruzay,
• Dans une ferme de Meauzac, chez monsieur Delbouys,
• Dans la propriété du capitaine Reverdy, Montauban à Bas-Pays,
• Dans la propriété de monsieur de France, à Réalville,
• Chez monsieur Dutilleux à Montauban,
• Chez le percepteur de Verdun-sur-Garonne,
• Chez monsieur Régis, à Saint-Antonin-Noble-Val,
• Dans une ferme du Fourc, près de Verlhac-Tescou, chez messieurs Alric et Prieur.
Le matériel camouflé était considérable : 310 véhicules (motocyclettes, side-cars, voitures, camionnettes, camions, citernes, cars) auxquels il faut ajouter un porte-char Berliet et des pièces du char Somua, sans compter le petit matériel divers.
En outre, plusieurs dépôts d’essence avaient été créés :
• un dépôt à Verlhac-Tescou, chez monsieur Vern, instituteur et secrétaire de mairie, de 10 000 litres d’essence,
• un dépôt à Falguières, chez monsieur Delrieu, de 5000 litres d’essence.
Parmi les dépôts, camouflés, laissés sur place par les troupes de passage, il faut citer :
• à Mouillac, dans d’anciennes phosphatières, un important stock d’armes et de munitions (35 tonnes environ),
• au château de Cas, entre Caylus et Saint-Antonin-Noble-Val, des canons et des munitions laissés par une formation belge,
• au moulin de Ratier, près de Réalville, un char Somua.
Il y a lieu de signaler le rôle prépondérant de résistant, ayant pris une part active dans le camouflage du matériel :
• Monsieur Sarda, percepteur à Labastide-Saint-Pierre, qui commandera plus tard la 2eCie A.S.,
• Monsieur Vern, instituteur à Verlhac Tescou, qui appartiendra à la 2e Cie A.S. et sera blessé grièvement par les Allemands,
• Monsieur Pagès, percepteur à Villebrumier,
• Monsieur Terrât, transporteur à Reyniès, qui fera partie également de la 2e Cie A.S. ■ Monsieur Dutilleux qui deviendra responsable du mouvement « Libérer et Fédérer » en Tarn-et-Garonne
Pendant la première période de camouflage, les difficultés rencontrées, n’eurent pas de conséquences graves, malgré la surveillance exercée par les commissions allemandes.
De nombreux incidents furent évités grâce à la vigilance du personnel de l’A. M. de Montauban qui, renseigné à de bonnes sources, informait les intéressés sur les visites et les inspections des commissions allemandes.
Du Ier novembre 1941 à fin novembre 1942
Le 1er novembre 1941, l’annexe magasin de Montauban et toutes ses succursales dans
le département sont dissoutes. Le commandant Simonnot est muté à Toulouse. Le service C.D.M. de Tarn-et-Garonne est réorganisé. Le lieutenant Morin est désigné comme chef du service C.D.M. pour le Tarn-et-Garonne. Le lieutenant Sauvage est nommé adjoint.
Un petit garage de Montauban, situé, rue d’Alsace-Lorraine, momentanément fermée, est loué sous un nom d’emprunt pour lui permettre de fonctionner clandestinement. Ainsi tous les véhicules furent contrôlés et éventuellement réparés.
A Castelsarrasin, le lieutenant Cottaz réussit à faire dans son atelier du 3ème Génie les réparations des véhicules camouflés par lui dans la région.
Il est intéressant de constater que, à cette date, dans la liste des véhicules camouflés, on note la présence de 6 automitrailleuses, 3 chars Somua, 1 porte char Berliet, 12 tracteurs Somua, 10 canons de 47, 6 canons de 25.
Aux dépôts déjà énoncés, il faut ajouter ceux qui sont réalisés chez
• Monsieur Desprats, à Reyniès,
• Monsieur Soldadié, boulanger à Nohic,
• Le commandant Six, boulevard Biaise Doumerc, à Montauban.
Dès que tous les inventaires furent terminés, des lots de mobilisation furent constitués et camouflés dans des lieux secrets. Ces lots représentaient des dotations complètes destinées à être livrées à des unités dont la mobilisation était prévue et qui devaient être prêts à fonctionner normalement le jour » J « . Armes et munitions faisant partie de la dotation de ces unités furent placées à proximité des lieux de stockage. Ce matériel fut retiré des endroits où il avait été camouflé provisoirement. Le dépôt principal constitué en 1940 dans les phosphatières de Mouillac dans le camp de Caylus, fut le premier récupéré.
Furent ensuite installés six dépôts essentiellement d’armement
• dans une ferme d’Albias, chez monsieur Bedène (environ 20 tonnes d’armement),
• dans la ferme du Fourc près de Verlhac-Tescou, chez messieurs Alric et Prieur (environ 10 tonnes d’armement dont 200 mousquetons)
Pour placer ces armes le porte-char Berliet qui avait été camouflé dans cette ferme fut retiré et dirigé sur :
• une ferme de Molières, chez monsieur Cambedezou,
• à Nègrepelisse, chez monsieur Jouany (280 mousquetons, 2 mortiers de 81, 10 FM),
• à Finhan, chez monsieur de Pérignon ( 150 fusils cachés dans une cuve),
• à Montauban, dans le quartier du 3e Hussards
Dès le début de 1942, les stocks d’essence placés à Verlhac-Tescou et à Falguières, furent retirés et installés à proximité du 3e Hussards pour servir en partie à l’instruction du régiment.
De nouveaux dépôts furent créés au moyen de dotations de carburant :
• dans le château du général de Reyniès, à Reyniès
• dans la ferme de monsieur Lautier, à Labastide-Saint-Pierre,
• dans la ferme de monsieur Lemouzy, à Bressols,
• à Castelsarrasin, sous le contrôle du lieutenant Cottaz,
• à Nègrepelisse, chez monsieur Jouany.
Dans les mois qui suivirent le service de camouflage de Montauban s’aperçut qu’il était surveillé par les S.O.L. et suspecté par les commissions allemandes. En mars 1942 des difficultés sérieuses commencèrent à surgir. Le lot de véhicules de Nègrepelisse, éventé par les S.O.L. dut être dispersé.
Une mesure générale fut alors prise pour sauvegarder les véhicules camouflés chez des particuliers. Des cartes grises pour chaque voiture établies par monsieur Capdeville du service du contrôle des véhicules, et monsieur Larouy, chef de la 2ème division de la préfecture, furent distribuées à tous les dépositaires : Des cartes grises furent également créées pour tous les véhicules confiés aux communes du département ainsi qu’aux administrations disposant de dotations du C.D.M..
Pendant les semaines suivantes, les véhicules stockés furent mis en état et contrôlés mécaniquement. Les lots de bord furent complétés et distribués.
Vers le mois d’août 1942, l’ensemble du matériel était prêt à être livrés aux unités qui devaient être constituées.
Le 1ernovembre 1942, malgré les difficultés provoquées par le S.O.L. et la légion, aucun changement notable ne s’était produit dans le service C.D.M. du département.
Mais dès le 11 novembre, à la suite de l’entrée des troupes allemandes en zone non occupée, des mesures furent envisagées pour sauvegarder le matériel. Dès qu’il fut avéré que la résistance de l’armée de l’Armistice ne se produisait pas, il fut décidé que tous les lots seraient dispersés pour éviter qu’ils puissent être pris en entier par les Allemands. Les véhicules furent alors remis à des particuliers qui les camouflèrent à nouveau.
Ce mouvement fut d’abord lent, mais s’accentua jusqu 27 novembre 1942, jour de l’entrée des troupes allemandes dans les casernes.
Dès le 12 novembre, les stocks du service C.D.M. en Tarn-et-Garonne subirent des modifications importantes. Ainsi les magasins du 3ème Hussards furent vidés en partie et le matériel qui s’y trouvait, fut réparti :
• chez monsieur Conte, garagiste route de Toulouse, à Montauban,
• chez monsieur Saint-Romas, aux environs de Corbarieu,
• chez monsieur Pécharmant, à Molières,
• chez monsieur Granier, château de Lagarrigue près de Nohic,
• chez monsieur Fourniols, à Molières
• chez monsieur Delcros, négociant à Montauban.
Plusieurs dépôts furent supprimés : chez monsieur de France, chez le capitaine Reverdy, chez monsieur Régis, et l’atelier clandestin de la rue d’Alsace-Lorraine à Montauban.
Le dépôt d’essence du château de Reyniès étant éventé, le carburant fut livré en grande partie au service C.D.M. de Toulouse.
Pour le dépôt très important d’armes d’Albias, monsieur Bedène demanda, pour raison personnelle, l’enlèvement immédiat des armes et munitions. Deux camions de 5 tonnes d’armement furent dirigés vers la propriété du colonel de Bengy, à Riplay, près de Montauban. Le matériel fut camouflé dans une galerie souterraine. Un troisième camion transporta semblable matériel chez le commandant Prince, à Riplay également. Mais un convoi de deux camions faillit subir un sort tragique. Parti de nuit d’Albias et se dirigeant vers Montech, il tomba au milieu d’une troupe d’Allemands en manœuvre dans la forêt de Montech. Il réussit à rebrousser chemin, et, après diverses péripéties les armes et munitions furent ramenées à Mouillac et camouflées dans les phosphatières d’où elles avaient été extraites quelques mois auparavant.
Le 27 novembre 1942, au moment de l’entrée des troupes allemandes dans la caserne Doumerc, tous les papiers et la comptabilité du service C.D.M. qui se trouvaient dans le bureau du lieutenant Morin, furent brûlés. Par bonheur les doubles qui étaient camouflés au domicile du lieutenant Sauvage, furent conservés jusqu’à la Libération de Montauban. Une grande partie du matériel et de l’outillage des ateliers du 3ème Hussards avait été enlevée et camouflée avant l’arrivée des Allemands, ainsi que la plupart des véhicules. Les officiers du 3ème Hussards furent convoqués au quartier Doumerc mais le lieutenant Morin ne se présenta pas. Pendant toute la journée le lieutenant Sauvage, en tenue civile, put surveiller ce qui se passait au quartier. Le lieutenant Morin se camoufla chez des amis à Sapiac.
Quelques jours après, dans le but de rétablir le contact avec la direction du C.D.M. à Toulouse, le lieutenant Sauvage se rendit dans cette ville où il put rencontrer le commandant Sablayrol. Ce dernier lui indiqua qu’il fallait stopper toutes les opérations et éviter le repérage des dépôts de matériel. Dès cet instant le service de Montauban resta en liaison constante avec la direction de Toulouse.
Du 27 novembre 1942 à fin mars 1943
Dès leur arrivée à Montauban, les Allemands prirent un certain nombre de mesures dont l’une des premières fut le contrôle des armes. Ainsi l’ordre fut donné aux militaires comme aux particuliers de rendre toutes les armes qu’ils détenaient. Différents dépositaires étant pris de panique, un déménagement important des dépôts d’armes fut entrepris immédiatement. Ce n’est que plus tard que certains dépôts n’ayant pu être déplacés furent déclarés aux autorités allemandes. Tels:
• dépôt de Finhan, chez monsieur de Pérignon,
• dépôt de Riblay, chez le colonel de Bengy,
• dépôt de Riblay, chez le commandant Prince,
• dépôt de la ferme de Saint-Cry à Montech,
• dépôt de Bas-Pays, chez le capitaine Reverdy,
• dépôt de Montech, chez monsieur Cassagneau.
A ces déclarations officielles, il faut ajouter les dénonciations faites aux autorités allemandes. Elles sont le fait de quelques mauvais Français et de quelques étrangers, Italiens fascistes essentiellement.
Le premier cas qui se produisit en Tarn-et-Garonne et qui eut des conséquences graves est celui dont fut victime, le lieutenant Morin. Le commandant Delbois de la direction C.D.M. de Toulouse avait failli être arrêté chez lui à Toulouse. Quelques jours après, les lieutenants Sauvage et Cottaz, qui se rendaient chez cet officier pour leur service, tombèrent dans une souricière qui était tendue dans l’escalier de son domicile, mais eurent la chance de pouvoir s’en tirer sans dommage.
En rentrant à Montauban, ils passèrent à Reyniès pour prévenir le lieutenant Morin et lui conseiller de quitter son domicile pendant quelques jours. Mais celui-ci ne jugea pas nécessaire de se presser. Mal lui en prit, car le lendemain à son réveil il était arrêté par la Gestapo. Interrogé, on lui révéla, qu’on connaissait sa qualité de chef de camouflage de Tarn-et-Garonne. Le lieutenant Morin résistant à leurs demandes de renseignements sur toute l’organisation fut emmené à Reyniès où étaient camouflés armes et munitions. Le dépôt fut découvert.
Le lieutenant Morin fut alors dirigé sur le siège de la Gestapo à Toulouse, d’où il rentra 24 h après. Les Allemands avaient été parfaitement renseignés par un Italien fasciste de Reyniès, qui était au service du château de Reyniès.
A la suite de cette alerte, le lieutenant Morin quitta Reyniès pour se camoufler à Montauban, puis à proximité. À ce moment, les chefs de la résistance A.S. de Montauban qui étaient bien informés, prévinrent le lieutenant Morin qu’il était recherché très activement par la Gestapo. Il quitta alors définitivement Montauban et se réfugia en Bretagne.
De nombreuses autres dénonciations de matériel camouflé eurent lieu dans le département de Tarn-et-Garonne qui firent perdre une grande partie des stocks au service C.D.M..
Le cas du camp militaire de Caylus est particulier. En novembre 1942, le camp est dirigé par le commandant Normand. Entre le 8 et le 11 novembre, le commandant charge le sergent-chef Delhom de différents camouflages. Quatre camions militaires sont cachés à Loze chez monsieur Ramond et à Monille près de Parisot. Des vêtements militaires, des fusils-mitrailleurs et des grenades sont stockés dans un four à pain chez Delhom à Loze. Plusieurs milliers de litres d’essence et d’huile seront camouflés à Loze, dans le garage du presbytère et chez monsieur Donadieu, à Caylus chez madame Rossignol. A la même époque, pendant plusieurs jours, c’est une véritable noria de camions de la TC.R.T qui transportent, jour et nuit, de l’habillement militaire depuis l’intendance de Montauban jusqu’au camp de Caylus. Les effets sont camouflés à Mouillac, à Bach, à Lalbenque, à Puylagarde, à Saint-Projet et jusque dans les combles du couvent de Vaylats.
A la mi-novembre, l’adjudant Cholet, du service du Génie, détaché aux Espagots, reçoit l’ordre de la subdivision militaire de Montauban de livrer à une commission allemande la totalité du matériel en compte à Caylus. Approuvé par le commandant Normand, l’adjudant Cholet prend la tête d’une équipe constituée de quelques volontaires : Thouron, Laurent, Bessède. Dans les nuits des 26 et 27 novembre, il est procédé au camouflage de trente tonnes de matériel de guerre sur le territoire du camp, ainsi que de quatre mille cinq cents litres d’essence dans la propriété de monsieur Dentilhac. Début décembre, le choix d’une cache peu accessible se porte sur une de ces cavités profondes qui perforent le Causse : l’igue de Rastibel. Dans la nuit du 13 décembre 1942, un camion chargé de trois tonnes cinq cents d’armes, mitrailleuses et fusils-mitrailleurs principalement, et de munitions, se présente au bord de l’igue. Les caisses sont soigneusement descendues à l’aide d’un treuil.
Les troupes allemandes, quelque temps après, arrivent à Livron et prennent possession du camp.
Fin février 1943, le lieutenant Sauvage est convoqué à Toulouse par le commandant Rison de la direction du C.D.M.. Il lui donne mission de conduire un officier du C.D.M. en civil, le commandant Pointurier, au camp de Caylus afin de reconnaître les emplacements des armes camouflées. La mission était double : d’abord localiser les phosphatières de Mouillac, ensuite situer l’igue de Rastibel.
Il est à signaler qu’à cette époque, les Allemands se servaient du camp pour l’instruction des troupes et des élèves officiers. Une surveillance sérieuse était par suite exercée sur toute la région. D’autre part, le commandant Normand habitait un hôtel de Caylus qui, le soir principalement, était encombré d’officiers allemands, si bien qu’il était imprudent de les rencontrer en cet établissement.
Le départ de Toulouse eut lieu immédiatement avec une Simca 5 pilotée par le lieutenant Sauvage, accompagné seulement du commandant Pointurier.
La première partie de la reconnaissance aux phosphatières de Mouillac, fut exécutée sans encombre. Mais la nuit venue, il fut décidé que le retour à Montauban s’imposait. La mission fut reprise le surlendemain matin après rendez-vous à la gare de Montauban à l’arrivée du train de Toulouse, Le déplacement se fit au moyen d’une traction avant Citroën du service C.D.M., conduite par monsieur Terrade, de Reyniès, membre actif de la Résistance et de la 2e Cie A.S. Dès l’arrivée au camp de Caylus, la seconde partie de la mission s’accomplit normalement sous la conduite de l’adjudant Cholet.
Dès le retour sur Montauban, il fut décidé d’enlever immédiatement ces dépôts d’armes. Mais l’opération tarda.
Une semaine plus tard, le 30 mars 1943, le commandant Normand est arrêté à Livron par la Gestapo et emmené à Toulouse, puis déporté. Un employé du camp qui avait participé aux opérations de camouflage avait parlé et sous la menace avait confirmé l’existence d’un dépôt d’armes. L’adjudant Cholet savait qu’un détachement de l’A.S. devait venir le 31 mars enlever les dépôts d’armes du Rastibel. Il décide de partir immédiatement à bicyclette au-devant du camion qui transporte l’équipe chargée de l’enlèvement du matériel. En cours de route, il reconnaît le camion peu avant Caussade, le fait arrêter, prévient le chef d’équipe et réussit ainsi à lui faire rebrousser chemin.
Dans le courant du mois de mars 1943, le dépôt à la ferme du Fourc à Verlhac-Tescou était enlevé par les miliciens de Montauban. Ils avaient été prévenus de son existence par un des leurs, nommé Sol. De même le dépôt d’essence situé à Bressols chez monsieur Lemouzy était emporté par un groupe de miliciens, ayant à leur tête monsieur Cassan, maire de Bressols. Ce groupe était commandé par un ancien sous-officier du 3ème Hussard : Boissard. Il était constitué de Viatgé, fils d’un entrepreneur de Montauban, Hermann, commerçant à Montauban, Sol, adjudant en retraite à Bressols, Pendary, chef de la milice à Labastide-Saint-Pierre, Bayard, commerçant à Montauban, et un nommé Luya. Dans le but de freiner l’ardeur destructrice des miliciens, le lieutenant Sauvage se rendit à la préfecture, où, sur sa demande, le Préfet donna l’ordre d’arrêter les malfrats. Mais, dès le début de l’instruction, le chef départemental de la milice : Déralde téléphona à Vichy. Sur ordre de Darnand, les miliciens furent relâchés aussitôt.
Du 1 au 16 avril 1943
Cette période fut employée à déplacer les véhicules et le matériel du C.D.M. avec la plus grande activité afin d’améliorer la situation des dépôts. Le lieutenant Cottaz prit une grande part dans ce travail.
Le 7 avril, le lieutenant Sauvage rencontra à Montauban le lieutenant Cottaz et lui remit pour son service la somme de 4.000 francs, Il le vit à nouveau vers le 12 avril et tous deux discutèrent sur les questions les plus urgentes du service du camouflage.
Le 14 avril, le lieutenant Sauvage fut appelé d’urgence au service des Ponts et Chaussées. Là, il fut informé par messieurs Richin et Pagès, ingénieurs, que le commandement de l’A.S. de Montauban désirait le voir personnellement.
Guidé par monsieur Pagès, le lieutenant Sauvage fut conduit chez Maître Veaux, avoué à Montauban qui lui fit connaître sa qualité de chef responsable de l’A.S. en Tarn-et-Garonne, en présence de trois autres membres de cette organisation : Foussart, Tournou, Sabatié.
Maître Veaux informa le lieutenant Sauvage qu’il était connu de la Milice et de la Gestapo en tant que chef actuel du service du camouflage militaire de Tarn-et-Garonne. De ce fait, risquant de se faire arrêter soit par la police française, soit par la Gestapo, il dût immédiatement quitter Montauban et se réfugier au maquis. Maître Veaux tenait le renseignement d’un magistrat acquis à la Résistance qui avait été chargé d’ouvrir une information contre le lieutenant Sauvage. Il s’agissait de Maurice Delpech, juge d’instruction à Montauban. Devant les hésitations du lieutenant Sauvage, Maître Veaux lui intima en termes énergiques l’ordre d’avoir à quitter Montauban sans délai, car sa présence était dangereuse pour toutes les personnes de son entourage. Cependant Maître Veaux, comprenant que le lieutenant Sauvage ne pouvait quitter son poste sans avoir pris les dispositions nécessaires à sa succession, intervint auprès du magistrat pour obtenir un délai de grâce.
En conséquence le lieutenant Sauvage demanda au lieutenant Cottaz de bien vouloir prendre en main le service C.D.M. du département.
Le 15 avril, de nuit, le lieutenant Sauvage porta chez Maître Veaux une petite caisse contenant tous les papiers et la comptabilité du service C.D.M. de Tarn-et-Garonne, avec mission de la remettre au lieutenant Cottaz. Monsieur Tournou s’acquitta de cette mission.
Avant de quitter Montauban, le lieutenant Sauvage mit des sommes importantes à la disposition du capitaine Cottaz, et assura la distribution au maquis de matériel camouflé : armes, munitions et véhicules.
Le 16 avril, le lieutenant Sauvage fut conduit par un membre de la Résistance dans un maquis des environs de Duras en Lot-et-Garonne où il resta jusqu’au 12 juillet 1943.
Après le 12 juillet 1943, le lieutenant Sauvage rentrera à Montauban, mais étant toujours recherché par la Gestapo et la Milice, il vivra dans la clandestinité jusqu’à la Libération, sous le pseudonyme d’Albert Fournier.
Du 17 avril 1943 à la Libération.
Après le départ du lieutenant Sauvage, le lieutenant Cottaz prit la direction du service C.D.M. de Tarn-et-Garonne. Ce dernier rétablit la liaison avec le centre de Toulouse. Il entre également en relation avec l’O.R.A.
Son activité consiste alors particulièrement à livrer du matériel camouflé à la Résistance et mettre des personnels à disposition pour des opérations de parachutages. Ainsi le maquis de Lavit entre en possession de véhicules et de matériel divers.
En novembre 1943, le lieutenant Cottaz ayant été dénoncé par une indicatrice : Olga Brondoni, de Castelsarrasin, ex-employée au 3ème Génie, s’installe à Larrazet sous le pseudonyme de Collomb.
A cette époque, beaucoup de dépositaires ayant pris peur en raison des menaces faites par les Allemands voulaient se débarrasser du matériel camouflé chez eux. Le lieutenant Cottaz fut contraint de déplacer certains dépôts.
La femme Brondoni ayant fourni un rapport à la Gestapo sur l’activité clandestine du lieutenant Cottaz, une enquête fut diligentée à Larrazet pour déterminer si Collomb et Cottaz n’étaient pas la même personne. Mais les précautions prises permirent au lieutenant Cottaz de ne pas être inquiété sur le moment. Néanmoins le 6 juin 1944, les S.S. de Castelsarrasin arrêtèrent plusieurs personnes qui furent interrogées pour obtenir l’adresse du lieutenant Cottaz. Sans résultat.
Pendant la période comprise entre le 17 avril 1943 et la Libération, des dépôts de matériel divers furent volés par les miliciens ou pris par les Allemands à la suite de dénonciations de traîtres. Ainsi le dépôt de la Clare qui contenait un stock important de pneumatiques a été pillé en deux fois par des inconnus le 10 juillet 1943 et le 12 novembre 1943. De même un porte char Berliet qui avait été camouflé à Molières fut découvert en mars 1944 par deux miliciens : Laurent et Quérillac, qui l’indiquèrent à la Gestapo. Mais des résistants firent sauter le porte char, le mettant hors d’usage. Les deux miliciens furent arrêtés par la suite et condamnés pour intelligence avec l’ennemi. Laurent a été fusillé après jugement. Il existait également un dépôt de 13 cars à. Labastide-Saint-Pierre. Ce dépôt fut découvert par le docteur Fontanier de Reyniès, lequel, avec la complicité de monsieur Pendaries, chef de la Milice de Lahastide-Saint-Pierre, le dénonça au colonel commandant la subdivision de Montauban. Les cars furent enlevés par les Allemands.
L’activité du service C.D.M. pendant la dernière période précédant la Libération ne se démentit pas. Dès le 15 avril 1944, le lieutenant Cottaz entre à la 10e Cie A.S., dans la région de Beaumont-de-Lomagne, aux côtés de Bourcier, chef du maquis, et du secteur sud-ouest des Forces Françaises de l’Intérieur où il assure le rôle d’adjoint militaire.
Après la Libération du 19 août 1944, il prend le commandement du bataillon de marche du Tarn-et-Garonne.
Quant au lieutenant Sauvage, il assurait des fonctions de responsabilité au sein de la 2e Cie A.S. Malgré les recherches exercées contre eux par les miliciens et la Gestapo, ils purent distribuer à plusieurs unités FFI matériel, véhicules, armes et munitions.
Après la Libération, le lieutenant Sauvage ayant été désigné comme chef départemental affecté à la subdivision de Montauban en date du 23 octobre 1944, prit immédiatement les dispositions nécessaires pour récupérer tout le matériel existant appartenant à ce service. Environ 35 % seulement des véhicules camouflés avaient échappé aux recherches des Allemands. Mais une partie importante des dépôts avait été distribuée aux unités de la Résistance.