Page 67-91 du Livre « Avant que Mémoire ne Meure »
Du maquis M.P.4 d’Arnaud au corps franc Dumas
Le drame de Cabertat du 20 juin 1944
A partir de mai 1943, le maquis d’Arnaud est localisé à la ferme de Trégan, au sud de Montricoux.
Les effectifs varient peu jusqu’en avril 1944. Ainsi, d’après la liste nominative établie pour la deuxième quinzaine de mars 1944, on compte 26 maquisards, dont le plus âgé est de la classe 29 : le Docteur Georges GHERSENZON, dit PASSE-PARTOUT, et le plus jeune n’a pas encore dix huit ans. On y relève déjà la présence de Louis LASBAREILLES, dit PET-SEC, José CASSAN, dit le BOLCHEVICK, Emile BALTHAZARD, dit BOUM. Toutes les professions y sont représentées : un médecin, un dentiste, un préparateur en pharmacie, un infirmier, un clerc de notaire, un étudiant, un typographe, trois employés, un opérateur radio, un maçon, un manoeuvre, un charpentier, un peintre en bâtiment, un pâtissier, deux bouchers, trois cultivateurs, quatre mécaniciens. La plupart sont célibataires : seuls deux d’entre eux sont mariés. Deux viennent des chantiers de jeunesse où ils ont effectué les huit mois obligatoires. Un autre à fait la guerre d’espagne. Bien sûr, les départements d’origine de ces 26 maquisards sont en premier le Tarn-et-Garonne, puis les départements voisins où peu éloignés comme la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées, la Dordogne, l’Aude. On note cependant la présence d’un jeune de Clamart dans la Seine.
Ce maquis est faiblement armé. Ainsi après le premier parachutage d’Ornano en février 1944, il reçoit 11 armes : 6 mitraillettes, 4 mousquetons, 1 pistolet. Les munitions de mitraillettes par hommes sont d’environ 250 balles. L’approvisionnement en 7,5 par F.M. est de 450 balles. Les responsables explosifs sont : PET-SEC et GAVROCHE pour le premier groupe, BOLCHEVICK et LA CHIQUE pour le deuxième groupe. Le responsable pour le premier jeu de grenades est BOUM, et PASSE-PARTOUT pour le second jeu. L’habillement militaire est très pauvre : pas de pantalons, ni de blousons, ni de chaussures réglementaires, pas de chemises, de pull-overs, de chaussettes ou de capotes. Par contre chaque homme reçoit deux couvertures.
En juin 1944, ce maquis de combat est intégré dans la 6ème Cic A.S. En outre, il servira de base à la formation du Corps Franc Dumas, troupe de choc dénommée aussi : Corps Franc d’Action, que l’on retrouvera présent dans un nombre important de rencontres avec les troupes d’occupation. Le Corps Franc Dumas fut scindé en deux sections : l’une, dans la région de Bruniquel, à Nidauzel, l’autre à Suquet-Coudrière-Bordelle, au nord de Monclar.
Préalablement, le déménagement du M.P.4 d’Arnaud avait présenté quelques problèmes. En effet, mal installé et mal protégé, il est prévu que ce transfert sera effectif le 28 mars 1944 à 2\ Une correspondance de Camille à Amaury quelques jours avant montre les difficultés rencontrées.
Ainsi le déménagement du maquis s’effectue à la date fixée. Direction : Verlhac, via Monclar. Point de chute : la Mairie. Le matériel, le ravitaillement et une partie des armes sont transportés par camion sur Monclar vers 21h le même jour. Les fermes trouvées par Denis seront utilisées par Jacques. Les instructions données par Camille concernent :
1 ° – La dispersion dans les fermes dans un secteur comprenant une ou plusieurs communes limitrophes.
2° – Le maintien d’un PC. comprenant : le chef du maquis – les chefs de groupe – un agent de liaison.
3° – Pourvoir tous les hommes d’une C.I. et d’une carte d’alimentation. Indiquer la date de naissance et la profession afin que les deux cartes concordent.
Correspondance de Camille à Amaury
4° – La prospection dans les campagnes avec l’aide des paysans, afin de rechercher des fermes susceptibles d’héberger des jeunes.
5° – Les jeunes percevant leur ravitaillement en nature (sucre…) au maquis, remettront leur carte d’alimentation aux cultivateurs. Ces derniers pourront toucher une indemnité de 25F par jour et par homme. Il est bien entendu que les jeunes pourront être retirés aux cultivateurs à tout moment.
Un ravitaillement important est prévu sur Puygaillard chez :
– Bayle (carottes – demi-barrique de vin – 50 kg haricots)
– Rivière (100 kg pois – 500 kg pommes de terre – riz)
– Jeannet (pantalons – pull-overs – galoches)
Ainsi, la Résistance s’organise secrètement, ardemment, farouchement. Dans le canton de Nègrepelisse, un groupe se forme à partir d’avril 1943. Sous la direction de Noël Duplan (NIL), le Capitaine Delplanque (DUMAS) prend le commandement de ce groupe.
Lorrain d’origine, Gaston Delplanque, prisonnier évadé, s’était réfugié avec sa famille à Nègrepelisse. Pour assurer aux siens le pain quotidien, il travaillait à la briqueterie du Bugarel. Autour de lui, se groupèrent des hommes au cœur solide et au caractère décidé.
Le premier d’entre eux fut Wilfrid Ricard (Rivière), assisté de son frère Germain et de sa femme Maria.
Rouergats authentiques, rudes, généreux, vaillants, les Ricard s’étaient installés en 1936 aux « Ombrails », centre de gravité du triangle Nègrepelisse – Vaissac – Montricoux. pour remettre en valeur un domaine à l’abandon. Patriotes comme des paysans attachés à la glèbe, ils se lient à la Résistance, et les « Ombrails » deviennent vite le lieu de rendez vous où se rencontrent les résistants de la région. Le jour comme la nuit, cette demeure hospitalière reste ouverte à tous ceux qui luttent. Mieux, l’action clandestine s’y organise et dans la nuit du 19 au 20 août 1943 a lieu le premier parachutage effectué en Tarn-et-Garonne, larguant 7 containers d’armes.
Auprès de Delplanque, un groupe de patriotes allait, au cours des mois qui suivirent, effectuer un travail titanesque (liaisons, boîte aux lettres, transport de réfractaires au S.T.O.. camouflage de juifs). Il faut citer : Caperan Georges (Saint Biaise), Taché Jean (Brisefer), Rey Henri (Raymond), Aujaleu Pierre (Gervais), Niedercorn Roger (Zanzibar), Frapperie Claude (Flambeur), Balthazard Emile (Boum), Jacquot Raoul (Raoul), Puygauthier Gilbert (Fracasse), Daugé Maurice ( Rigoulot).
Le P.C. du chef Dumas est d’abord établi à la ferme Ricard. Le recrutement des réfractaires au S.T.O. s’intensifie. Le premier de ces réfractaires est Lasbareilles Louis, dit Pet Sec. Ces jeunes gens sont dirigés sur les fermes avoisinantes où ils se camouflent. Ils travailleront à l’aménagement du camp et à l’instruction militaire.
Cette activité est menée sans la moindre interruption jusqu’en avril 1944.
A ce moment, à la suite d’un parachutage, le maquis Ornano est attaqué par les forces allemandes dans la forêt de la Garrigue, près de Penne. Ce maquis est dispersé et le regroupement s’opère dans la région de Puygaillard sous la direction du chef Camille.
La méfiance de l’occupant est éveillée et les maquis sont l’objet d’une surveillance accrue.
Le 18 avril 1944, Maurice Daugé (Rigoulot) récupère Jacquot Georges (Marsouin), Henri Verdier (Banane), Lucien Lejeune (Tutu), qui venaient des maquis du Lot. Par la suite, les rejoignirent avant le 6 juin : Robert Saintignan (Tarzan), André Bauer (Pépé), Pierre Giusti (Gim), Angélo Fofano (Mistinguet), André Jouanny (Lagoupille). Plus tard : Vrobel (Bob), Marcel Loupiac (Cuistot), Jean Marchand (Lafouine), Maurice Gomez (Lafleur), Dominique Ferrero (Miquet)
Les Ombrails
Ici dans la ferme de la Famille RICARD
la nuit du 19-8-1943 eut lieu le 1er parachutage d’armes pour la Résistance de Tarn-et-Garonne
Le 8 mai 1944, le commandant Nil, chef départemental des F.F.I., donne ordre de rassembler les hommes et de former les Corps francs. Le chef Dumas nommé chef des Corps francs, passe le commandement de la 64me compagnie à Jean TACHÉ.
Convocation est adressée immédiatement à tous les membres et l’unité est formée, composée de groupes de 6 à 8 hommes, dispersés dans le maquis. Ordre est donné de ne plus loger chez l’habitant qui est vite dépisté par les sbires de la Gestapo.
Jean TACHÉ (relaté par L. ETIENNE) déclare :
« Le problème crucial à cette époque, pratiquement insoluble pour nous, était le problème des armes. J’avais 54 gars et seulement 15 armes : 3 armes automatiques, quelques mousquetons avec 5 balles pour chacun, quelques mitraillettes Sten, des fusils de chasse. Plus tard, j’ai récupéré un fusil italien qui était venue de Libye avec 300 cartouches.
Le premier parachutage en Tarn-et-Garonne avait été pour nous dans la nuit du 19 au 20 août, aux Ombrails, chez les RICARD, avec 7 containers. D’autres avions passèrent, mais ne purent larguer leur contenu. Des armes nous ont été données aussi par les copains d’Ornano. De même, DUFER, le consul de Belgique, nous a transmis du matériel pris aux Allemands au camp de Septfonds.
Pour ce qui est du ravitaillement, la nourriture et le matériel venaient de Toulouse, des « magasins généraux ». J’avais truqué la comptabilité de mon magasin pour y inclure le maquis. Il y avait aussi des réquisitions dans les fermes contre des bons qui furent honorés par la suite.
En juin 1944, j’étais allé à Toulouse avec Duplan chercher notre part de l’argent d’un parachutage fait en Haute-Garonne : un million en billets de 10 francs. C’était enveloppé dans du papier de journal avec des ficelles… Je me demande encore comment j’ai pu passer à Matabiau et à Villebourbon avec des Allemands partout. »
Fin mai, le débarquement est proche. Ordre est donné aux groupes de rejoindre la forêt de Vaïssac où des abris rudimentaires ont été construits. Le camp est tout d’abord fortifié puissamment, aménagé pour permettre de vivre par tous les temps en cet endroit. L’instruction militaire s’y poursuit également : il est nécessaire que les hommes soient prêts pour le combat. C’est le village des maquisards : personne ne peut entrer sans le mot de passe.
Le groupe Fantôme (Daugé, Jacquot) est le fer de lance du Corps Franc Dumas, le joyau du maquis de Cabertat. Il est secondé par le groupe Bolchevick, le groupe Fracasse, le groupe Boum, le groupe Pet Sec.
Le 6 juin 1944, débarquement des forces alliées sur le sol français. La radio de Londres prescrit de passer à l’action.
Le commandant Nil qui a son P.C. chez Ricard, donne l’ordre de procéder à l’exécution du plan vert (destruction des voies ferrées et entretien des coupures). Ce même soir, le capitaine Dumas, noblesse oblige, veut avoir l’honneur de commencer cette mission, accompagné de Balthazard Emile et de Puygauthier. Ce sont les lignes vers Paris et vers Bordeaux, ainsi que vers Lexos, qui, sans arrêt, vont subir des coupures, entravant ainsi la marche des convois ennemis. Les lignes haute tension sont détruites. Tout est mis en œuvre pour affaiblir la puissance de l’ennemi. Les parachutages apportent les armes nécessaires.
Le 9 juin, le groupe Fantôme procédait sur Montricoux à la réquisition des véhicules en état de rouler. Trois jours plus tard, la Gestapo arrivait avec la mission de capturer un réfractaire du S.T.O. et un patriote belge, M. Denis, agent actif de la Résistance, qui lui avait été signalé comme un dangereux terroriste. Tous deux réussirent à s’échapper.
Vers le 15 juin, le chef régional de la milice Dartenset et le chef départemental Renard sont interceptés lors d’un trajet d’inspection dans le département, après indication de leur chauffeur. Tous deux sont amenés à Cabertat où ils sont immédiatement jugés en la ferme de Panégro par un tribunal présidé par Nil, avec Delplanque comme assesseur. Condamnés à mort, ils sont exécutés le soir même, leurs corps enterrés sur place. Renard a donné auparavant la liste de tous les membres de la milice.
Le 16 juin, Henri Rey est chargé du ravitaillement en pain à Saint-Nauphary. Il est accompagné par Denis Delmas, Angelo Fofano, Emile Soulié, Roger Taché, Jacky Teyssières. Il se souvient de cette nuit dramatique :
« Par suite d’une erreur de parcours, nous nous trouvions à Montauban. Aussi, je décide de prendre la route de Monclar. Tout à coup, avant le Pont-de-Chaume, une troupe allemande forme barrage : lanterne d’avertissement, arrêt. Je tire sur la sentinelle que je manque, mais Roger Taché avec un sang-froid admirable l’atteint. Encerclés, nous essayons de passer en tirant des deux côtés en rafale. L’un de nous est atteint à une cuisse, la camionnette est devenue passoire. Il faut l’abandonner. Je prends le blessé sur les épaules et je fonce dans les broussailles. Au petit jour, je me trouvais à Léojac, avec mon blessé sur le dos. Je frappe à une ferme, tenue par des italiens. Après discussion et menaces : «Gardez-le jusqu’à ce soir, sinon…», je donne les premiers soins à mon camarade et je réintègre rapidement le maquis où les autres arrivèrent très vite. Le soir même, le blessé, récupéré, fut soigné par le Docteur Ghersenzon. Les allemands avaient eu deux tués.»
Mais le camp ne tarda pas à être repéré. La présence de nombreux véhicules et d’une troupe nombreuse (environ 300 hommes) attisa les commentaires. La délation fit le reste. Tous les soirs, en fin d’après-midi, un appareil léger de l’aviation allemande passait à basse altitude au-dessus du campement.
Le 20 juin 1944, un agriculteur de Vaïssac, Moncéré, qui allait porter des légumes à Nègrepelisse, voit arriver, vers 6 h 45, une colonne allemande, faite de camions civils pilotés par des français réquisitionnés, de camions militaires et de chenillettes.
Retournant immédiatement au village, il avertit Crépin Terrassier le forgeron, déjà levé, secrétaire de la mairie, qui s’enfuit aussitôt avec ses deux fils. Arrivés au petit pont situé au dessous du bourg, ils se trouvent sous le feu d’un soldat allemand qui tire à la mitraillette. Les deux fils sautent le mur du pont. Le père, blessé légèrement à la tête, se glisse dans le ruisseau qu’il remonte, ! coupe la route Vaïssac-Monclar un peu plus haut et court vers Cabertat prévenir du danger imminent.
Pendant ce temps le plus jeune des fils Terrassier (16 ans) est fait prisonnier dans le ruisseau où il se cachait.
Aussitôt avisé, vers 8 h 15, Delplanque prend les dispositions pour permettre aux milices patriotiques, non armées, de 250 hommes environ, de se retirer dans les bois environnants pour gagner la Grésigne, via Monclar.
Pendant ce temps les nazis pénètrent dans l’église où l’abbé Cruzel, curé de Vaïssac, (Pierrou, aumônier du maquis), célébrait un office des morts. Ils l’arrêtent, dès la fin de l’office, ainsi que les fidèles présents.
A 9 h 30, l’attaque se produit sur le poste de garde de l’entrée du camp, défendue par le groupe Bolchevick.
Plusieurs tentatives infructueuses de l’ennemi portent leurs efforts sur les bois en direction Nord-Ouest.
Le groupe Fracasse (Puygauthier et Frapperie) est détaché vers la ferme Bussière pour freiner l’action de l’ennemi.
Le groupe Fantôme, plus à l’est, sous les ordres de Marsouin (Jacquot) est à proximité de la ferme Penchenat.
Le groupe Boum (Balthazard) est à Cabertat même.
Le groupe Pet Sec (Lasbareilles) est posté entre l’accès principal du camp et la ferme
Panégro.
Les brigades de gendarmerie du canton de Nègrepelisse, qui ont rejoint le maquis, occupent Panégro, flanquées par le groupe de mitrailleuses commandé par Roger Taché.
Vers 10 heures, chenillettes et lance-flammes ennemis entrent en action.
La position est tenue jusqu’à 10 h 45, malgré la supériorité de l’ennemi, en hommes et en matériel. Celui-ci attaque alors au mortier et commence à incendier les fermes environnantes. Son effectif grossit de nombreux renforts : il est d’environ de 5 à 600 hommes.
Les groupes se replient, sur ordre, par les bois de Genebrières, y entraînant l’ennemi.
Le contact est rompu vers 15 heures, et l’ordre de dislocation est donné.
L’ennemi s’acharne alors sur les fermes et les bois. A 17 h 25, Panégro est en flamme et la famille Penchenat (le père : Adrien, la mère et leur fille Léa) périt dans l’incendie de sa demeure. Les fermes : Cassagnou, Penchenat, Segure, Panégro, Cabosse, Tounielle, sont détruites par le feu.
Le même soir, les groupes du Corps franc, reformés, étaient à nouveau prêts à reprendre le combat.
Les pertes allemandes étaient de 13 morts et plusieurs dizaines de blessés.
Malheureusement, dans la matinée, deux véhicules chargés du ravitaillement du maquis tombaient dans une embuscade, à proximité de Vaïssac, au lieu-dit « Le Pont », sur la route de Revel.
6 hommes dont deux seulement avaient une arme, y avaient pris place : Eloi Teulières. Pierre Nonorgues, Jean Biau, Léon Poux, Louis Puech, Camille Basselier.
Corps Franc Dumas Groupe Fantôme
GIUSTI BOB TARZAN LAFLEUR TUTU MISTINGUETT MARSOUIN PERNOD BANANE
21 juillet 1944
Attaque du maquis de Cabertat par les Allemands le 20 juin 1944
Les Allemands avaient tendu un cable en travers de la route. Craignaient-ils une intervention extérieure ? Apercevant l’obstacle, le chauffeur de la traction-avant du maquis, accéléra, espérant ainsi emporter le cable. Mais celui-ci résista et la traction s’immobilisa, train avant en l’air.
Malgré leur infériorité numérique et leur position inconfortable, les hommes se défendirent bravement. Biau, tirant sur les Allemands au révolver, en tua un. Mais le nombre devait l’emporter. Ils furent faits prisonniers, et Biau violemment frappé à coups de chargeurs.
Torturés par les Allemands et les miliciens, après un martyre de plusieurs heures, ils sont emmenés avec 21 otages, dans les bois de Cabertat. L’abbé Cruzel ne cessa durant le trajet, d’encourager ses compagnons sous les rires et les sarcasmes de l’agresseur. Il avait vainement essayé de leur apporter le secours de son ministère.
A midi, les 6 maquisards sont séparés du groupe et abattus par des rafales de mitraillette à la lisière des bois de Cabertat. Mettant ensuite le feu aux bruyères, l’ennemi essaya de détruire les cadavres horriblement mutilés.
Les 21 rescapés sont relâchés en fin de soirée.
Les dépouilles mortelles furent ramenées le soir à Montricoux. Une foule en larmes attendait les cercueils et s’apprêtait à rendre les honneurs funéraires. Mais la Gestapo avait interdit toute manifestation. Le cœur gros de colère et de douleur, la population vit passer le convoi se dirigeant de l’église vers le cimetière, presque en cachette, comme la nuit tombait.
Le mercredi 28 juin 1944, le chef Dumas, accompagné de quelques maquisards, devait se rendre au service de neuvaine célébré à Puygaillard, à la mémoire des hommes tués à Cabertat. Renseignés, les Allemands organisaient une expédition pour faire le groupe prisonnier. Ainsi une formation allemande et milicienne, d’environ 200 hommes, se rendait à Puygaillard vers 17 heures. En vain. Pénétrant alors dans la mairie, ces derniers s’emparaient du buste de Marianne, puis, sur la place du village, s’entraînaient au tir sur le symbole de la République.
Après l’attaque du 20 juin, les groupes du Corps Franc avaient réoccupé les emplacements précédemment aménagés autour de Cabertat.
Dès le début juillet, ils étaient à nouveau opérationnels.
Pour le 14 juillet 1944, le Préfet, sur l’ordre de Vichy, avaient interdit toute manifestation. La résistance passa outre, l’Etat-Major prescrivant d’organiser défilé et dépôt de gerbe dans les différents cantons du département.
A Nègrepelisse (rapport de SAINT BLAISE : Georges Capéran), dès le 13 juillet, les manifestations prévues pour le lendemain, sont préparées discrètement. Le comité local intime l’ordre aux cantonniers de procéder immédiatement au nettoyage du jardin qui encadre le monument aux morts 1914-1918. La clef de la grille du jardin se trouve à la mairie. Un cantonnier se présente au maire, expose les faits. Ce dernier ne fait aucune objection et remet la clé. Le soir même, le jardin et le monument sont prêts.
A l’aube du 14 juillet 1944, lentement, le soleil émerge ; dans le village, les premiers contrevents s’ouvrent, les portes s’entrebâillent. Quelques habitants profitent de la fraîcheur matinale. Ils observent le ciel. Oh ! Surprise. A l’extrême pointe du clocher, flotte un drapeau tricolore à croix de Lorraine rouge. Quelques minutes après, toute la population (ou presque) est là, qui admire, se réjouit, commente. Quel est celui qui a eu le courage, l’énergie, la volonté de se hisser à la force du poignet, à une si grande hauteur, empruntant pour cela, le seul moyen possible : le cable d’acier du paratonnerre. Au cours de la nuit, le Capitaine Dumas a réalisé cet exploit.
Nos trois couleurs flotteront longtemps, haut dans le ciel, jusqu’à ce que lentement, par la force du temps et des éléments, cet emblème périsse peu à peu, dispersé miette à miette par le vent.
Tout de suite, à chaque fenêtre, flotte un nouveau drapeau. Il y en a de toutes les dimensions, et leurs couleurs, fraîches ou délavées, indiquent leurs âges respectifs. A chaque corsage, à chaque boutonnière, dans les cheveux des filles et des tout-petits, fleurissent les rubans aux trois couleurs et la croix Lorraine.
Le 14 juillet 1944 porte la marque du plus grand des espoirs en la destinée de la Patrie. Dans tous les regards brille, vivace, la flamme orgueilleuse, puissante, sereine, d’une force qui se retrouve et s’affermit. On y lit quelque chose de nouveau et de sûr : hier, aujourd’hui, demain, la France fût, demeure, restera.
Nul n’a besoin de parler : il suffit de se regarder droit dans les yeux pour avoir l’absolue certitude que quelque chose de grand se prépare. Au cours de l’après-midi, l’effervescence grandit : que va-t-il se passer ?
18 h 15 : une clameur monte, grandit, s’enfle. Les voilà ! On ne savait rien, mais on les attendait ; ils ne pouvaient pas ne pas venir. Le rassemblement du C.F.L. et des M.P. est réalisé devant l’usine Bourdarios.
Le cortège est formé, avec, en tête, le drapeau à croix de Lorraine porté par Saint-Biaise. La colonne s’ébranle au pas cadencé scandé par Le Chant du Départ.
Tous les habitants sont massés sur les trottoirs. Les applaudissements saluent la colonne des jeunes gars de France qui entonnent la chanson du Maquis. L’ardeur de la foule est indescriptible, formidable, tant le défilé force à l’admiration et au respect. Des hommes, des femmes, pleurent de joie. L’heure est poignante.
Les uniformes sont divers : qu’importe ! L’armement aussi. A côté de ceux que l’on reconnaît pour des soldats, sont encadrés quelques civils. En fin de colonne, les milices patriotiques en chemisette blanche et culotte courte, très jeunes mais déjà très fiers.
Le cercle est formé autour du monument aux morts. La garde d’honneur présente les armes. Les gerbes sont disposées au pied du monument du souvenir par les autorités civiles et militaires de la Résistance. Une minute de silence est observée par l’assistance à la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour la patrie, pour la France. Le premier couplet de la Marseillaise est chanté avec ferveur, chant sacré, murmuré tout d’abord, puis qui s’enfle et monte glorieux pour finir dans une apothéose.
La cérémonie est terminée. La compagnie se retire au pas cadencé. L’octroi franchi, les sections font halte et la colonne se disloque ; regagnant les camions.
Après ces instants inoubliables, beaucoup laissent paraître une grande émotion. Eclosent alors des impulsions longtemps contenues, élans de reconnaissance, de remerciements, de respect, d’amitié, vers ces jeunes hommes qui retournent vers leur destin tout proche et en qui toute la confiance d’un peuple est placée.
Cela ne fut pas du goût de certains. Les jours qui suivirent furent douloureux.
Le 16 juillet, bon nombre de maquisards étaient venus en permission dans les localités du canton de Nègrepelisse (Bioule, Montricoux en particulier). Leur présence fut signalée à la Gestapo et à la milice. Un rapport de la Feldgendarmerie en date du 18 juillet 1944 signale que le S.D., en l’espèce l’Aussendienststelle de Montauban a été informé, d’une manière confidentielle, qu’un détachement de terroristes se tenait au sud de Bioule. Le 17 juillet 1944, vers 5 heures, une action fut entreprise contre ce groupe avec les S.D., la Feldgendarmerie trupp 994,1’Einsatz kommando n° 7 et la milice, en utilisant 3 camions et une auto-touriste. Cette action demeura sans succès.
Allemands et miliciens se dirigent alors vers les Ombrails, ferme ô combien suspecte ! aux yeux de l’occupant et de ses supports. A cette heure matinale, seule Maria Ricard est présente. Son mari et son beau-frère sont déjà dans les champs. Durant plus de deux heures, elle assiste, impuissante, à la mise à sac de sa demeure sous la menace des mitraillettes et des fusils. Maria est enceinte. Est-ce la raison pour laquelle ils repartent enfin, la laissant au milieu de cette désolation ?
Le S.D. se dirige alors avec le kommando vers Montricoux. Il est 7 h 30. Le village est cerné. Les route son barrées. Des fusils-mitrailleurs sont mis en batterie sur les anciens remparts face à l’Aveyron. Des civils, membres du S.D., munis d’une liste nominative, se rendent dans les maisons qui leur étaient désignées, recherchant les hommes du maquis. Abusés par « les messieurs en civil », les habitants, de bonne foi ou par naïveté, pensaient être soumis à un simple contrôle d’identité. Et pourtant, un milicien, en plaisantant (?) a dit : « A neit fara cald ».
Henri Jouanny travaillait à la vigne, au lieu-dit « La Lisse », en haut de sa maison, sur la route de Saint-Cirq, avec son fils René (14 ans) : « On souffrait la vigne avec une pompe sur le dos » rappelle ce dernier. Ma grand-mère appelle : « Venez. On vous demande ». Mon père me dit : « Continue le travail. Je reviens ». Il part en habits de travail, chapeau de paille, sabots. Deux hommes, en civils l’attendent: « Venez au village. On a un renseignement à vous demander ». J’ai continué à travailler jusqu’au moment où j’ai entendu les coups de feu aux Brunis… Alors j’ai compris.
Hugues Lespinet était au moulin lorsqu’on lui demande de venir à la mairie. « Je finis de déjeuner, j’arrive »; ce qu’il fera pour son malheur.
Les femmes allaient même à la recherche de leurs maris pour ne pas avoir d’histoires.
Léonce Gardes, seul, eut vent de quelque piège. Machinalement, de biais, il regarda la liste et vit son nom. « Léonce Gardes ! dit-il. Vous savez, je suis un réfugié et je ne connais pas tout le monde ». Il se faufila dans le jardin, cherchant ostensiblement de l’herbe pour les lapins et put fuir.
Il y eut 8 arrestations dans le village.
Là-dessus arrive le car de Bruniquel, dans lequel les miliciens arrêtent trois hommes dont l’un, Cournut, est particulièrement maltraité parce que porteur d’un pistolet et de grenades : on lui tordait le nez et les joues comme pour les arracher, on lui tirait les cheveux ; coups de pied, coups de poing, coups de crosse de mousqueton pleuvaient sur son corps endolori. Poussé par la douleur, il s’écrie : « Mais tuez-moi donc ! » « Non ! lui fut-il répondu, tu n’as pas assez souffert. Tu en verras bien d’autres ».
Au total, 13 arrestations: 8 à Montricoux, 3 dans l’autobus, 2 autres avaient été faites à Nègrepelisse: Pierre Bonhomme, Borderies, André Castel, Cournut, Pierre Feullet, Eugène Fournier, André Huguet, André Jouanny, Henri Jouanny, Hugues Lespinet, Lucien Lespinet, Mazard, Michel Mélamed.
Les malheureux furent alors répartis sur 3 camions.
Pendant ce temps Wilfrid Ricard est arrivé à Cabertat, pour avertir le Capitaine Dumas que sa maison était cernée par les Allemands et les miliciens, et que sa belle-sœur Maria se trouvait prisonnière entre leurs mains. Dumas craignait que l’arrestation de Maria n’entraine, du fait de son état, le risque de livrer des renseignements sur le maquis.
Afin de favoriser la libération de Maria, il envoie aussitôt un agent de liaison André Lemozy porter l’ordre d’attaquer Allemands et miliciens au demi-groupe le plus proche appartenant au groupe Fantôme.
Selon le témoignage de Maurice DAUGE :
« Lemozy, arrivé à bicyclette au Bugarcl, remet à celui-ci, l’ordre écrit du capitaine Dumas. Il est presque 9 heures. Maurice Daugé se trouve chez lui ce matin-là, avec, coïncidence, cinq autres membres du groupe Fantôme : Pierre Giusti (Gim), André Bauer (Pépé), Wrobcl (Bob), Marcel Loupiac (Cuistot), Angélo Fofano (Mistinguet).
Par mesure de sécurité il détruit le papier qui lui est remis et qui intime l’ordre d’employer tous les moyens pour que Maria Ricard n’arrive pas à Montauban. Du renfort doit être envoyé par Dumas.
En même temps Georges Jacquot (Marsouin) est averti par Germain Ricard, à la Vergne, chez ses futurs beaux parents.
Maurice Daugé et Georges Jacquot se retrouvent alors « au Gai », près du hameau des Brunis. Ils s’abritent dans la grange de Carmes en bordure de la vieille route de Nègrepelisse pour élaborer un plan d’attaque de la colonne allemande.
Disposant de 7 hommes seulement, Jacquot prévoit une attaque souricière qui se refermerait sur les véhicules ennemis.
Les maquisards avancent deux par deux le long des fossés et derrière les haies, à 20 mètres d’intervalle : Jacquot avec Giusti, Daugé avec Bauer, Wrobel avec Loupiac, enfin Fofano seul. Comme armes, une grenade Gammon à forte déflagration, trois mitraillettes, des revolvers, des grenades Mils… et surtout l’avantage de la surprise.
Au village, l’opération de ratissage est terminée. Les miliciens escortés de S.S. reprennent la route de Montauban, emmenant leurs prisonniers. Il est près de 10 h 30. Le temps est magnifique, chaud et ensoleillé. La colonne traverse l’Aveyron et prend la route de Nègrepelisse.
A 2 km de Montricoux, le hameau des Brunis : quelques maisons, des haies, des champs, une vigne. Tout paraît calme. Et soudain…
Marsouin, premier attaquant, se dresse et lance la grenade Gammon sur le capot du premier camion. L’explosion formidable déporte le véhicule de plus de 20 mètres sur le côté droit de la route. La moto accompagnatrice est pulvérisée. Le deuxième camion brûle. On entend des cris. L’ennemi est désemparé. Le convoi stoppe. Dans le premier camion, ; 8 otages ont été hissés. Cournut saute du camion malgré les menottes qui lient ses mains derrière le dos. « Gégène » le suit et ils se sauvent en se dissimulant à travers les champs de blé et de maïs. Bien que blessés, ils réussissent à rejoindre l’Aveyron où le docteur Pierre Aujaleu, un des médecins du maquis, les aperçut et les ramena en barque sur la rive opposée. Après les premiers soins, un cultivateur, Prunières, libéra Cournut de ses chaînes en les sciant.
Bonhomme et Feuillet sautent également mais sont abattus immédiatement par les Allemands qui, soufflés d’abord par la déflagration, ont pu reprendre leurs esprits.
Tout se déroule très vite. Quelques minutes de combat, qui paraissent toujours une éternité. Et comme le renfort promis n’arrivait pas, chacun se replie à son initiative. Giusti décroche le premier. Marsouin, poursuivi par huit Allemands, traverse une vigne en direction des Reys et se dissimule dans un épais roncier où il restera caché près de deux heures. Loupiac, d’abord blessé au bras, est tué à moitié chemin entre la route et la voie ferrée. Bauer est tué sur la voie ferrée, la gorge traversée par une balle. Maurice Daugé se replie vers la voie ferrée en s’abritant derrière des gerbes de blé en croisillon. Traversé de part en part par une balle, il s’affaisse. Bob qui a reçu une balle en pleine poitrine, venue s’écraser sur son chargeur de mitraillette, et qui, de ce fait, ne le blesse, vient le relever et le soutient jusqu’à la voie ferrée. Là, ils se séparent. Maurice Daugé se dirige alors vers « Les Bouyers », puis vers « Les Castels ». Recueilli par Cavalié. il est amené chez les Souloumiac au Bugarel, derrière la briqueterie, où il pourra recevoir rapidement des soins qui lui sauveront la vie.
Les Allemands et les miliciens repartent alors avec les véhicules encore disponibles. Ils emmènent 9 otages avec eux.
L’attaque-surprise occasionne de lourdes pertes à l’ennemi : une trentaine d’hommes hors de combat. Les C.F.A. se sont battus à 1 contre 20.
Du côté F.F.I., 2 tués, Marcel Loupiac et André Bauer qui, blessé grièvement, se serait donné la mort pour ne pas tomber vivant aux mains de l’ennemi ; et 2 victimes civiles : Pierre Feuillet et Pierre Bonhomme.
Leurs cadavres, laissés sur place par ordre de la Gestapo, ne furent relevés que le lendemain soir.
Aux Brunis, sur la vieille route de Nègrepelisse, une stèle rappelle le souvenir du combat du 17 juillet 1944.
Quelques années plus tard, Henri REY, Président de l’Amicale du maquis de Cabertat, écrivait : « Souviens-toi, mon camarade maquisard, de l’idéal qui t’animait quand, un jour de 1944, tu as quitté ta famille, ton travail, ton confort douillet, ta tranquillité, pour venir rejoindre dans les bois ce que MALRAUX a appelé l’armée de l’ombre. Mal aimé, mal nourri, un brassard comme uniforme, tu es venu simplement pour chasser du sol français l’occupant et rétablir les libertés de la République. Ta foi en la victoire, ton enthousiasme, ont fait le reste, conduisant à la victoire du 8 Mai 1945 ».
Mémorial de Cabertat
6ème Cie A.S. Maquis de Cabertat
BIAU J.
BASSELIER C. POUX L. PUECH L. TEULIÈRES E. PENCHENAT Ad PENCHENAT A. PENCHENAT L. NONORGUES P.
BAUER A. BONHOMME P. LOUPIAC M. FEUILLET P. CASTEL A. JOUANY M. LESPINET N. HUGUET A. MELAMED LEVY A.
LESPINET L. JOUANY A. BOURLIER C. LEMOUZY A. CHLEMA W. JAOUEN W. BOYÉ P. MARCHAND J ROYER J.P. TEISSEIRE P. GOUVENEZ R. VERDU R. FAVRE R. LASBAREILLES R BROUSSE L. JANOYER RESCOUSSIÉ P. AGUILANA P. Cdl MARCUS Lt PERNOT P. Lt WROBEL O. Lt MAY POUZERGUE
Mémorial de Cabertat (détail)
FRANÇAIS LIS ! Le 20 Juin 1944 Les ALLEMANDS attaquèrent le Maquis de CABERTAT
6 Patriotes furent assassinés et brûlés. Les fermes des alentours pillées et incendiées
La rage nazie atteint son paroxisme sur la malheureuse famille PENCHENAT Ceux-ci furent brûlés vivants sous les décombres de leur propre maison
FRANÇAIS SOUVIENS TOI
Stèle commémorative des BRUNIS
A La Mémoire de Marcel LOUPIAC et André BAUER du groupe FANTOME morts au combat le 17 Juillet 1944
et de Pierre BONHOMME et Pierre FEUILLET victimes civiles
Monument aux morts de Montricoux
Victimes de la GUERRE 1939-1945 14 Juin 1940
DELMAS François ITHIÉ René LAFAGE René
F. F.I.
Volontaires morts pour la LIBÉRATION
20 Juin 1944 BIAU Jean POUX Léon BASSELIER Camille
24 Juillet 1944 LESPINET Hugues JOUANY Henri HUGUET André
17 Juillet 1944 FEUILLÉE Pierre BONHOMME Pierre LOUPIAC Marcel BAUER André
26 Juillet 1944 LESPINET Lucien JOUANY André
14 Août 1944 DENIS François
20 Juin 1944 NONORGUES Pierre Victime civile
Etat nominatif du M.P.4 d’Arnaud en février 1944