Pages 67-87 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »
Quant à Jean Bayrou, il entrera rapidement à l’Etat Major F.F.I. comme officier du chiffre et transmission. Son père était professeur à l’Ecole Normale de Montauban où il avait fait la connaissance d’André Chamson, conservateur du Musée du Louvres, replié dans cette ville. C’est par ce dernier que Jean Bayrou apprit que Wurmser, futur rédacteur en chef de l’Humanité, se cachait dans une ferme à Saint-Paul de Mamiac près de la Grésigne. Or Wurmser était le beau frère de Jean Cassou, désigné pour être commissaire de la république de la région toulousaine, et que j’avais connu en mai 1944 à la Région.
Il y avait aussi à l’Ecole Normale un professeur réputé : Marcel Guerret. C’était un saint homme. Député socialiste depuis 1936, il avait cependant voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940 : il en était malheureux. J’ai eu plusieurs entretiens avec lui. Il m’a dit : « vous comprendrez qu ‘il m’est difficile de me mettre en avant, mais sachez que je suis avec vous ».
C’est lui qui m’a envoyé Louis SabatiÉ. Il le connaissait bien pour l’avoir eu en seconde ou première au Lycée Ingres (après la fermeture des Ecoles Normales). Marcel Guerret m’a dit, parlant de Louis Sabatié : « c’est un garçon très bien, très actif ». Sa mère est institutrice à l’école des filles de Villebourbon où il habitait. J’ai donc rencontré Sabatié plusieurs fois au café de l’Europe. Il jouait un rôle d’agent de liaison. Quand je l’ai connu, il devait avoir dix huit ans. Grand, sportif blondinet, c’était un gentil garçon très vivant et enthousiaste. Il m’a parlé qu’il voulait embaucher d’autres gosses pour constituer un noyau patriotique anti nazi au Lycée Ingres où il était pion.
Après la Libération, on a écrit qu’il avait été aux jeunesses communistes. Mais, à cette époque, le parti communiste, il n’existait pas. Le pacte germano-soviétique avait tout stérilisé. Ce n’est qu’avec l’invasion de l’U.R.S.S. en 1941 que les communistes ont commencé à se réveiller. Quand à Louis Sabatié, au début, il n’avait aucun contact avec personne.
Par la suite quand il a été arrêté en février 1944, j’ai été informé. La version qui m’avait été exposée à ce moment, me donnait l’impression qu’il avait peut être un peu trop parlé avec des copains de son âge, et que l’un d’eux avait rapporté maladroitement ses propos. Ce n’est qu’à la Libération que les communistes ont pris l’affaire en main. Un soir, à la suite de plasticages de demeures ou de magasins de miliciens, il avait été repéré près de la place Lalaque, où se trouvait le Soldat Heineim, par un gendarme municipal qui a essayé de lui mettre la main au collet. Pour se libérer, Sabatié aurait tiré un coup de revolver dans le ventre du gars. Avant de décéder, celui-ci a parlé. Il connaissait Louis Sabatié. Ce dernier a été arrêté le lendemain au Lycée Ingres. Il sera fusillé peu après à la prison Saint-Michel à Toulouse.
Sur quoi, on me fait savoir qu’un de ses camarades qui était à peu près du même âge, avait écrit un article : « Pas du tout. Ça ne s’est pas passé de cette façon là. Louis Sabatié paraissait nerveux depuis quelques jours. Il m’a dit, le soir même : le parti communiste m’a demandé de faire mes preuves et je les ai faites. J’ai descendu un milicien ». Affirmation qui a été immédiatement contesté par Juge, Député communiste de Tarn-et-Garonne, et par VlGNOBOUL : « Jamais le parti communiste n’a demandé aux gars qui voulaient participer à la Résistance de faire leurs preuves ».
Ce qui est sûr, c’est que Louis Sabatié a été récupéré par le parti qui en a fait un capitaine F.T.P., et surtout un symbole de la Résistance communiste.
Quand à moi, je considérerais toujours ce jeune comme un authentique patriote qui a donné sa vie pour la France.
En avril 1943, le Directoire départemental des M.U.R. est constitué. S’y retrouvent : Allamelle, Rouère, Ressigeac, Foussard, Costes le pharmacien, Mr Serres. On se réunissait chez Costes qui avait sa pharmacie Grand Rue Villenouvelle. C’est Pruet qui l’avait contacté. Il appartenait au mouvement Combat.
Jean RESSIGEAC (pseudo : Rémi) était professeur agrégé d’espagnol au Lycée Ingres de Montauban. Il était né à Vabre dans le Tarn.. Son père était gendarme. En février 1941, il fut radié de l’enseignement par le gouvernement de Vichy du fait de son appartenance à la Franc-maçonnerie. C’est à partir de août 1942 qu’il fit fonction de chef départemental du N. A.R (noyautage des administrations publiques). Il lui fut confié la mission d’ceuvrer dans un milieu qu’il connaissait particulièrement comme ex-secrétaire départemental de la fédération des fonctionnaires. Le M.U.R. étant constitué, il y entra au titre du N.A.P, mais aussi comme représentant du mouvement Libération.
Mon ami, Raymond Cabrit, me parlait alors d’un ancien conseiller à la cour d’appel de Madagascar, qui après une carrière aux colonies, avait pris sa retraite à Montauban, du côté de Labastiole : Paul Guiral . Il avait la soixantaine et paraissait plein d’enthousiasme. Je l’introduisis au sein de l’organisation, ce qui ne fut pas du goût de tout le monde.
Foussard donne des indications importantes sur de prétendus manœuvres de Duplan :
« Il est indispensable de noter qu’il fut difficile à la Résistance civile d’avoir des relations très étroites avec les dirigeants de l’A.S., ces derniers se refusant à admettre le contrôle de l’élément civil. Il n’est pas douteux que Duplan joua dans ce sens un mauvais rôle. La division pénétra dans nos rangs. Elle y fut amenée par la rentrée de Guiral dans notre groupe un peu avant la constitution des M.U.R. guiral fut présenté à Duplan par Cabrit, rédacteur à la préfecture. Duplan désirant dominer, à la fois l’A.S. et la Résistance civile, et n’y parvenant pas, ne trouva rien de mieux que de présenter Guiral comme responsable départemental, créant ainsi une dissidence dans le département ».
Foussard ajoute à propos de Guiral :
« Je dois dire qu ‘il n ‘avait pas produit une bonne impression sur l’assemblée (M.U.R.) par suite de son attitude distante et son ton cassant et autoritaire ».
Foussard indique encore :
« Au sein du directoire, Allamelle, Rouère et Ressigeac n’avaient pas une sympathie très marqué pour Duplan. Seul Guiral dont l’ambition était épaulée par celle de Duplan, faisait équipe avec lui. (C’était ainsi que sans que nous nous en doutions, ils préparaient ta division de la Résistance) ».
A cette époque, c’est Pierre Pruet (pseudo : Maison) qui commandait l’A.S. Instituteur à l’école de Villebourbon, officier de réserve, c’était un homme de valeur. Pendant un temps, le commandement de l’A.S. fut bicéphale, partagé entre Poussou et Pruet jusqu’en mars 1944. Puis Pruet fut seul à la tête de l’A.S. jusqu’à mon retour de la Région en mai 1944.
Fin janvier – début février 1944, j’apprends que les perquisitions de la gestapo et de la milice se multiplient, entraînant le départ de plusieurs dirigeants. Me Veaux quitte Montauban pour se camoufler à Viane dans le Tarn. Il était suspecté depuis plusieurs semaines. A sa suite, Marcel Foussard fait de même. Le bras droit de ce dernier Henri Chouffier échappe de justesse à l’arrestation. Celui-ci, grand invalide de guerre, (il avait perdu une jambe en 1917 à Verdun) tenait une station d’essence et un dépôt de pneumatiques en bas de la rue Saint-Louis en face de la halle Ligou.
Boite aux lettres de l’A.S. et des M.U.R., responsable de la diffusion de la presse clandestine, il avait été arrêté une première fois en 1943 après dénonciation.
Ayant été relâché, il fut pris en chasse par la gestapo, et ne dû son salut que parce qu’il fut avisé assez tôt que son magasin avait été pillé et son domicile réquisitionné.
Guiral prend alors la direction des M.U.R.
Il est évident qu’il existe une réelle rivalité entre Foussard et Duplan. Tous deux visent à diriger la Résistance dans le département. Foussard est d’une autre génération que Duplan, et aussi d’un niveau culturel plus marqué. Il voulait en tirer avantage. Duplan, plus jeune, est ambitieux et surtout plus dynamique. Fin décembre 1943, en l’absence de Foussard, Duplan réussit à l’impliquer dans une affaire de malversations de bons de solidarité. Foussard est sommé de s’expliquer. Foussard écrit :
« J’en conclus que c’était devant un tribunal d’honneur que j’allais avoir à me présenter. J’acceptais en toute quiétude. La réunion eut lieu dans la salle des coopérateurs, avenue Gambetta, à 18 heures. Etaient présents : Guiral, Allamelle, Rouère, Duplan, Moulin et moi. Laccusation fut portée par Duplan. Je répondis que la suspicion pesant sur moi et entravant ainsi mon honorabilité, je me devais de demander au comité, après m’avoir dégagé de toute responsabilité dans l’affaire, d’accepter ma démission. Le comité, en la personne de Guiral qui présidait la séance, me signifia qu’en aucune façon, aucun soupçon ne pesait sur moi. Duplan prit la parole : « Quand on est dans la Résistance, on ne démissionne pas ». Avant de les quitter, je dis à Duplan : « Vous allez quitter le département très probablement, mais je dois vous dire en ami de ne plus faire étalage d’ambition sur la place publique ».
Disons quelques mots sur Pierre-Paul Guiral (pseudo : Daumier, puis Gavarni). Celui-ci était né à Montauban en 1883. Il avait donc soixante ans lors de son entrée dans la Résistance. Conseiller honoraire de cour d’appel, il demeurait à Labastiole dans les quartiers bas de Montauban. Devenu chef départemental des M.U.R., il l’est resté jusqu’en mai 1944, où recherché par la gestapo, il a dû se réfugier au maquis dans la clandestinité la plus totale jusqu’à la libération. Il est vrai que, début mai, l’épouse de Pierre Guiral et sa fille Suzanne sont arrêtées par la gestapo. Elles sont déportées à Ravensbruck, d’où Madame Guiral ne reviendra pas. A la libération, Pierre Guiral présidera le tribunal militaire, puis la cour martiale de Tarn-et-Garonne. Il sera fait officier de la Résistance avec la citation suivante :
« Depuis l’armistice, Monsieur Guiral a consacré sans réserve toutes ses forces, ses facultés, ses ressources et même sa famille au service de la Résistance. Il a été, dans le département de Tarn-et-Garonne , l’âme et le chef de la lutte contre l’ennemi et contre le régime de Vichy, occupant les postes les plus exposés, assurant les missions les plus dangereuses et regroupant sans cesse les courages autour de lui. Rien n ‘a pu l’abattre, ni épuiser son abnégation, pas même la douleur et l’angoisse que lui causaient l’arrestation et la déportation de sa femme et de sa fille. Il est un des modèles les plus nobles de la Résistance qui, depuis 1940, ont tout donné à la Patrie ».
En mai 1944, Foussard est de retour et apprend qu’il n’est plus le responsable des M.U.R.
Foussard décrit son retour avec un certain ressentiment :
« Dès mon retour, je repris contact avec les éléments de la Résistance que je retrouvais à la C.G.T. J’appris alors que durant mon absence, Guiral avait était désigné comme chef responsable par Begon (pseudo Bouconne) chef régional et aussi intime de Duplan. On m’annonça également que ce dernier avait réalisé son rêve et satisfait son ambition, tout au moins en partie, en devenant chef régional A.S. par contre, mon étonnement fut grand de voir que Guiral n’avait pas hésité à me supplanter durant mon absence ».
Pendant toute cette période, je suis à Toulouse, responsable de l’Etat major de l’A.S. Je montais assez régulièrement à Paris. J’y rencontrais Dejussieu (pseudo : Poncarral) qui avait succédé à Délestraint à la tête de l’Etat-Major national. Nous étions très liés. J’y représentais Cassou avec lequel j’avais rendez-vous tous les jeudis. Cassou avait était désigné pour être commissaire de la République pour la Libération. Cassou était proche du parti communiste. Sa sœur était mariée avec Wurmser qui sera plus tard rédacteur en chef de l’Humanité. A la libération, il sera un temps rédacteur en chef du Patriote à Toulouse.
Vers la mi-avril, je monte à Paris pour la formation du M..L.N. J’y avais été convoqué. J’y retrouve quatre ou cinq types de Toulouse. Lun d’eux m’apostrophe : «Tu nous a trahis ! » « Qu’est ce que ça veut dire ça ? » J’ai tout de suite compris que c’étaient les communistes qui menaient l’affaire. J’ai repris : « De toutes façons quand je suis entré dans la Résistance, il n’y en a aucun d’entre vous ici qui soit venu sonner à ma porte pour m’informer des conditions ». Comme cela prenait mauvaise tournure, j’explosais : « Mais, nom de Dieu, je suis devant un tribunal ». On me reprochait d’avoir accepté d’être nommé chef régional de l’A.S. « C’est nous qui t’avons fait nommer. C’est sur notre proposition. Alors, qu ‘est ce que tu fais ? Les F.T.P. sont mécontents de toi ». J’ai tout de suite vu l’astuce. « Mais, dites-le si vous voulez me faire passer pour un type d’extrême droite. Je vous écoute depuis un moment. Moi, je suis un bon républicain, athée, laïque, militant au parti radical. Si c’est pour cela que vous m’avez fait venir à Paris, excusez-moi ». Et je suis reparti. Ce qui m’a étonné c’est que Delmas (pseudo : Chaban) devait assister à la réunion, il n’est pas venu. Alors, une fois parti, la réunion s’est poursuivie sous la direction de Poncarral.
Pendant mon séjour à Toulouse, j’avais laissé le commandement de l’A.S. en Tarn-et-Garonne à Pierre Pruet (pseudo : Maison). C’était un copain de Germain, ancien directeur de l’école de Lamagistère, en poste à Saint-Nauphary. Instituteur tous les deux. C’était un vieux garçon qui s’est marié sur le tard. Je l’appréciais beaucoup. Il était secondé par Jean Daran (pseudo : Danton), René Andrieu (pseudo : Didier) et Marcel Marcus (pseudo : Firmin).
J’avais connu Jean Daran au parti radical-socialiste. Il était franc-maçon. Très dynamique et compétent, il avait rejoint l’A.S. dès 1943. En janvier 1944, il s’occupe des effectifs au sein de l’Etat-major.
René Andrieu a le même âge que Jean Daran. Il est à la Trésorerie générale de Montauban. Lui aussi entre à l’A.S. en 1943. A l’Etat-major il a en charge la sécurité.
Marcel Marcus résidait avec sa femme à la ferme Noalhac chez Marmiesse, où il se cachait. De la même génération que Jean Daran et René Andrieu, ancien centralien, d’intelligence remarquable, il est l’un des grands animateurs de la Résistance tarn et garonnaise. C’est probablement une des pierres angulaires de l’Etat-major A.S. C’est lui qui organise la répartition de l’ensemble des compagnies A. S. du département par cantons. A ce moment, il y avait 13 compagnies A.S. constituées.
Dans le secteur nord-est, le commandement avait été confié à Pierre Cabarroques (pseudo : Camille). J’avais connu Cabarroques avant guerre. Il était aux jeunesses radicales. Il est toujours resté au parti radical. Il avait une dizaine d’années de plus que moi. Je l’avais approché lorsqu’on avait fait la campagne électorale de Daille qui a été élu député. Daille était le beau-frère de Cayrou, le vétérinaire, qui, plus tard sera sénateur.
Pierre cabarroques était né à Bordeaux. Il avait épousé Jeanne Mignot héritière d’une vieille famille de chapelier de la région de Caussade, qui possédait une grande propriété en bordure du camp de Caylus.
C’est moi qui l’ai nommé responsable du canton de Caussade. Je l’avais contacté en 1942, après qu’il eût été envoyé en résidence surveillée à Montaigu du Quercy pour manifestation gaulliste, lors du dépôt d’une gerbe au monument aux morts de Caussade le 14 juillet 1941. Vers la fin 1942, Pierre Cabarroques entre dans une résistance active en accomplissant plusieurs missions : reconnaissance de terrain de parachutages, liaisons et transports d’armes, recrutement et organisation du maquis Bir-Hakeim. Ce maquis s’est constitué en octobre 1943 à partir d’éléments qui refusaient d’aller travailler en Allemagne. Lun des tous premiers réfractaires au S.T.O. fut André FlQUET (pseudo Tataouine) dont la personnalité était telle qu’on lui a confié tout de suite la responsabilité du maquis. Le maquis Bir-Hakeim était localisé au début à la bergerie de Vieille, lieu dit Guillot, sur la commune de Lavaurette – Saint- Georges, tout près de Saint-Symphorien. Il constitue la 7ème compagnie A.S.. Le 5 novembre 1943, Cabarroques assume le parachutage de Saint-Georges et dirige le camouflage des armes parachutées.
Or, suite à une imprudence, le 13 décembre 1943, la gestapo arrête à la nuit sur Caussade trois responsables du maquis : Jacques Ancelet, ingénieur de l’armement, le docteur Benjamin Olive, Pierre Cabarroques et la femme de ce dernier. Ils sont emmenés et incarcérés à Cahors. Jacques Ancelet et le docteur Olive seront déportés, l’un à Dora, l’autre à Buchenwald, et ne reviendront pas des camps.
Quant à Cabarroques !!! Je suis prevenu peu de temps avant, par des résistants de la gare de Cahors, qu’une femme, une gitane, qu’on appelait « la panthère », agent de la gestapo, avait pris le train à destination de Caussade. Vite, je préviens Meauzac. Nous avertissons Cabarroques. Je ne sais plus si je lui ai téléphoné ou si je lui ai envoyé un agent de liaison. Pour lui dire qu’il fallait filer cette femme et surtout surveiller tout ce qu’elle ferait. Eventuellement l’arrêter et la mettre en lieu sûr. J’avais exigé d’être constamment informé. La journée passe. Pas de message de Caussade. Le lendemain, pareil. Trois ou quatre jours après, je suis enfin averti : « Ils ont été arrêtés. On les a emmenés à Cahors ». « Qui a été arrêté ? » « Olive, Ancelet, Cabarroques ». C’était le 13 décembre 1943 au soir.
Or, le 17, Cabarroques s’évade d’un deuxième ou troisième étage, menottes aux mains, en descendant par un tuyau de descente des eaux de l’immeuble où il était détenu. Evasion spectaculaire à laquelle, à ce moment, j’ai cru. Puis j’ai eu un doute. Parce que il n’y a pas beaucoup de gens qui se soient évadés dans ces conditions, des geôles de la police allemande. Je fais faire une enquête et l’on m’apprend que Cabarroques avait bien reçu mon message sur l’arrivée de « la panthère » et que, même, on l’avait vu avec elle dans un bistrot. Pourquoi ? Quant à Cabarroques il n’a jamais parlé de ces événements.
Ce qui nous a troublé, c’est que sa femme a été libérée de la prison Saint-Michel quelques mois plus tard. Ça nous posait problème, parce que ceux qui étaient entre les mains de la gestapo, on ne les voyait pas revenir. Probablement, il y a dû y avoir une intervention puissante du père Mignot pour la libération de sa fille.
Après son évasion, Cabarroques passe aux maquis du Lot, devient adjoint au Capitaine Philippe (Jacques Chapou) de janvier à mars 1944. C’est pendant cette période que le maquis Bir-Hakeim livre aux maquis lotois une partie des armes qu’il détenait après les premiers parachutages en Tarn-et-Garonne.
Il revient sur Caussade en avril et monte de temps en temps à la 7emecompagnie A.S. à Pech Sec dans le camp de Caylus. C’était Duclos (pseudo : Deville) qui commandait avec comme adjoints Monfrini (pseudo : Charlie) et Fiquet (pseudo : Tataouine). C’est là que j’ai connu Tataouine qui était au maquis depuis le début. Il y avait aussi le petit Soccol (pseudo Cambonis) qui deviendra le gendre de Duclos. Il avait 17 à 18 ans à cette époque là. C’était Duclos qui l’avait amené, alors que le maquis était sur Ganiole. Mais, vous savez, je ne connaissais pas tout les gars qui étaient dans les maquis. Quand j’arrivais, je leur serrais la main, je faisais un petit laïus, je leur remettais un fanion… et puis je restais avec les chefs.
Vers la fin juillet je suis averti que des événements graves se sont produits à Pech Sec. Cabarroques est depuis le 6 juin, chef F.F.I. du secteur nord-est du département. Des gars de la 7e Compagnie A. S. avaient arrêté une Madame Dameron qui dirigeait la partie féminine du camp de Septfonds. Ils l’avaient amenée à Pech Sec où était localisé le PC. de la 7e Compagnie. Alors, il y eu un matin une rébellion. Cabarroques a été accusé de coucher avec cette femme, après avoir fait de bons gueuletons. Et comme les gars manquaient de beaucoup de choses et qu’ils imaginaient ce qui pouvait se passer par ailleurs, cela n’a pas été accepté. Ils ont arrêté Cabarroques et quelques autres de l’Etat-major. J’ai été averti que Cabarroques était gardé dans une étable à cochons. Aussitôt prévenu Delplanque (pseudo : Capitaine Dumas), chef du corps franc à Cabertat est intervenu. Celui-ci est alors monté à Pech Sec avec le groupe Fantôme, une trentaine d’hommes. Après avoir parlementé, tout est rentré dans l’ordre. Mais pour le cas Cabarroques, j’ai dû user de mon autorité. C’était quand même mon second dans toute la zone Caussade, Saint-Antonin et, malgré le problème posé, je n’ai pas voulu qu’on le condamne. Cabarroques est alors revenu sur Caussade et n’est plus remonté à Pech Sec.
Après la libération, lorsque les anciens de la 7e Compagnie se sont réunis pour créer leur amicale, ils ont exclus Cabarroques, nommant Duclos, président. Je me suis rendu à la première assemblée générale qui se tenait au premier étage d’un bistrot de Caussade. Ils étaient contents de me voir. Alors j’ai pris la parole en faveur de Cabarroques. Je leur ai dit : « Cabarroques a été le premier contacté dans la Résistance du secteur. Il a été arrêté par la gestapo. Sa femme a été également arrêtée. Elle a été libérée, et lui s’est évadé. Il faut penser qu ‘il y a autour de nous d’anciens miliciens, d’anciens traîtres qui ne se sont jamais dévoilés, mais qui nous observent, pour profiter de nos discussions. Alors, traiter ainsi celui qui a été le chef de la Résistance du secteur est une faute. Certes vous pouvez ne pas lui donner de responsabilités dans l’association, mais il faut qu’il y apparaisse. Je vous demande de l’admettre au nom de la Résistance. C’est à titre personnel que je vous le demande ».
On est allé le chercher. Il pleurait comme une madeleine. Je lui ai dit : «Tu te mets au fond de la salle. Avec tes amis, tu t’es mal comporté. Dans le maquis, tu t’es mal comporté. On efface tout ! ». Cela ne sera pas le cas.
A Pech Sec, les effectifs avaient considérablement grossi après le 6 juin 1944. C’est en juillet qu’en ce lieu a été procédé à l’exécution de trois suspects : un nommé Broer, auxiliaire de la gestapo qui sévissait dans la région de Montpezat, un G.M.R. de Puylarroque et un belge, manchot, Daves, réfugié à Caussade, qui travaillait pour les allemands.
Moi même, j’ai présidé le tribunal qui, le 13 juin 1944, a condamné à mort le chef départemental de la Milice d’Artenset et son adjoint le Capitaine Renard, qui avaient été arrêtés par un commando de résistants, près de Montauban, sur la route de Castelsarrasin. Ce tribunal exceptionnel siégeait à Panégro sur la commune de Monclar-de-Quercy.
J’étais alors revenu dans le département comme chef F.F.I. Cela n’avait pas été sans mal, car, au mois de mai, au moment de quitter la région, il fallait choisir un chef régional. On avait proposé plusieurs noms. En tant que chef régional de l’A.S., il fallait que je donne mon accord sur cette désignation. On m’avait demandé d’abord si je voulais l’être. Mais j’ai dit : « Moi. En aucun cas. Je veux rentrer chez moi en Tarn-et-Garonne, revenir à Montauban, car il y a des comptes à régler et je ne veux pas de gens qui n’ont pas nos opinions ». Cassou m’avait alors affirmé : « Tu fais une connerie ! » On m’avait présenté la candidature de plusieurs personnes du milieu médical ou des excités de l’enseignement qui voulaient la Révolution. Finalement Bertet, qui était chef des Corps francs du M.L.N., vient me trouver et me dit : « Tu sais Ravanel est un type bien. Tu devrais le prendre. Il est dans les Corps Francs à Lyon. Il a fait du bon boulot ». Alors, j’ai répondu : « Parfait, Ravanel ! » Je l’ai installé dans les bureaux, présenté à tout le monde. Je l’ai embrassé, en me mettant à sa disposition. Et je suis rentré chez moi.
Je retrouve Montauban complètement désorganisé. Guiral, suite à l’arrestation de sa femme et de sa fille, a disparu dans la nature. Nommé par Ravanel chef des Corps Francs, il me faut prendre en mains et réunifier la résistance civile et la résistance militaire. Ce fut une période difficile. Car chacun sent bien que la libération est proche et veut placer ses pions à la meilleure place. Je me heurte alors à des réticences qui ne sont pas innocentes. Une réunion extraordinaire a lieu le 17 juin 1944 dans les bois de Saint-Amans, près de de Molières, pour constituer le C.D.L. et désigner le chef F.F.I.. Ravanel me fait parvenir ma désignation comme chef F.F.I. de Tarn-et-Garonne. Cela ne fut pas du goût de certains. Les rivalités politiques apparaissaient au grand jour. Les nouvelles appartenances commençaient à se manifester dans les rangs des responsables de la Résistance. Chacun avait son clan, ses soutiens.
A propos de la réunion du 17 juin 1944, Foussard précise :
« Nous étions tous persuadés que Duplan était incapable de mener des hommes presque sans discipline. Guiral pose donc la question de savoir si Duplan devait être désigné comme chef F.F.I. ou Langeron. A l’unanimité Langeron fut désigné. Il n ‘est pas douteux d’ailleurs, que Guiral, se sentant sérieusement menacé, que son poste de chef départemental risquait de lui échapper, provoqua cette réunion. C’était absolument exact. Les membres du C.D.L. avaient à la fois (ou tout au moins ils le pensaient) sauvé Guiral et remis Langeron à sa véritable place ».
Pour ma part, je pouvais compter totalement sur le dévouement de Pruet et de certains responsables de maquis : ainsi à Nègrepelisse à Caussade, à Monclar, dans les cantons de Lauzerte, Montaigu-de-Quercy, à Labastide Saint-Pierre, à Grisolles, à Castelsarrasin.
A Nègrepelisse, je connaissais un garagiste Georges Capéran (pseudo Saint Biaise) qui était au parti radical. Je l’avais contacté dès la fin 1941, puis il s’était donné dès octobre 1943 au maquis de Puygaillard qui se fondait dans le maquis de Cabertat. Il avait fait la « drôle de guerre » au 5e groupe d’Unités techniques de télégraphie militaire dans le génie. Démobilisé en juillet 1940, il avait tout de suite montré des opinions antivichystes. C’était un élément sûr, qui sera un proche de Delplanque (capitaine Dumas). Il sera chef départemental de la propagande et diffusion clandestine.
Capéran m’a présenté Jean Taché (pseudo : Brisefer) qui commandera la 6ème Compagnie A.S., Henri Rey (pseudo Raymond) qui sera adjoint, et Maurice Pons (pseudo Pachy), tous trois commerçants à Nègrepelisse. Ils participeront à toutes les actions du maquis de Cabertat jusqu’à la libération de Montauban le 19 août 1944. Je me souviens m’être rendu à Toulouse avec Jean Taché en juin 1944 chercher notre part de l’argent d’un parachutage fait en Haute-Garonne : un million en billets de dix francs. Le paquet était enveloppé dans du papier journal avec des ficelles.
Sur la commune de Nègrepelisse, aux Ombrails, résidaient Honoré Ricard (pseudo Germain) et son épouse Julia (pseudo Maria) avec son frère Wilfrid (pseudo Rivière). C’est en cet endroit qu’eût lieu en août 1943 (nuit du 19 ou 20 août), le premier parachutage effectué en Tarn-et-Garonne. A l’écart de toute habitation, à proximité du maquis de Cabertat, j’y avais installé un temps le PC. départemental. Le 17 juillet 1944, la ferme est investie au petit jour par une colonne d’Allemands et de miliciens. Seule Maria est présente. Son mari et son beau-frère sont déjà dans les champs. Durant plus de deux heures, Maria assiste impuissante à la mise à sac de sa demeure sous la menace des mitraillettes et des fusils. Maria est enceinte. Est-ce la raison pour laquelle ils repartent enfin la laissant au milieu de cette désolation ? A la suite de cette brutale perquisition craignant que Maria ne fut aux mains de l’ennemi, le capitaine Dumas donne l’ordre à sept membres du groupe Fantôme de tendre une embuscade à la colonne allemande au lieu-dit « Les Brunis «, près de Montricoux : embuscade qui entraîna des pertes sévères à l’ennemi. Parmi les assaillants, Georges jacquot (pseudo Marsouin) et Maurice daugé (pseudo Rigoulot), ce dernier, blessé très grièvement, parviendra cependant à s’échapper.
J’avais fait la connaissance de Gaston Delplanque (pseudo Dumas) en décembre 1942. Né à Nancy le 18 mai 1909, il a donc 33 ans à cette époque. Adjudant-chef d’activé au 166e R.I.F, il est fait prisonnier le 23 juin 1940, et dirigé sur le stalag IV-C en Allemagne. Evadé le 2 août 1941, il entre en zone libre le 1er septembre 1941. Affecté au 24ème B.C.A. le 2 septembre 1941, il profite d’une permission renouvelable du 30 novembre 1942 pour se réfugier en Tarn-et-Garonne avec sa famille dans la région de Montricoux. Il entre alors dans la Résistance le 5 décembre 1942. Il participe à la formation de la 6ème Compagnie A. S. à Nègrepelisse. Fondateur du maquis Arnault le 2 novembre 1943, il est nommé chef des Corps francs le 10 mai 1944. Il passe à l’action dès le 6 juin 1944 par l’exécution du plan vert : destruction des voies ferrées, sabotages. Il assure le commandement des groupes FFI. lors de l’attaque du maquis de Cabertat le 20 juin 1944, de la souricière des Brunis le 17 juillet 1944, de l’embuscade de la Tanguine le 17 août 1944, de la libération de Montauban le 19 août 1944. Entre le 20 et le 28 août 1944, il conforte la libération de Toulouse et d’Albi. Le 28 août, il intègre le 3ème hussards, comme commandant de la 2ème Compagnie du 1er groupe d’escadron, qui rallie la lère armée française. Nommé capitaine FFI. le 1er juillet 1944, il est homologué capitaine d’activé à titre définitif à compter du 1er juin 1945.
A Caylus, il n’y avait pas d’organisation particulière. J’étais en relation très cordiale avec le Commandant Normand qui avait la responsabilité du camp militaire. Son bureau était à Livron. La première fois où je l’ai rencontré, il m’avait dit, parlant du Général Delestraint qui avait dissous ses régiments au camp de Caylus en juillet 1940 : « Je gère ce qui reste de l’armée. L’inventaire est établi ». Puis, à partir de novembre 1942, il a camouflé plusieurs tonnes d’armes dans des igues du camp, anciennes phosphatières désaffectées, réparties sur tout le causse. Il n’a pas eu le temps de me renseigner sur les emplacements, car il a été arrêté par la gestapo dès mars 1943. Heureusement, il était secondé par l’adjudant-chef Gilles (qui sera déporté avec lui) et par l’adjudant Pechmagré, aidé du maréchal des logis Marc, qui transmettront de précieux renseignements sur les armes camouflées.
Il y avait aussi tout près de Caylus, une jeune institutrice qui résidait à l’école de Mouillac : Lucienne BaudÉ (pseudo : Sim).
Dès septembre 1943, elle avait été chargée par l’A.S. d’effectuer des recherches dans le camp de Caylus en vue de retrouver des armes camouflées après l’armistice. Elle était en relation avec Madame Gandil qui habitait une ferme isolée près de Lassalle. Sim prit une part très active à l’organisation du ravitaillement des maquis dans la région de Pech Sec-Pech Vert. Dès février 1944, l’école de Mouillac fut le point de chute d’agents britanniques parachutés : notamment le Major Mac Pherson, officier de liaison anglais. Arrêtée par la gestapo, elle fut gardée quelques jours à la caserne Caffarelli à Toulouse, avant d’être relâchée faute de preuves. Amoureuse d’un jeune résistant, elle eut avec celui-ci un fils : Georges Molinié, qui cultivera avec bonheur sa mémoire.
Le père Elie Molinié, né le 22 Mars 1922 à Lafrançaise, est, en 1942, étudiant à l’Ecole supérieure de commerce de Toulouse.
A cette époque il arrête ses études car faisant partie d’un groupe de jeunes résistants qui essayent de passer en Espagne. N’ayant pu y parvenir, dès janvier 1943, il sert d’agent de liaison sous le pseudo de Pacha. Adjoint au chef du maquis d’Ornano, qui assurait la protection du terrain de parachutage Volcan au sud de Saint-Antonin, il dirige la défense de ce terrain attaqué dans la nuit du 21 mars 1944 par une colonne de cinq cent S.S. Ce qui lui valut une citation à l’ordre de la brigade avec attribution de la croix de guerre, et la décoration britannique King’s Medal for courage in the cause of freedom.
A Monclar, en relation avec le maquis de Cabertat, un groupe de résistants s’était formé sous la direction de Roger Rignac, électricien, Roger Monbrun, transporteur, Prosper Torrès, garagiste, André Lescure, limonadier. En novembre 1943, j’apprends qu’Albert Archippe (pseudo : Sébastien), boulanger à Monclar, est arrêté par la gestapo à Montauban. Torturé, il est trainé dans les rues du village, souffrant terriblement, les membres brisés. Déporté à Dachau, il ne reviendra pas. Sa femme, Françoise est également arrêtée et déportée à Ravensbruck, d’où elle sera libérée en mai 1945.
Tous deux appartenaient au réseau Cotre.
J’ai contacté, fin octobre 1941, à Miramont de Quercy, Armand Cabrit, afin de former un réseau de résistance au nord du département.
Armand Cabrit, né en 1894 , était commerçant à Miramont de Quercy.
Il m’a été présenté chez André Pagès, qui résidait Faubourg Lacapelle à Montauban, en présence de Vandoine, responsable d’un secteur urbain. Armand Cabrit, ayant accepté, prit, sous le pseudonyme de Raymond, l’organisation de la résistance dans les trois cantons de Bourg de Visa, Montaigu et Lauzerte dans les délais les plus brefs. Ainsi, dès la fin octobre 1941, il contacte Albert Caillau (pour le secteur de Montaigu), Marius Lacoste (secteur Miramont) et Etienne Lafargue (secteur de Lauzerte). Début novembre, il recrute Léon Minguy pour le secteur de Bourg de Visa. Celui-ci était contrôleur du ravitaillement pour les trois cantons.
C’est le 12 avril 1942, en ma présence, que se tint une réunion des quatre responsables de secteur chez Armand Cabrit à Miramont. Ainsi est officialisée la création d’un réseau de résistance au nord du département du Tarn et Garonne, les futurs terrains de parachutage choisis par ces derniers : à Banel, près Bouloc, et Pech Berthier, près de Montaigu. Les deux terrains seront homologués sous les pseudonymes de Tonneau et Manioc, leurs coordonnées transmises à Londres.
Cabrit et Caillau gardèrent le commandement de la 8ème Compagnie jusqu’au 2 mars 1944. A cette date, la Compagnie s’est étoffée en hommes. Ainsi apparaît la nécessité d’un commandement militaire. Cabrit et Caillau me proposèrent alors Douet, lieutenant de réserve, percepteur à Montaigu, résistant de la première heure, comme chef militaire de la 8ème Compagnie. Douet me fut présenté dans les locaux de l’école de Saint-Amans de Pellagal où se trouvait Jean-louis Demeurs, instituteur et résistant. Douet ayant accepté sa mission, il fut décidé que, sous le pseudonyme de Vincent, il prendrait le commandement de la 8ème Compagnie A.S. Lors de cette désignation étaient présents avec moi : Cabrit, Caillau, Lafargue, Segonne, Demeurs, Douet.
Je suis venu inspecter le fonctionnement de la 8ème Compagnie, cinq ou six fois entre mai et août 1944. La dernière fois, j’était accompagné de Pruet. Nous étions arrivés à vélo, venant de Cabertat. Nous avons passé la nuit dans la ferme des grands parents Cabrit à Miramont de Quercy.
Le 26 avril 1944, un premier parachutage se déroule sur le terrain de Banel. Deux autres parachutages ont lieu les 30 mai et 29 juillet 1944 à Pech Berthié. Soixante containers y sont largués, au total six tonnes d’armes et d’équipement militaire. Cet armement fut distribué aux différentes unités du secteur nord-est. La 8ème Compagnie continuera sa mission jusqu’à la libération, avec la prise de Moissac les 19 et 20 août 1944. Le 24 août, j’ai fait parvenir à Vincent un message urgent, l’invitant à me rejoindre en renfort pour la libération de Toulouse. Le soir même, la 8ème Compagnie, forte d’une centaine d’hommes, s’installait à la Réserve des Seigneurs, à l’entrée ouest de la ville rose. Le lendemain, elle continua le combat à la poursuite de l’ennemi jusqu’à Lacaune.
J’avais également fait la connaissance d’un pied-noir, né à El biar sur les hauts d’Alger, qui, mobilisé en septembre 1939 à Ouagadougou, avait abouti à Montauban où il avait été démobilisé le 5 juillet 1940. Il s’était installé à Beaumont de Lomagne. C’était André Brunei (pseudo : Bourcier), entré en résistance par l’intermédiaire d’un pharmacien de Beaumont, François Marsol (pseudo : Colomb), lequel avait été contacté en 1942 par Moulin (pseudo : Meauzac). Bourcier, résistant engagé, fournit de ses propres deniers, vêtements, subsistance et aide de toutes sortes aux patriotes qu’il recrute, organisant magistralement le secteur A.S. de Beaumont-Lavit. Chef de la 10ème Compagnie dès janvier 1943, il deviendra responsable F.F.I. du secteur sud de « Tarn et Garonne jusqu’à la libération. Il participe les 19 et 20 août 1944 aux combats de la Vitarelle, près de Montech, où le maquis de Lavit attaque une colonne de 3000 Allemands qui se replient vers la vallée du Rhône.
A Labastide Saint-Pierre j’ai des rencontres discrètes avec le percepteur du lieu : Jean-baptiste Sarda (pseudo : Sorel) qui était en contact avec le mouvement Libérer et Fédérer. Celui-ci avait comme adjoint : Jean Lacaze, pharmacien à Grisolles, qui sera arrêté et déporté.
A partir du mois de mai 1944, je suis resté un temps avec Ravanel qui était chef régional F.F.I.. J’étais son adjoint. J’ai demandé alors à m’occuper du Tarn et Garonne, pour préparer la libération. J’étais ainsi à cheval sur la région et le département. Bien sûr, on savait que pour le débarquement c’était imminent. Les messages nous prescrivaient d’accélérer un peu les sabotages. Mais cela ne servait à rien de faire monter au maquis les jeunes patriotes. Il n’y avait pas suffisamment d’armes et de matériel. Aussi, après l’appel venu de Londres, qui demandait aux militaires, aux gendarmes, de rejoindre les maquis, quand on a vu arriver toute cette troupe, sans moyen de les abriter et de les nourrir, je les ai renvoyé, sauf ceux qui s’étaient trop engagés. Ça ne rimait à rien, tant qu’on n’était pas fixé sur la date du débarquement.
Le 6 juin ne nous a donc pas surpris. J’étais alors au maquis de Cabertat. Toutes les actions qui ont été effectuées après le débarquement relevaient des maquis. Juin et juillet furent deux mois difficiles. Je n’avais plus de contact avec Langeron et Guiral, toujours planqués.
Courant juillet, une autre réunion du C.D.L. a lieu. Foussard raconte :
« C’est alors qu’une autre réunion fut décidée. Elle se composa des membres de l’état major de l’A.S., de l’O.R.A et des F.T.P. A l’unanimité des membres présents sauf une voix, et ce, en présence de Duplan, Langeron fut désigné comme chef départemental F.F.I. Nous pensâmes donc que c’en était maintenant bien fini avec cette histoire et qu’il n’y aurait plus à y revenir. Or, quelques jours après, une proclamation ronéotypée était répandue dans les rangs F.F.I. annonçant que Duplan était nommé par le général Koenig comme chef départemental. Les membres du noyau actif furieux de voir qu’ils avaient été joués une fois de plus et se demandant ce qui s’était passé à la région n’hésitèrent pas à accepter la proposition que je leur fis, d’adresser une délégation afin de faire rapporter cette décision ».
Cette délégation se rend bien à Toulouse, rencontre Cassou, sans résultat.
Le 31 juillet 1944, Armand Cabrit confirme :
« Je reçois de forts mauvaises nouvelles concernant Langeron et Guiral. Ils sont toujours planqués, mais ne sont plus rien dans la résistance. C’est Nil qui mène le jeu ».
C’est alors que début août je suis atteint d’une congestion pulmonaire qui m’oblige à interrompre pendant quelques jours mes activités. Je délègue tout pouvoir à Pruet qui reçoit le renfort du colonel Langeron nommé chef d’état major F.F.I., par le colonel Berthet, qui est responsable de la sous région nord-ouest de Toulouse.
De retour, dès le 15 août je fais envoyer à toutes les Compagnies l’ordre d’engager immédiatement la guérilla contre les troupes ennemies. « Des messages très importants viennent de passer à la radio. Nous devons agir. Je vous donne l’ordre d’engager immédiatement la guérilla avec toutes vos unités. Des barricades doivent être établies. Lennemi doit être attaqué partout ou tout au moins gêné au maximum dans ses déplacements. Vous m’adresserez un compte-rendu tous les jours. L’heure de l’action est enfin arrivée ».
Le lendemain, 16 août, le colonel Langeron précise un certain nombre de points concernant la discipline, la guérilla, les embuscades.
La veille de la libération, le 18 août, je réunis tous les chefs de compagnies à la mairie de Négrepelisse. On a répété toutes les actions à entreprendre. Ce plan avait été déjà établi avec Meauzac dès 1942. J’ai installé le P.C chez Marmiesse à la ferme Noalhac.
Les ordres de l’état major F.F.I. en campagne le 19 août 1944 sont signés du chef départemental F.F.I., Nil (Duplan) et du chef d’état major, Larzac (Langeron). Ils indiquent que toute colonne allemande doit être interceptée avant d’arriver à Montauban. Ces ordres sont formels : « Continuer les actions de harcèlement et multiplier les obstructions de route : le corps franc Dumas se portera dans la région du Ramier. Les 2éme et 3ème compagnies A.S. se porteront dans la région de Saint-Martial, de Birac et de Bressols pour interdire à l’ennemi les routes de Gaillac et de Toulouse. Les Compagnies du secteur « Camille » doivent provoquer des obstructions nombreuses sur la route de Paris de façon à empêcher l’ennemi de rejoindre Montauban. De même la compagnie Sahib doit se porter dans la région de Saint-Hilaire, Falguière et Birac pour interdire le passage aux boches. Enfin le groupe F.F.I. Igon de Verdun se portera sur la nationale 20, au sud de Montauban, pour effectuer des embuscades et des abattis d’arbres ».
Mais l’état major est mis devant le fait accompli. Une colonne allemande d’environ 400 hommes arrive en début d’après-midi, le 19 août, aux portes de Montauban, venant de Caussade, où elle se heurte à une poignée de civils courageux et téméraires, qui, retranchés derrière les platanes des avenues engagent le combat autour du Rond, fermement décidés à ne pas laisser l’ennemi traverser la ville.
Après 16 heures, les différentes compagnies A.S. sont en place, sauf les compagnies commandées par Cabarroques. Celui-ci devait passer l’Aveyron dans la nuit à Albias, pour cantonner à Fonneuve. Il était dit que toutes les compagnies devaient converger sur Montauban pour attaquer les casernes où il y avait encore des allemands en nombre assez important. Toutes les compagnies ont été à pied d’oeuvre. Il n’y en a qu’un qui n’a pas marché : Cabarroques. Il s’est arrêté avant de passer l’Aveyron. Plus tard, il me dira : « Les types n’ont pas voulu ! ». Bref ils ont manqué dans la manœuvre d’encerclement.
Quand au combat du Rond, c’est le corps franc Dumas qui a attaqué en premier. Les autres compagnies étaient disposées de façon à ramasser tous les allemands qui cherchaient à s’échapper de Montauban.
Vers 19 heures, le combat fait rage. Lennemi commence à s’infiltrer vers la place du Rond. J’envoie alors un message impératif à Camille : « Dès réception de mon ordre, envoie d’urgence le gros des forces des 7eme et 4ème compagnies sur Montauban. Dumas les attend avec ses hommes et la 6ème. Ils doivent arriver sur les genoux. Mon PC. est à la mairie de Nègrepelisse. Courage. Nous sommes au travail ».
Il y a donc un décalage dans le temps entre le déroulement des opérations sur le terrain et la connaissance des événements par l’état major. En effet, depuis le 16 août, ce dernier est installé à Aussac, commune de l’Honor de Cos. Il y a là, le colonel Langeron et ses adjoints Pruet, Marcus, Andrieu. Le 19 août, vers 13 heures, trois membres du comité départemental de libération : Serres, Foussard et Ressigeac arrivent à Aussac, annonçant que /es afl’emands ont quitté Montauban.
C’est à 15 heures que j’apprends que des troupes allemandes sont aux portes de la ville. J’envoie aussitôt un message à Aussac, afin que le colonel Langeron et Pruet, qui ignoraient tout de la situation, me rejoignent d’urgence.
Quant aux ordres envoyés à Camille pour soutenir les forces engagées au Rond, ils arrivent trop tard. Les 4ème et 7ème compagnies ne rejoindront les abords de Montauban que tard dans la soirée. Le combat du Rond est alors terminé.
Vers 21 heures, tout était calme. Les allemands avaient disparu dans la nuit. Nous sommes entrés dans Montauban. On a ramassé les compagnies. On avait désigné les cantonnements. Tout était prêt : les casernes, les lycées. Pruet et Daran s’occupaient des effectifs. Je supervisais. Ce qui m’intéressait, c’est qu’on applique les plans établis la veille à la mairie de Nègrepelisse. On l’avait d’ailleurs baptisée : première mairie du Tarn et Garonne libérée.
En ville c’était une grande liesse dans la population. On a défilé : voitures, camions chargés de F.F.I. Il faisait nuit, plus de 10 heures. J’ai fait un laïus. Je me rappelle très bien. Je lui ai dit : « Nous sommes très heureux de libérer la France et de restaurer la République. Votre joie, nous la partageons. Oui, nous aussi, nous sommes très heureux. On va les bouter hors de France. Nous allons repartir au combat. Merci de votre accueil et de votre civisme. Mais je voudrais vous mettre toutefois en garde. Ce n’est pas parce que nous sommes là, que demain vous allez avoir le pain, le lait, la viande à gogo. On nous a laissé la difficulté du ravitaillement avec les cartes d’alimentation. Alors je compte sur vous parce qu ‘on nous a signalé, qu ‘en partant, les allemands raflaient tous les bidons de lait qui étaient sur le bord des routes. Ils vont donc nous manquer. Je vous demande d’être patients. Faites-nous confiance le plus possible. Tous ceux qui, pour des opinions personnelles se sont mis à la disposition du maréchal Pétain et des allemands, ceux-là auront des comptes à rendre. Alors, s’ils sont croyants, ils peuvent commencer leurs confessions, car nous, nous allons les punir. Mais ceux qui n’ont rien sur la conscience, ne risque rien. Vive la République ! ».
Dans les jours qui ont suivi le départ des allemands, il y a eu des arrestations. A ma connaissance, c’est la première ville libérée qui a eu son tribunal officiel. Ainsi, dès le lendemain de la libération, mon premier boulot a été de mettre sur pied un tribunal avec des gens de métiers. Je l’avais appelé : tribunal de salut public. J’ai nommé Buffèlan, qui était président du tribunal à Castelsarrasin, et dont on m’avait dit le plus grand bien. Il était en fonction sous le régime de Vichy, et on m’a dit : « Tu y es allé un peu fort ! ». Mais on m’avait donné des garanties. Et comme commissaire du gouvernement, Piboul, un colonel d’activé qui avait fait toute sa carrière au tribunal militaire. Tous les accusés sont passés devant le tribunal avec des avocats qui les défendaient. Les miliciens arrêtés ont été interrogés en présence de leurs avocats. Je suis resté en dehors de toute action de justice. Une fois le jugement prononcé, ceux qui étaient condamnés à mort, étaient fusillés dans les six heures. Les premières arrestations ont eu lieu immédiatement. Il y avait surtout des miliciens. Car nous avions la liste des miliciens qui avaient la carte de la gestapo. Mais il y avait d’autres personnes qui étaient dénoncées pour des motifs divers. En général, sans suite.
Tiens, il faut que je vous raconte. Deux ou trois jours après la libération, je vois arriver dans mon bureau Léon Féral, qui était tailleur place Nationale. Il était libre-penseur. Il s’occupait aussi avec mon père des œuvres laïques. Il a été longtemps conseiller municipal. Je ne sais pas s’il était socialiste. Sa fille, France, était institutrice. Il vient me voir et me dit : « Il faut que tu fasses arrêter M. Bouisset, le conservateur du musée Ingres, un collaborateur, et que tu nommes ma fille à sa place ». J’ai refusé, en lui disant de m’en apporter la preuve.
Dès le lendemain de la libération de Montauban, Ravanel m’a envoyé un message : « J’aimerai bien que tu viennes. Je suis emmerdé parce que je n’ai pas assez d’effectif Viens avec le plus de monde possible ». Parti vers 14 heures je suis passé avec 300 hommes par Fronton pour bien nettoyer tout le secteur. J’ai pris position à l’entrée de Toulouse à la Réserve des Seigneurs, un hôtel-restaurant réputé qui était entouré d’un parc. Ravanel m’a demandé d’aller soulager le Tarn qui flanchait un peu. Je suis parti avec tous mes hommes sur Albi. On a fait des barricades sur le pont et sur le Tarn.
Deux jours après, je vois arriver Andrieu. Celui-ci avait installé le deuxième bureau dans les locaux de la Légion française des Combattants à l’étage d’un immeuble entre le café de l’Europe et la subdivision militaire, place du Maréchal Pétain à l’époque. « Faut que tu viennes, faut que tu viennes, les communistes ont foutu tout le monde dehors. Il n’y a plus personne. Ils disent que tu as trahi. C’est pas possible que tu nous laisses. Ils ont renversé tout ce qu’on avait fait. Si tu n’es pas communiste, tu n ‘as pas le droit de parler. Ils ont fait Serres, président du Comité départemental de Libération ». J’ai laissé le commandement à Albi et je suis revenu à Montauban. C’était vrai. Les communistes avaient pris le pouvoir. Ils étaient partout. Alors j’ai mis les pieds dans le plat. Je leur ai dit : « Ecoutez, je vous connais tous. Vous étiez tous sous mes ordres ». Il s’est reproduit ce que cinq à six mois avant, on m’avait fait à Paris. Ils prétendaient que je les avais trahis. C’était le même cérémonial.
En effet, à partir du débarquement le 6 juin 1944, les communistes se sont infiltrés partout. Juste après la libération, ils avaient chapeauté tout le monde. A l’état major je m’étais entouré de types sûrs comme Andrieu René (pseudo : Didier) qui était à la Trésorerie générale, Michel Dauffer (pseudo : Darmois) militaire au 3ème hussards, Pierre Pruet (pseudo : Maison) qui était instituteur à l’école de Villebourbon, membre de Libérer et Fédérer, Jean Daran (pseudo : Danton) de mouvance radicale-socialiste, Marcel Marcus (pseudo : Firmin) ingénieur sorti de Centrale. C’est ce dernier qui, deux jours après la libération, m’a demandé : « Tu veux continuer ou tu veux arrêter ? » ; lui ayant répondu : « de préféré continuer », il m’a rétorqué : «Tu es trop confiant. Il faut que tu saches qu’ils passent tous communistes ». Ça a bien été comme ça. A la région, Vernan rallie le parti communiste. Ravanel qui était polytechnicien marchait avec le parti communiste. Mais je ne m’en doutais pas.
Ils n’ont pas essayé de me convertir, non, mais de me descendre. Ainsi il y a eu une tentative d’attentat quatre ou cinq jours après la libération près de chez moi. A 4 heures du matin je quitte mon bureau. J’avais renvoyé mon chauffeur qui dormait. On est resté deux ou trois à travailler. Ils m’ont raccompagné jusqu’à l’angle de l’avenue Gambetta et du boulevard Alsace-Loraine. Les ayant quittés, seul, je rentre à pied. Les types étaient en embuscade au carrefour. Soudain, une rafale. Je me précipitais chez moi. Ma femme (que j’avais envoyé chercher l’avant-veille dans le Lot et Garonne) se lève. Je lui crie : « Eteignez ! Eteignez ! Ne bougez pas ». Je coupe le compteur. Je monte sur le toit avec une mitraillette. J’ai vu des ombres et j’ai tiré. Le lendemain, on me fait le compte rendu d’un accrochage dans la nuit avec des miliciens sur le boulevard et qu’un gars avait été blessé. Alors, je suis allé à l’hôpital. J’ai vu le blessé, touché à l’épaule. Je lui ai dit : « Alors, qu’est ce qui t’arrive ? ». « Il y a un milicien qui m’a tiré dessus depuis les toits ». J’ai souri en lui conseillant : « Il ne faut pas faire d’imprudence comme ça ». Le soir même, je savais que c’était un membre des F.T.P.
Ma vie devenait aussi dangereuse après la libération qu’avant la libération. D’ailleurs, j’avais mis Olivet sur cette affaire en le détachant comme lieutenant au bataillon Louis Sabatié qui stationnait au Lycée Michelet après la libération de Montauban. Ce dernier était à l’état major de Cabarroques, chef de secteur nord-est, à Caussade. Le 4 septembre 1944, Louis Olivet (pseudo : Oscar) est d’abord muté à l’état major F.F.I. à l’Hôtel du Midi. Puis il lui est demandé de prendre un commandement au bataillon Louis Sabatié avec le grade de lieutenant. Il prend la tête de la lère Compagnie. Le bataillon était commandé par le commandant Sylvere. Il était constitué de trois compagnies et d’un état major avec entre autres Arlé, Marcon, Vignoboul….
Ce noyautage communiste, efficace dans le Lot, avait vu une tentative identique en Tarn et Garonne. Depuis fin 1943, près de Saint-Antonin, existait un petit groupe F.T.P composé essentiellement de réfractaires au S.T.O., dirigé par des membres du parti communiste : d’abord Lucien Naulet, puis Georges Estival et Pierre Couchet. Après le débarquement du 6 juin 1944, Charles Tillon, chef national des F.T.P. envoie Robert Pelissier (pseudo : Ricou), technicien aux ponts et chaussées réorganiser les maquis FT.P dans le département, et surtout négocier avec l’A.S. la fusion dans les FFI. Le 5 juillet 1944, tous les représentants des M.U.R et les cadres FTP sont réunis sur les bords de la Lère, au château de Lastours. La fusion y est décidée. Létat major FFI. départemental est alors constitué avec Ricou nommé au 3ème et 4ème bureaux.
Mais revenons à l’après libération. Quand le Comité départemental de libération a été installé le 24 août, tout s’est calmé. Le nouveau préfet Auguste Rouanet a pris alors les rênes de l’administration.
Au soir du 24 août, toutes les compagnies A.S. défilent dans les avenues de Montauban, dans un grand enthousiasme et une liesse générale. Toute la population est dans la rue. Précédant le défilé, le colonel Langeron et moi avons pris place dans un véhicule découvert : arrivée triomphale qui déchaîne les vivas. Le colonel Langeron m’a alors dit de répondre seul aux acclamations, me déclarant : « Tu l’a bien mérité ! ».
On m’a, les jours suivants, demandé de m’occuper de l’école des cadres au château de Lespinet à Toulouse qui avait été réquisitionné. On y préparait des jeunes des maquis comme cadres subalternes pour continuer le combat avec la première armée. Quand on est arrivé dans ce château il y avait une très belle bibliothèque. Quand on en est reparti quelques semaines plus tard, il n’y avait plus rien. Tout avait été pillé.
J’avais alors en cette fin août 1944 deux solutions. Cassou m’avait fait nommer à la préfecture comme secrétaire général. Mais mes capacités ne me permettaient pas d’avoir une telle situation. Par contre dans l’armée, je me débrouillerai toujours. J’ai dit à Allamelle : « Je ne me vois pas en train de me planquer ». Et bien que tous me disent : « Mais, restes. Ne t’en va pas ». J’ai demandé à être affecté à la Direction régionale F.F.I. à Toulouse le 15 septembre 1944. Après un stage à l’école des cadres de Castres, le 15 janvier 1945, j’ai été versé au 3ème Régiment de tirailleurs algériens de la lère armée, avec le grade de lieutenant-colonel F.F.I. J’y ai fait la campagne des Vosges et celle d’Alsace. J’ai été le premier officier supérieur à traverser le Rhin à Mannheim. Puis nous avons coupé par la Forêt Noire jusqu’à Tubingen. Le 1er juin 1945 j’ai été promu au grade de chef de bataillon d’activé. J’ai été démobilisé le 1er octobre 1945 par l’organe démobilisateur de la 5ème Région militaire de Toulouse. Le 10 septembre 1945, j’ai été fait chevalier de la légion d’honneur avec la citation suivante : « Résistant de la première heure, chef régional de l’A.S., à Toulouse en 1943, prit sur sa demande le commandement des FFI de Tarn et Garonne en 1944 pour participer à la tête de ses troupes au combat de la libération. Officier d’un sentiment patriotique au dessus de toute éloge et d’un désintéressement absolu, s’est consacré entièrement à la lutte contre l’ennemi pendant 4 ans pour la satisfaction de son seul idéal ».
Sur le plan politique, avant la guerre j’étais radical. Au parti radical nous étions un groupe de cinq amis très unis : il y avait Mendès, Jean Zay, Pierre Cot, Manaberra. J’ai eu des amitiés solides. J’ai été gaulliste jusqu’au 20 août 1944. Car ce qui m’a profondément choqué, c’est quand on a appris que De Gaulle avait reçu la visite du Comte de Paris à Londres. J’ai fait alors voter une motion par les M.U..R, demandant de bien vouloir se renseigner si on allait vers la restauration de la République ou la désignation et l’intronisation du Comte de Paris. Politiquement parlant, j’ai alors été sur le reculoir. Et j’ai refusé d’être compagnon de la libération.
Lorsque j’ai été arrêté le 20 juin 1940 pour propos séditieux, je ne savais pas qu’il y avait un officier de l’armée française qui était à Londres, qui avait pris la tête de la Résistance. Moi, j’ai été, tout de suite, résistant politique, laïc et républicain.
Après la guerre, je suis devenu gaulliste. Toutefois, je n’ai pas adhéré au R.P.F Mes affinités me portent alors vers le front travailliste, véritable aile gauche du gaullisme, qui regroupe aussi bien des radicaux que des socialistes. Gaulliste de gauche, cela n’a rien de surprenant. Le général De Gaulle présente une politique sociale très orientée à gauche. Ainsi j’ai été responsable du Front travailliste pour la région toulousaine, et membre du conseil national.
Démobilisé le 1er octobre 1945, je suis pressenti pour prendre en main la direction du journal : « La République du Sud-Ouest » qui parait sur les presses de la défunte Dépêche, rue Bayard. Mais, très vite, sous les coups de boutoir de Jean Baylet, revenu du camp de concentration de Neuengame, la dépêche retrouve ses locaux et exit la république du Sud-Ouest. Je l’ai ainsi dirigé une dizaine de mois. Ce fût une expérience.
Je me lance alors, par suite d’une opportunité, dans le secteur privé, comme chef d’entreprise dans les produits laitiers. J’installe notamment un laboratoire de conditionnement de beurre à Toulouse. J’obtiens le monopole pour tout le Sud Ouest de la représentation des caves de Roquefort. J’exerce cette activité pendant une vingtaine d’années avant de me retirer.
En 1967, alors que je suis membre du bureau national de la Confédération des Combattants volontaires de la Résistance, j’ai été invité par son président, le général Ginas, à relancer un mouvement à l’échelon départemental. C’est alors qu’avec mes amis, nous avons découvert que l’Union départementale des C.V.R., présidée par Cabarroques, se réclamait de la Confédération nationale. Les statuts déposés par l’Union Départementale à la préfecture définissaient « la formation entre les titulaires de la carte de C.V.R., d’une union départementale des C.V.R. de Tarn et Garonne affiliée à la Confédération nationale de Paris. Le but de l’Union est de grouper en dehors de toute obédience politique ou confessionnelle, les titulaires de la carte de C.V.R., qui veulent prolonger l’esprit de la Résistance, défendre son action, exalter son rôle, rappeler ses sacrifices, assurer sa représentation officielle ».
LUnion départementale C.V.R. 82 avait été constituée lors de deux assemblées générales tenues les 23 juin 1954 et 8 avril 1956 : Guiral était président de séance et Louis Olivet, secrétaire général.
Or, en 1967, le général Ginas écrit au président de 1’Union départementale, exprimant sa surprise. Je cite : « En effet, c’est la première fois que vous manifestez votre existence à l’égard de la Confédération nationale des C.V.R., à laquelle vous n’avez plus donné signe de vie depuis i960. En dehors de trente timbres-cotisations, réglés le 7 avril 1959, aucune cotisation n ‘a depuis été versée. Une lettre de rappel du 30 mai 1961 est d’ailleurs restée sans réponse ».
Que s’était-il passé ? En mai 1958, le général De Gaulle revient au pouvoir à la faveur des événements d’Algérie : la Confédération nationale des C.V.R. appuie alors sa démarche. Ce ne fut pas du goût de l’Union départementale C.V.R. de Tarn et Garonne, qui, dès lors, entra en quelque sorte en dissidence.
Un effort de médiation a été déployé, sous l’égide de l’Onac, pour réaliser l’union de tous les C.V.R. J’y fus porté président. Demeurant toutefois favorable à l’essor de tous les C.V.R., notre section a été dissoute en 1971, quand, tous, nous avons décidé de regrouper au sein d’un même mouvement apolitique où toutes les tendances, toutes les opinions seraient respectées, tous les titulaires de la carte verte.
Noël Duplan a été fait commandeur de la légion d’Honneur le 30 octobre 2002. Il avait alors 90 ans. Il est décédé à Toulouse le 21 mai 2003.