Page 85- 88 du Livre « Cinquantenaire Libération de Montauban et du Tarn et Garonne »
17 juillet 1944
Pour le 14 juillet 1944, l’état-major F.F.I. a prescrit d’organiser défilé et dépôt de gerbe dans les différents cantons du département.
A Nègrepelisse, le rassemblement du C.F.L. et des M.P. est réalisé à 10 h 15 devant l’usine Bourdarios.
Le cortège est formé, avec en tête, le drapeau à croix de Lorraine porté par Saint-Biaise (Georges Caperan). La colonne s’ébranle en entonnant le Chant du départ.
Tous les habitants ont pavoisé et sont massés sur les trottoirs. En haut du clocher flotte le drapeau tricolore, placé au cours de la nuit par le Capitaine Dumas.
Les applaudissements saluent le cortège. Des hommes, des femmes pleurent de joie. L’heure est poignante.
Le cercle est formé autour du monument aux morts.
La garde d’honneur présente les armes et une gerbe est déposée par Brisefer (Jean Taché). Une minute de silence est observée par la foule à la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour la liberté, pour la France. Le premier couplet de la Marseillaise est chanté en chœur par toute l’assistance.
La cérémonie est terminée. La compagnie se retire au pas cadencé. Beaucoup laissent paraître une grande émotion.
Cela ne fut pas du goût de certains. Les jours qui suivirent furent douloureux.
Le 16 juillet, bon nombre de maquisards étaient venus en permission dans les localités du canton de Nègrepelisse (Bioule, Montricoux en particulier). Leur présence fut signalée à la Gestapo et à la milice. Un rapport de la Feldgendarmerie en date du 18 juillet 1944 signale que le S.D., en l’espèce l’Aussendienststelle de Montauban a été informé, d’une manière confidentielle, qu’un détachement de terroristes se tenait au sud de Bioule. Le 17 juillet 1944, vers 5 heures, une action fut entreprise contre ce groupe avec les S.D.. la Feldgendarmerie trupp 994, l’Einsatz-kommando n° 7 et la milice, en utilisant 3 camions et une auto-touriste. Cette action demeura sans succès.
Allemands et miliciens se dirigent alors vers les Ombrails, ferme ô combien suspecte ! aux yeux de l’occupant et de ses supports. A cette heure matinale, seule Maria Ricard est présente. Son mari et son beau-frère sont déjà dans les champs. Durant plus de deux heures, elle assiste, impuissante, à la mise à sac de sa demeure sous la menace des mitraillettes et des fusils. Maria est enceinte. Est-ce la raison pour laquelle ils repartent enfin, la laissant au milieu de cette désolation ?
Le S.D. se dirige alors avec le kommando vers Montricoux. Il est 7 h 30. Le village est cerné. Les routes sont barrées. Des fusils-mitrailleurs sont mis en batterie sur les anciens remparts face à l’Aveyron. Des civils, membres du S.D., munis d’une liste nominative, se rendent dans les maisons qui leur étaient désignées, recherchant les hommes du maquis. Abusés par « les messieurs en civil », les habitants, de bonne foi ou par naïveté, pensaient être soumis à un simple contrôle d’identité. Et pourtant, un milicien, en plaisantant (?), a dit : « A neit fara cald ».
Henri Jouanny travaillait à la vigne, au lieu-dit « La Lisse », en haut de sa maison, sur la route de Saint-Cirq, avec son fils René (14 ans) : « On souffrait la vigne avec une pompe sur le dos », rappelle ce dernier. Ma grand-mère appelle : « Venez. On vous demande ». Mon père me dit : « Continues le travail. Je reviens ». Il part en habits de travail, chapeau de paille, sabots. Deux hommes, en civil, l’attendent : « Venez au village. On a un renseignement à vous demander ». J’ai continué à travailler jusqu’au moment où j’ai entendu les coups de feu aux Brunis… Alors j’ai compris.
Hugues Lespinet était au moulin lorsqu’on lui demande de venir à la mairie. « Je finis de déjeuner, j’arrive » ; ce qu’il fera, pour son malheur.
Le S.D. se dirige alors avec le kommando vers Montricoux. Il est 7 h 30. Le village est cerné. Les routes sont barrées. Des fusils-mitrailleurs sont mis en batterie sur les anciens remparts face à l’Aveyron. Des civils, membres du S.D., munis d’une liste nominative, se rendent dans les maisons qui leur étaient désignées, recherchant les hommes du maquis. Abusés par « les messieurs en civil », les habitants, de bonne foi ou par naïveté, pensaient être soumis à un simple contrôle d’identité. Et pourtant, un milicien, en plaisantant (?), a dit : « A neit fara cald ».
Henri Jouanny travaillait à la vigne, au lieu-dit « La Lisse », en haut de sa maison, sur la route de Saint-Cirq, avec son fils René (14 ans) : « On souffrait la vigne avec une pompe sur le dos », rappelle ce dernier. Ma grand-mère appelle : « Venez. On vous demande ». Mon père me dit : « Continues le travail. Je reviens ». Il part en habits de travail, chapeau de paille, sabots. Deux hommes, en civil, l’attendent : « Venez au village. On a un renseignement à vous demander ». J’ai continué à travailler jusqu’au moment où j’ai entendu les coups de feu aux Brunis… Alors j’ai compris.
Hugues Lespinet était au moulin lorsqu’on lui demande de venir à la mairie. « Je finis de déjeuner, j’arrive » ; ce qu’il fera, pour son malheur.
Les femmes allaient même à la recherche de leurs maris pour ne pas avoir d’histoires.
Léonce Gardes, seul, eut vent de quelque piège. Machinalement, de biais, il regarda la liste et vit son nom. « Léonce Gardes, dit-il. Vous savez, je suis un réfugié et je ne connais pas tout le monde ». Il se faufila dans le jardin, cherchant ostensiblement de l’herbe pour les lapins et put fuir.
Il y eut 8 arrestations dans le village.
Là-dessus arrive le car de Bruniquel, dans lequel les miliciens arrêtent trois hommes dont l’un, Cournut, est particulièrement maltraité parce que porteur d’un pistolet et de grenades : on lui tordait le nez et les joues comme pour les arracher, on lui tirait les cheveux ; coups de pied, coups de poing, coups de crosse de mousqueton pleuvaient sur son corps endolori. Poussé par la douleur, il s’écrie : « Mais tuez-moi donc ! » « Non ! lui fut-il répondu, tu n’as pas assez souffert. Tu en verras bien d’autres ».
Au total, 13 arrestations : 8 à Montricoux, 3 dans l’autobus, 2 autres avaient été faites à Nègrepelisse : Pierre Bonhomme, Borderies, André Castel, Cournut, Pierre Feullet, Eugène Fournier, André Huguet, André Jouanny, Henri Jouanny, Hugues Lespinet, Lucien Lespinet, Mazard, Michel Mélamed.
Les malheureux furent alors répartis sur 3 camions.
Pendant ce temps Wilfrid Ricard est arrivé à Cabertat, pour avertir le Capitaine Dumas que sa maison était cernée par les Allemands et les miliciens, et que sa belle-sœur Maria se trouvait prisonnière entre leurs mains. Dumas craignait que l’arrestation de Maria n’entraîne, du fait de son état, le risque de livrer des renseignements sur le maquis.
Afin de favoriser la libération de Maria, il envoie aussitôt un agent de liaison André Lemauzy porter l’ordre d’attaquer Allemands et miliciens au demi-groupe le plus proche appartenant au groupe Fantôme.
Lemauzy, arrivé à bicyclette au Bugarel, remet à Maurice Daugé, l’ordre écrit du capitaine Dumas. Il est presque 9 heures. Maurice Daugé se trouve chez lui ce matin-là, avec, coïncidence, cinq autres membres du groupe Fantôme : Pierre Giusti (Gim), André Bauer (Pépé), Wrabel (Bob), Marcel Loupiac (Cuistot), Angélo Fofano (Mistinguet).
Par mesure de sécurité il détruit le papier qui lui est remis et qui intime l’ordre d’employer tous les moyens pour que Maria Ricard n’arrive pas à Montauban. Du renfort doit être envoyé par Dumas.
En même temps Georges Jacquot (Marsoin) est averti par Germain Ricard, à la Vergne, chez ses futurs beaux-parents.
Maurice Daugé et Georges Jacquot se retrouvent alors « au Gai », près du hameau des Brunis. Ils s’abritent dans la grange de Carmes en bordure de la vieille route de Nègrepelisse pour élaborer un plan d’attaque de la colonne allemande.
Disposant de 7 hommes seulement, Jacquot prévoit une attaque souricière qui se refermerait sur les véhicules ennemis.
Les maquisards avancent deux par deux le long des fossés et derrière les haies, à 20 mètres d’intervalle : Jacquot avec Giusti, Daugé avec Bauer, Wrabel avec Loupiac, enfin Fafano seul. Comme armes, une grenade Gamon à forte déflagration, trois mitraillettes, des revolvers, des grenades Mils… et surtout l’avantage de la surprise.
Au village, l’opération de ratissage est terminée. Les miliciens escortés de S.S. reprennent la route de Montauban, emmenant leurs prisonniers. Il est près de 10 h 30. Le temps est magnifique, chaud et ensoleillé. La colonne traverse l’Aveyron et prend la route de Nègrepelisse.
A 2 km de Montricoux, le hameau des Brunis : quelques maisons, des haies, des champs, une vigne. Tout paraît calme. Et soudain…
Marsouin, premier attaquant, se dresse et lance la grenade Gamon sur le capot du premier camion. L’explosion formidable déporte le véhicule de plus de 20 mètres sur le côté droit de la route. La moto accompagnatrice est pulvérisée. Le deuxième camion brûle. On entend des cris. L’ennemi est désemparé. Le convoi stoppe. Dans le premier camion, 8 otages ont été hissés. Cournut saute du camion malgré les menottes qui lient ses mains derrière le dos. « Gégène » le suit et ils se sauvent en se dissimulant à travers les champs de blé et de maïs. Bien que blessés, ils réussissent à rejoindre l’Aveyron où le docteur Pierre Aujaleu, un des médecins du maquis, les aperçut et les ramena en barque sur la rive opposée. Après les premiers soins, un cultivateur, Prunières, libéra Cournut de ses chaînes en les sciant.
Bonhomme et Feuillet sautent également mais sont abattus immédiatement par les Allemands qui. soufflés d’abord par la déflagration, ont pu reprendre leurs esprits.
Tout se déroule très vite. Quelques minutes de combat, qui paraissent toujours une éternité. Et comme le renfort promis n’arrivait pas, chacun se replie à son initiative. Giusti décroche le premier. Marsouin, poursuivi par huit Allemands, traverse une vigne en direction des Reys et se dissimule dans un épais roncier où il restera caché près de deux heures. Loupiac, d’abord blessé au bras, est tué à moitié chemin entre la route et la voie ferrée. Bauer est tué sur la voie ferrée, la gorge traversée par une balle. Maurice Daugé se replie vers la voie ferrée en s’abritant derrière des croisillons de blé. Traversé de part en part par une balle, il s’affaisse. Bob vient le relever et le soutient jusqu’à la voie ferrée. Là, ils se séparent. Maurice Daugé se dirige alors vers « Les Bouyers », puis vers « Les Castels ». Recueilli par Cavalié, il est amené chez les Souloumiac au Bugarel, derrière la briqueterie, où il pourra recevoir rapidement des soins qui lui sauveront la vie.
Les Allemands et les miliciens repartent alors avec les véhicules encore disponibles. Ils emmènent 9 otages avec eux.
L’attaque-surprise occasionne de lourdes pertes à l’ennemi : une trentaine d’hommes hors de combat. Les C.F.A. se sont battus à 1 contre 20.
Du côté F.F.I., 2 victimes, Marcel Loupiac et André Bauer qui, blessé grièvement, se serait donné la mort pour ne pas tomber vivant aux mains de l’ennemi ; et 2 otages : Pierre Feuillet et Pierre Bonhomme.
Leurs cadavres, laissés sur place par ordre de la Gestapo, ne furent relevés que le lendemain soir.
Aux Brunis, sur la vieille route de Nègrepelisse, une stèle rappelle le souvenir du combat du 17 juillet 1944.