Pages 103-109 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »

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Plastiquage d’un rail à un joint. Un point fermé applique un pain de plastique.
Le cordon Beefort court dans l’entrevoie attendant d’être allumé.
Une mitraillette «Stem» avec son chargeur est bien visible à portée de la main.

Plasticage des voies ferrées

Pour endommager et empêcher les trains de circuler l’utilisation d’un explosif nouveau à la consistance plastique a été appelé « plastic ». Il est d’une banalisation surprenante pour couper une voie ferrée, détruire une passerelle ou un ponceau.
Usage de la dynamite

Le stock de dynamite possédé, presque exclusivement dans les carrières, est minime par rapport aux besoins. Les bâtons groupés en paquets ont surtout été utilisés, tout au début de 1942, pour sectionner les pylônes de haute tension ou des pylônes supportant les caténaires de la voie de chemin de fer récemment électrifiée, en novembre 1943. Un autre explosif plus facile d’utilisation, « le plastic », sera employé plus tard, dès la réception des containers des premiers parachutages du début de l’année 1944.
Le plastic un explosif extraordinaire

Un pain de « plastic » est vite appliqué et adhère bien sur le flanc d’un rail avec, enfoncé à l’intérieur, au moment de la mise à feu, un détonateur. C’est un petit crayon de cinq centimètres de long environ, relié à un cordon imprégné de poudre. L allumette spéciale dite « torche », s’allume bien et ne s’éteint pas facilement. Elle met le feu à la mèche qui fuse en crachant de fines étincelles. Par l’explosion, le rail est déchiré, sur une trentaine de centimètres.

Ce pain de « plastic » a la couleur, la forme et la consistance d’un pain de mastic de vitrier. Cette plasticité est une qualité non seulement importante mais essentielle pour l’appliquer parfaitement. Il a en outre la possibilité, non seulement d’être modelé, mais aussi pétri, sectionné, augmenté en masse par ajout d’un ou plusieurs pains. Il peut tomber, être lancé, sans jamais exploser. Il est nécessaire d’y introduire un détonateur.

Son pouvoir explosif est dû au fait que sa matière spongieuse absorbe un produit détonnant.

Plusieurs types sont utilisés : soit du penthrite, soit de l’hexogène ou cyclonite, leur nom provient de leur formule chimique. Ce sont tous des produits nitrés dérivés de la nitroglycérine ou du trinitrotoluène vulgairement appelé « tolite » plus connu sous le sigle : T.N.T. Les parachutages ont, dans des containers, amené en plus des armes et des munitions, de l’argent et ce fameux « plastic » qui permettra, bien utilisé, de couper les voies de communication.

Destruction des rails.

De nombreuses opérations ont été menées. Couper la voie par la pose d’un pain de « plastic » est très vite fait. Un rail déchiré est, sur l’ordre de l’armée allemande et souvent sous le contrôle de la FeldGendarmerie, scié dans la journée avec une scie à métaux spéciale. Seul le champignon du rail, la partie roulante, durcie par cémentation résiste à la morsure des dents de la scie sur trois millimètres d’épaisseur. Ensuite, la coupure se fait plus rapidement. Les ouvriers des chemins de fer chargés des voies mettent, sans zèle, 24 à 36 heures, pour rétablir la circulation. Les dents des scies spéciales s’usent vite. Leur nombre est limité.

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La résistance du bloc de croisement.

La gare de Borredon a vu souvent les maquisards utiliser le pain « plastic ». Pour passer de la voie paire sur la voie impaire ou l’inverse, il a été installé une voie de passage dite de croisement. En face de chaque lame de rail appelée aiguille, le rail opposé croise le rail de l’autre voie. Un monobloc en acier au manganèse pesant plus d’une tonne pour cinq à six mètres de long, assure le passage. Il a de remarquables qualités de résistance au choc et à l’usure. Il est si dur qu’il ne peut pas être travaillé. On préfère le couler en une seule pièce. Il est donc creux.

Sa destruction couperait la circulation. Il est difficile à remplacer, seuls les stocks nationaux en possèdent. Le plasticage se justifie. Plusieurs actions sont menées. Les pains, plaqués sur la jupe de soutien, ne font que des trous rectangulaires. Par prudence la circulation est limitée à 30 Km/h. Mais elle n’a jamais été interrompue. Le bloc résiste toujours. Sa jupe de dentelle laisse la bande de roulement intacte. Il a été déposé et remplacé à la fin de la guerre.

Plasticage d’une passerelle métallique

La chute du tablier dans le ruisseau.

Le sabotage d’un tablier de passerelle au-dessus d’une route ou d’un ruisseau est un peu plus laborieux, sa réparation aussi. Construite avec quatre poutres métalliques dont le profil est un « i » majuscule de 60 cm de haut environ, la passerelle a une portée de quatre à six mètres. Ces poutres métalliques sont reliées entre elles par des entretoises en fer pour assurer l’écartement et une relative rigidité. La stabilité de l’ensemble doit être parfaite et chacune des poutres repose sur un sommier de plomb. Pour couper une voie c’est facile. Plusieurs charges de « plastic » à un mètre de l’extrémité de chaque poutre déchire les poutrelles. Le plus souvent le tablier se retrouve couché sur la route ou à demi noyé dans le ruisseau, les voies sont suspendues au-dessus du vide.

Sous la pression de l’Armée allemande la voie est rétablie rapidement. Les rails déchirés dans les précédents sabotages sont sciés à la longueur de la poutrelle du tablier détruit. Par trois, ils sont posés à plat sur le sommier en plomb ; les deux autres sont renversés dans l’intervalle. Une poutrelle provisoire est ainsi mise en place. Il en est de même pour les trois autres. Un lit de traverses désaffectées est disposé sur ces poutrelles provisoires jusqu’à obtenir la hauteur désirée pour reposer les traverses qui supportent les rails. La voie est ainsi rétablie; le temps de la coupure ne dépasse pas trois jours.
Le tablier déchiré.

Devant la relative facilité de la remise en circulation des trains, la Résistance va mettre au point une technique qui va couper définitivement la voie. La remontée des troupes allemandes pour gagner le front du débarquement ne se fera plus par voie ferrée.

Sur chaque poutrelle, I.PN. de 60 cm., la charge de plastic est placée sur le quart inférieur et sur une partie verticale seulement. Leffet sur les quatre poutrelles, mais seulement d’un seul côté, à environ un mètre et demi du mur, a été spectaculaire. Les poutrelles déchirées du tablier ont fléchi d’environ 30 cm, mais sont restées assises, sur l’angle des sommiers. La voie est restée suspendue aux quatre vents de l’été. Lensemble ne peut être déposé. Seule, la grue de 100 tonnes du dépôt de Brive est capable de l’enlever. Mais elle n’arrivera que bien après la Libération. L’armée allemande restante ne part que par ses propres moyens, la route.

CONCLUSION.

Ce n’est que bien après la Libération que l’artificier sera connu. Il a, à son actif notamment, l’effondrement de la voûte du viaduc de Septfonds près de Cahors, sur la Nationale 20, qui fût coupée par un impressionnant tas de pierres. Les clés de voûte sont restées intactes : un travail de spécialiste !

L’homme, un officier d’artillerie de l’Armée Républicaine Espagnole, sera tué le 16 août 1944 devant le pont du chemin de fer franchissant la Barguelonne à Lamagistère.

C’était un « Homme de l’Art ».

Disons à « Mosquito », un demi-siècle après :

–    « Gracias Mosquito ! » ( * )

–    « Adios, adios amigo ! »

–    « Repose en paix dans ce petit cimetière de Montcuq ! »

–    « Ton chemin fût celui de la Liberté et de l’Honneur ! ».

( * ) Emmanuel SALVADOR alias   »   Mosquito  »   (nom de guerre ).

Pose des pains de plastique :

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I° -chute du tablier

Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage107-2Chute de la passerelle sur la route
(Dessin & photo de Albouy Jean)

Le Vichy – Toulouse déraille à Borredon

Le vent de novembre souffle dans les arbres, le froid de l’hiver. Ce soir là, le 10 novembre 1943, le sémaphore protège du courant d’air provoqué par le passage d’un train au ras du quai. La gare de Borredon, depuis 21 heures est mise hors circuit de la signalisation des trains. Le feu du sémaphore, à vingt mètres du quai, est au vert fixe toute la nuit. Toutes les lampes d’éclairage des trains de voyageurs sont bleuies par décision de la Protection Civile.

Ce dimanche là, le vent transporte le bruit du 1021, le Vichy – Toulouse dévalant de Montpezat à 80 Km/h. La motrice électrique, une 2 D 2 de Brive passe suivie des wagons métalliques, dans la formation habituelle : Trois wagons de 3ème classes, en tête et en queue du train, une voiture de 1er classe, encadrée par deux voitures de 2ème classe.

Tout à coup, au niveau d’un passage piétons pour gagner le quai opposé, fait de traverses réformées, un bruit sec retentit, suivi d’un choc sourd. Des étincelles jaillissent dans tous les sens au niveau du croisement de la diagonale du passage des voies impaires à paires. Une volée de cailloux du ballast projetés dans tous les sens, accompagne ce bruit. Dans la pénombre, on distingue le passage à gauche d’un wagon suivi d’étincelles. Le fourgon de queue est là, devant le bâtiment voyageur. Le 1021 vient de dérailler.

Le Régulateur de Brive est informé, il croît à une blague, mais devant le sérieux des explications téléphoniques, de la précision de 1’heure du déraillement : 22 h 12, la gare et le régulateur échangent le numéro de la dépêche sur leur registre respectif Ils alertent la gare de Caussade pour retenir le train 1026 : Toulouse-Paris.

Le wagon de 1er est en travers des voies, déplaçant dans son mouvement la voie paire. Son boggie est enterré dans l’entre-voie, et son ventre sur les rails et le ballast. Il en est de même pour l’autre boggie, entre la voie impaire et les voies de garage. Dans son mouvement, il a entraîné les deux wagons de 2ème classe qui l’encadrent. Ils sont maintenant, non plus à la suite, mais côte à côte. La tête du train est intacte. Bilan : trois wagons sont en travers, la voie paire bousculée sur sa gauche. Les dégâts matériels sont importants. Les voies sont fortement endommagées.

Le train est presque vide. La seule voyageuse et ses deux enfants sont transbordés, dans un autre wagon. Le chef de gare, réveillé, s’enquiert de la situation et vérifie lanterne à la main, si aucun voyageur n’est resté dans la queue de la rame.

Le train pour Paris, retenu un bon moment à la gare de Caussade revient à Montauban. La queue de celui qui a déraillé part vers Cahors grâce à une machine de secours venue du dépôt. Le train de secours vient de Brive. il arrivera vers trois heures du matin, avec sa grue pouvant soulever 100 tonnes. Au petit matin, les voitures de 2ème classe sont sur une voie de garage. La grue soulève le wagon de 40 tonnes et le pose sur un sommier de traverses placées sur des lorrys. Il est refoulé vers les autres wagons. Le boggie enterré est arraché du sol et posé délicatement sur un wagon plat ; il en de même pour le deuxième boggie. Il seront examinés par les services techniques pour connaître la cause du déraillement. Les voies sont remises en état mais la prudence impose un ralentissement à 30 km/h.

Le monde cheminot a compris que ce wagon de 1° classe venant de Vichy, a eu la tête de l’essieu sabotée. L’on ne saura qu’après la Libération que les services spécialisés dans l’entretien des rames, ont utilisé ici et ailleurs, en guise d’huile minérale pour les étoupes des boites à essieux, de l’acide sulfurique. Ce dernier produit à 40° Baumé, est presque au même indice de viscosité que celui de l’huile minérale habituellement utilisée. Cependant, il a un petit inconvénient, il est fumant, d’où la nécessité d’une très grande prudence, comme d’ailleurs pour l’exécution de tout sabotage.
Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage109-1Tracteur électrique 1500V type 2 D2. Dépôt de Brive tirant dès novembre 1943
les trains express entre Toulouse et Limoges & Paris
(Photo de Albouy Jean)

Tome3-Memoire-heurs-et-malheursPage109-2Les voies à la gare de Borredon en 2000
(Photo de Albouy Jean)
La Gare de Borredon ouverte en 1885 a été désaffectée à tous services avant 2000
L’électrification de la ligne date du 11 novembre 1942

 

La gare de Boredon
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