Page 195-214 du Livre « Avant que Mémoire ne Meure »
A partir du mois d’Août, la situation change radicalement.
Après les combats de la Montagne Noire des 20 et 21 juillet 1944 entre le Corps Franc et les troupes allemandes, des enseignements sont tirés de cette attaque.
Du point de vue du stationnement, le maquis « en garnison » est une erreur. L’accumulation d’hommes et de matériel, dans des espaces relativement restreints, augmente la vulnérabilité et précise à l’excès les objectifs à atteindre.
La centralisation des services si tentante parce que commode et facilitant les contrôles n’est pas applicable aux unités du maquis qui doivent rester très mobiles et aussi autonomes que possible. Chaque unité de combat doit pouvoir vivre par elle-même, en tous temps et en tous lieux. L’encadrement des unités du maquis devrait être sensiblement plus fort que celui des unités régulières. En effet, une des forces des corps francs, toujours en infériorité du point de vue de l’armement, est leur mobilité, alors que leur faiblesse réside dans le fait qu’ils sont formés de garçons souvent très jeunes, peu entraînés et manquant de stabilité au feu.
La trentaine, peloton ou section, est la véritable unité de combat. Elle doit donc disposer, au cours des engagements, de la plus large autonomie. Le rôle de commandement à l’échelon compagnie est de fixer à priori les zones d’action, les lignes de repli, les points de regroupement, et d’ac-lionner les indispensables réserves placées sous leur obédience directe, dans le but de soulager une unité débordée, d’amorcer des contre-attaques, en somme, de faire diversion.
Par contre, en période normale, la nécessité d’une coordination dans les efforts d’une unité dans l’instruction rend toute sa valeur à la Compagnie.
Du point de vue de l’armement, la preuve est faite de l’inutilité relative de la mitraillette. L’arme véritable de la troupe qui opère en guérilla est le F.M, arme automatique efficace et facile à transporter. Il est évident, par ailleurs, toutes les fois qu’on en a la possibilité, que la formation de tireurs d’élite au fusil est de première importance.
Les grenades offensives, trop longues à éclater, n’ont pas donné de résultats bien satisfaisants. Par contre, la bombe « Gammon » est une arme offensive de premier ordre, capable de mettre hors de combat un engin blindé.
A partir de ce rapport, des actions diverses de sabotage sont menées dans le département, et plus particulièrement sur les voies ferrées entre Castelsarrasin et Moissac, Valence d’Agen et Malause, et une coupure sur le cable téléphonique à longue distance sur la route de Moissac à Castelsarrasin (Document 1). En effet la ligne Marseille-Toulouse-Bordeaux présente alors une importance vitale pour l’ennemi. L’intensité du trafic sur cette ligne, la hate et l’acharnement apportés à le rétablir, chaque fois que les équipes de destruction l’interrompent, commande de multiplier les interventions sur cette ligne.
Témoignage Olivet :
«A l’Etat-Major du secteur Nord-Est nous recevons des ordres plus ou moins contradictoires, par agent de liaison. Ces ordres nous enjoignent de quitter Pech Sec et de nous transporter en bas de Puylaroque, du côté du moulin de Brozes.
Les Allemands circulaient sur les axes routiers. Et le commandement nous demandait de nous rapprocher le plus possible de la route nationale qui va de Caussade à Cahors.
Le 4 août, Turpin, responsable du CDL à Caussade, demande à Deville, en vue des opérations futures et afin d’assurer la sécurité maximum des hommes, de prévenir du jour et de l’heure d’arrivée du maquis. L’entrée dans Caussade se ferait par la route de Puylaroque.»
Au même moment, Dumas fait part à Camille de son désir d’unir les forces du Corps Franc aux Compagnies A.S du secteur.
Le 5 août, des avions alliés mitraillent la sous-station électrique et une rame de wagons chargés de bauxite en gâre de Caussade. Un enfant de 12 ans, Jacques FOUACHE est tué au bord de la Lère et quelques dégâts sont occasionnés. Une stèle rappelle ce malheureux événement.
Le 10 août, Camille prévient Dumas sur des mouvements de troupes allemandes dans le secteur Caussade – Montricoux – St Antonin – Septfonds. Les 4ème et 7ème Cie A.S étant en mouvement de décrochage ne peuvent intervenir. Dumas donne immédiatement des ordres pour l’organisation de barrages. Mais devant des forces extrêmement importantes, il préfère ne pas déclencher le combat. Le 14 août Camille, du PC du Moulin de BROZES, adresse à Deville les mots de passe pour la semaine du 15 août ( 12 heures ) au 22 août à midi. Il ajoute : « Fais en sorte que tout le matériel roulant lourd dont tu disposes soit en état de marche dans le plus bref délai, car dans les jours qui vont suivre, il pourrait y avoir un sérieux déplacement de nos forces dans un secteur stratégique convenant mieux à la situation actuelle. L’heure du travail sérieux est proche et il te faudra exiger de tes hommes beaucoup de discipline. » Le même jour, Deville répond à Camille : «Mes sections sont enfin en place:
– 1 ° section ( chef: Tataouine ), à St Symphorien
– 2° section ( chef: La Tulipe ), à Merle
– 3° section ( chef: Givaur ), à Sorris.
Mon PC est à Ricomes. »
Le 16 Août Camille émet l’ordre d’opération N° 1 et un rectificatif, qui indique que « les éléments de la 7èmc Cie ( 40 hommes avec F.M ) et 11 éléments de la 8ème Cie avec F.M se rendront à Perches dans la matinée et y séjourneront jusqu’à nouvel ordre, dans le but d’intercepter les troupes ennemies évacuées de Cahors. »
A 17hl5, il envoie un mot à Dumas lui précisant que « dès le 17 août à 6h, le dispositif de guérilla du secteur sera mis en place. » Il ajoute : « Je pense qu’il y aurait intérêt, pour que l’action soit plus efficace que tu te places en embuscade aux abords immédiats de la Tanguine avec un fort contingent de ton Corps Franc. «
Stèle FOUACHE à Caussade
A la mémoire de Jacques FOUACHE
tombé ici sous une rafale de mitrailleuse aérienne le 5 août 1944 à l’âge de 12 ans
Le 17 août dans la nuit, Camille avertit Dumas que les troupes d’occupation de Caussade se replient sur Montauban. (Document 2)
Effectivement, une colonne allemande qui descendait vers Caussade est harcelée à Perches et St Julien. Berger fait à Camille le compte rendu suivant:
«J’ai l’honneur de vous signaler de ce que j’ai reçu, hier soir, 16 août, vers 20 heures, un ordre invitant la 4ème Cie à se rendre avec son personnel disponible et ses véhicules libres sur les lieux de rencontre entre les compagnies CFL et les Boches. En l’absence du Commandant de Compagnie et de son adjoint, j’ai décidé :
a) de rassembler les personnels disponibles
b) de prendre les véhicules nécessaires pour transporter les renforts de la 4ème Cie
et de la 8ème Cie.
J’ai constaté :
a) que certains hommes (toujours les mêmes) brillent par leur absence aux moments de passer aux actes
b) que lorsqu’une compagnie possède trois véhicules, elle peut à peine compter sur un.
Cela aura pour effet de créer un retard certain dans le fonctionnement de la Compagnie.
Je me suis présenté vers 20h30 au PC de la 7ème Cie. La 8ème Cie avait comme renfort 13 hommes et un chef de section, plus un camion. La 4ème Cie avait 22 hommes. Le camion de la 8ème Cie est tombé en panne dès le départ. Résultat : 14 hommes en moins.
La 4ème Ciea du emprunter deux camionnettes pour effectuer sa mission, ses véhicules étant en mission ou en panne.
Ce manque de moyens de locomotion sera la cause essentielle de l’échec d’un coup de main qui aurait sûrement été intéressant. L’ordre détaillé reçu était :
Marche d’approche après Lapenche
Passer à la barrière de St Pierre près Caussade
Remonter sur Perches
Tacher de retrouver les hommes de la 4ème Cie se trouvant à Perches.
Un manque certain de renseignements a fait commettre plusieurs erreurs.
Je suis descendu à Lapenche. J’ai commencé la marche d’approche. J’ai constaté que l’on se battait vers St Julien et Caussade à 24h : on tirait de tous les côtés.
Sur mon itinéraire, j’ai trouvé des hommes de la 7ème Cie (environ 7 ou 8) qui battaient en retraite vers le PC, d’après ce qu’ils m’ont dit. J’ai continué la progression malgré que l’on ait tiré sur nos flancs. Ne connaissant pas le terrain et gêné par la nuit, j’ai dû attendre le matin pour organiser une embuscade sur la RN 20.
Aucun bôche ne venant ni de Caussade, ni de Cahors, je suis allé à leur recherche en remontant vers le point où l’on se battait le matin (probablement la 7ème Cie). Au bout d’un kilomètre environ, j’ai aperçu une colonne de deux cents mètres de long de 400 à 600 hommes environ en formation serrée.
En même temps, peut-être à vingt ou trente mètres, une autre petite colonne allemande composée de motos, voitures et hommes à pied, nous prenait dans le dos.
Contre tout ce monde, ne disposant que d’une arme automatique et 22 hommes, je n ‘ai pas cru devoir engager l’action car nous étions pris entre deux feux. Nous étions dans l’impossibilité de nous replier rapidement et les boches auraient pu nous poursuivre en voiture.
Si nous avions eu un camion sous pression et deux armes automatiques, nous pouvions attaquer les deux colonnes, surtout celle qui était à pied, pendant 5 minutes, et partir à toute vitesse en ayant causé beaucoup de mal aux boches.
En utilisant au mieux le terrain, nous avons pu décrocher sans perte et sans tirer un coup de feu malgré l’encerclement dont nous étions menacés.
Nous sommes montés vers la 7ème Cie( avec laquelle nous n ‘avions aucune liaison ) et j’espérais pouvoir revenir avec un de leurs véhicules et leurs sections sur l’arrière des Allemands. Je n ‘ai trouvé que des hommes épars de la 7ème Cie.
A la gare de Borredon, je croyais vous trouver. Vous veniez, de partir.
Voyant que les autres compagnies se regroupaient pour aller à leur cantonnement, je suis rentré avec tout mon personnel au PC de la 4ème Cie où j’ai fait un compte-rendu verbal de l’opération à Théophile à 13h.» (Document 3)
Pour ce qui est de la 7ème Cie, son chef, Deville, fait le rapport suivant :
«D’après les ordres reçus le 17 au matin, je me suis rendu à la 1° section où mes hommes étaient rassemblés pour prendre position à Perches. L’effectif était au complet et avait pris place sur le camion Rocher Schneider sous les ordres du chef Tataouine.
Ayant mission d’installer la 12èmcCie à Saux, je me rends avec Martel et les chefs de la 12ème Cie à Saux pour leur montrer leur nouveau campement et les mettre en rapport avec Delom, leur ravi-tailleur éventuel. Vers 14h, la 12ème Cie arrive au complet et sans armes à Montpezat.
Je repars de suite pour me rendre à Perches où je vois passer un petit convoi de voitures et de camionnettes allemandes. Surpris de ne pas entendre le bruit de l ‘attaque, je vais aux positions où je constate que personne ne les occupe. Je pars immédiatement sur Caussade afin de me renseigner sur l’effectif allemand déjà passé. Puis je file au PC où je trouve encore tous les hommes qui n ‘avaient pu partir, tous les camions étant en panne.
Je prends immédiatement 3 F.M avec leurs hommes, et avec des voitures de tourisme, je vais prendre position à St Julien vers 17h.
A 19h, nous sommes en position à 200 mètres de la route. Apercevant une voiture accidentée, une patrouille se détache et rentre bientôt, après avoir constaté que ce véhicule avait été abandonné après accident par les allemands.
Vers I9h30, apprenant qu’une partie de la colonne se trouvait à Montdoumerc, je donne l’ordre à La Tulipe de prendre 8 hommes et d’aller reconnaître la position de ce convoi ennemi. A 21h30, nous entendons le combat qui commençait à Perches où la 4ème Cie et un groupe de la 7ème Cie avaient pris position. Surveillant plus que jamais la route, vers 21h55, des éléments ennemis qui avaient passé le premier barrage, descendaient la côte en voiture, moteur arrêté et précédés par des patrouilles à pied et à bicyclette. Le premier FM a attaqué ces patrouilles par rafales et les a contraintes à se disperser. L’ennemi n’a fait preuve d’aucune réaction.
Le chef de la colonne ennemie fait alors arrêter les véhicules et déploie ses hommes ( environ 200 ) en tirailleur pour tenter une opération d’encerclement. Il faisait nuit noire et craignant que les troupes allemandes déjà alertées à Caussade ne nous prennent à revers, nous avons décroché sans incident. »
Le groupe de 8 hommes, détaché vers Montdoumerc, est sous les ordres de Bertrant. Ce dernier fait le compte rendu suivant :
«Le 17, à 20h, ai reçu l’ordre de mon chef de compagnie de me porter sur la route de Belfort à Montdoumerc, afin de contrôler le mouvement d’une troupe allemande, installée paraît-il, sur le mamelon de Montdoumerc. Après avoir disposé ma section le long de la route , à 2 kilomètres à l’Ouest de Belfort, suis parti en reconnaissance au village de Montdoumerc.
J’ai entendu des bruits de moteur et des ordres, certainement d’officiers allemands. J’ai atteint Montdoumerc à 22h. Aucun allemand ne se trouvait dans le village. Après avoir pris des renseignements auprès de la population, on m’affirme que les allemands étaient partis dans la direction de la route de la gare de Montpezat.
Ma mission étant terminée, j’ai rejoint ma section à Belfort. J’y ai appris, par une liaison, que la première section, commandée par Tataouine, était aux prises avec des éléments ennemis à St Julien.
A 2h, ma section était installée sur la route de Borredon à St Julien, à environ 3 kilomètres du pont de Borredon.
A 4h30, je suis allé en reconnaissance avec le chef de groupe Chasseur. Après avoir fouillé les véhicules de la 7ème Cie restés aux mains des allemands, nous avons rejoint la section après avoir essuyé un feu d’armes d’infanterie ennemie.
A 12h, ai reçu l’ordre du chef de secteur de quitter notre position et de rejoindre notre cantonnement.
A I9h, ai reçu l’ordre du chef adjoint de secteur: Eugène de porter par les voies les plus rapides un groupe de renfort aux éléments de la 7ème Cie, qui était en embuscade à Perches. Mission accomplie, je rentrai avec le CFL Baron, de la 4ème Cie, au PC, lorsque au carrefour de la route de Belfort, j’ai rencontré un groupe de 40 cyclistes ennemis. J’ai dû abandonner mon véhicule (voiture Renault Primaquatre ) et j’ai regagné le PC.»
Le même jour, 17 août, Dumas, prévenu vers lh55 du matin, par le chef de secteur Camille qu’une formation allemande devait passer sur le parcours Caussade-Montauban, et enjoint de l’attaquer aux environs du lieu-dit «La Tanguine», prend aussitôt les mesures nécessaires.
«Au petit jour à 6 heures, nous étions sur les lieux avec 4 groupes : deux de la 1° section sous les ordres de Marsouin, deux de la 2ème Section sous les ordres de Pet-Sec.
Le dispositif de combat a été pris de façon à contrôler une grande partie de la route nationale et de permettre aux armes automatiques un champ de tir efficace.
D’un autre côté, pour éviter la surprise, un autre groupe sous les ordres de Rey, placé en bouchon, contrôlait la route Bioule – Caussade et un groupe sous les ordres de Durvelle contrôlait l’arrivée par La Bénèche, surveillant l’axe Montricoux – Caussade.
Vers 15 h 30, un éclaireur motocycliste de reconnaissance nous signale qu’une formation de douze camions se dirige vers Caussade en provenance de Cahors.
Cette f ormation arrive à la sortie de Caussade vers Montauban et fait halte.
A I6hl5, le convoi reprend la route vers Montauban.
Deux kilomètres plus loin, il est stoppé par le tir précis de nos F.M. Deux camions sont atteints – la colonne stoppe : panique indescriptible chez l’ennemi qui réagit vite et nous prend sous le feu d’armes automatiques, tout en se déployant en tirailleurs dans la plaine. A 17hl5, une trentaine d’allemands sont hors de combat.
A ce moment, une autre colonne arrive de Montauban, composée de 6 camions et précédée de motocyclistes.
Cette dernière, prise sous notre feu, engage le combat immédiatement et arrose littéralement nos positions par les armes automatiques d’une puissance de feu considérable.
Il est 18h. Sentant que la position est intenable, submergé par le nombre et la puissance de feu de l’ennemi, je donne l’ordre de repli prévu. Il s’effectue en bon ordre et nous regagnons les camions à quatre kilomètres à l’arrière.
Dans mes rangs, ni tués, ni blessés, mais grosse consommation de munitions.
Contact rompu à I8h30,l’ennemi s’arrêtant aux crêtes boisées de la Tanguine.
Vers 19h30, le Corps Franc regagne ses cantonnements en traversant Nègrepelisse où la population lui fait un accueil délirant.
A 20h, tout le monde est rentré.»
Le même jour, vers 22h, une nouvelle colonne allemande se déplace de Caussade vers Cahors, elle est attaquée par surprise par des éléments des 4ème Cie et 7ème Cie A.S, commandées par Saïb, qui se replient ensuite vers Belfort ( document 4 ).
Le 18 août Dumas signale que dix coupures ont été effectuées entre St Etienne de Tulmont et Nègrepelisse. Conformément aux instructions reçues, l’action de sabotage se poursuit. Des équipes sont chargées de faire des abattis d’arbre et de détruire les panneaux de signalisation ennemis. Le service sanitaire met en place des moyens de secours pour blessés graves et légers. Des infirmiers sont désignés par groupe de trente hommes. ( document 5)
Le 19 août, peu avant midi, la colonne allemande arrivée la veille, forte d’environ 150 hommes quitte Caussade pour Montauban.
Le chef F.F.I. Nil et le chef d’Etat-Major Larzac donnent alors à Camille les ordres suivants: ( document 6 )
1° si les allemands sont encore à Caussade:
– tenir Réalville et Albias
– multiplier les obstructions sur la route de Paris
– empêcher l’ennemi de rejoindre Montauban 2° si le détachement de Caussade réussit à partir:
– le suivre en le harcelant
– se porter à la hauteur de Fonneuve pour interdire aux troupes
allemandes qui chercheraient à s’échapper de Montauban, le passage
par les routes de Paris et de Nègrepelisse.
Cette colonne, dite des Mongols, en réalité formée de Géorgiens, Arméniens, Azéris, Ukrainiens et Turkmènes, encadrés d’Allemands a fait halte un jour et demi à Caussade, réquisitionnant ou volant voitures, chevaux, bicyclettes et vivres. Ils partent vers midi, laissant derrière eux une ville morte. Les habitants vivent des heures de grande peur derrière des volets clos.
Sur Caussade, un calme relatif régnait. Petit à petit, les Caussadais commencent à ouvrir habitations et magasins, et à circuler dans les rues. L’arrivée des F.F.I. est accueillie avec soulagement. Une effusion de joie envahit toute la ville.
Pendant ce temps, le chef du secteur Nord-Est, Cabarroques et ses adjoints prenaient possession de la mairie et mettaient en place des troupes à toutes les entrées de Caussade. Ils installent leur quartier général à l’immeuble Courtois de Maleville, au carrefour des Allées.
Leur premier service fut de ravitailler la population, tout en mettant en oeuvre les dispositifs pour assurer la sécurité. Leur tâche consista aussi à organiser la gestion administrative du secteur de Caussade, en collaboration avec le Comité Local de Libération.
La joie populaire se déroula dans la ville durant plusieurs jours. Mais elle fut mêlée de la peine de ceux qui pleuraient les membres de leur famille morts au combat, fusillés, pendus ou torturés et de l’angoisse de ceux qui attendaient le retour des prisonniers ou des déportés.
Voulant éviter des opérations de représailles sur la population civile, les chefs des F.F.I. se sont toujours refusés à toute action durant l’occupation de la ville. Grâce à leur lucidité et leur autorité, Caussade a été libérée sans effusion de sang.
Combats du 17 août 1944
PERCHES (4ème Cie + un groupe de la 7ème Cie) : 21 h 30
SAINT JULIEN (7ème Cie) : 21 h 55
LA TANGUINE (Corps Franc DUMAS) : 16hl5 – 18h30
Photo prise lors de la Libération de Caussade
le 19 août 1944
(Camionnette gazogène qui servait pour le ravitaillement de la 7ème Cie A.S. à Pech Sec)
Libération de Caussade
Manifestations du 22 août 1944
1 – Place de l’Hôtel de Ville : présentation du drapeau
2 – Place de l’Hôtel de Ville : défilé des troupes
3 – Place de l’Hôtel de Ville : prise d’armes
4 – Devant le Monument aux Morts
Photographies effectuées par
le Laboratoire Central d’Armement
replié sur Caussade
Décision du 21/07/1944 du Commandant des F.F.I. du Tarn-et-Garonne : NIL,
nommant Capitaines les responsables de secteurs,
les adjoints C.F.L. et le chef du Corps Franc Départemental.
Camille = Cabaroques
Vincent = Douet
Bourcier = Brunei
Sorel =
Firmin = Marcus
Cartier = Pruet
Véron = Andrieu
Dumas = Delplanque
7 ème Cie A.S. Amicale des Anciens du Maquis Bir-Hakeim
1946
devant le Monument aux Morts de Caussade
Extrait du journal « Le Patriote » du 20 août 1945 : « Anniversaire »
«Depuis 3 jours, des convois boches traversent la ville traînant avec eux un matériel hétéroclite et toutes sortes de véhicules volés au cours d’une affreuse odyssée. A quelques kilomètres, de jeunes maquisards, hier encore des enfants, depuis trois jours et trois nuits, armés de quelques fusils, se battent courageusement et harcèlent l’ennemi apeuré.
Le 17 août à St Julien, trente maquisards ont arrêté, pendant toute une nuit une colonne de 500 hommes, causant à l’ennemi des pertes sérieuses. Ils viennent de rentrer de leur cantonnement, dans les bois, épuisés de fatigue. Mais un Officier de liaison arrive au PC. Il signale la présence de 400 boches à Caussade. «Il faut, dit-il, les attaquer immédiatement dans la ville même.» L’ordre est impératif. En vain, les Officiers présents objectent l’épuisement des gars du maquis, l’insuffisance de l’armement et le manque de munitions. L’Officier de liaison se montre intransigeant. Il faut attaquer coûte que coûte.
C’est alors que le Capitaine Camille, avec sa crânerie que lui connaissent ceux qui ont vécu avec lui ces journées mémorables, refuse tout net, n’acceptant d’obéir qu’à un ordre écrit. L’Officier de liaison avance ne pouvoir en signer un et se voit contraint de renoncer à ses projets.
Cependant des embuscades sont tendues autour de la ville et causent des pertes graves à l’ennemi. Et tandis que le 19 août au soir, la 7ème Compagnie s’apprête à entrer dans la ville à peine évacuée, ordre est donné de reprendre le combat aux abords de Montauban. Le mouvement se fait dans la nuit, et le 20 août au petit jour, les combats reprennent pour rejeter finalement l’ennemi au delà de Montauban.
On a beaucoup parlé de la Libération de Caussade. Certains n’ont pas manqué d’émettre des critiques malveillantes, estimant qu’il aurait fallu livrer combat dans la ville.
Ceux qui ont vécu avec les gens du maquis savaient mieux que quiconque ce qu’il était possible de faire. Ils ont toujours estimé qu’un combat à Caussade, dans de pareilles conditions, aurait eu des conséquences terribles pour la population. Ils ont jugé inutile de faire verser le sang d’innocentes victimes pour une simple satisfaction d’amour propre. Ils ont conscience d’avoir tout fait pour la libération de leur petite ville et de l’avoir obtenue sans effusion de sang.
C’est peut-être là un de leurs plus beaux titres de gloire.»
Cependant la colonne allemande parvient à l’entrée de Montauban par l’avenue de Paris. A 15h, elle atteint le pont routier sur la voie ferrée de Lexos. Elle est accueillie par des coups de feu tirés du Rond et de la Gare de Villenouvelle. Elle stoppe sa progression et les soldats allemands se dispersent. Avec l’arrivée du Corps Franc Dumas tout d’abord, puis l’intervention du Corps Franc Pommiès, le combat s’intensifie.
L’ennemi est obligé de rompre le contact. Il décroche, profitant de la nuit qui tombe, vers la route de Nègrepelisse. Il est 21 hl5 .
La 7ème compagnie arrive vers 23h. Les événements sont terminés.
Le dernier ordre d’opérations provenant de l’Etat-Major, signé par Nil et Larzac, est daté du 20 août, 3h45 (Document 6).
Pendant sa retraite, la colonne allemande, harcelée, abandonne un certain nombre d’hommes blessés, fatigués ou déserteurs. Ceux-ci sont faits prisonniers et incarcérés au Camp Militaire de Caylus. Ce sont essentiellement des éléments de l’armée Wlassov, combattant dans les rangs nazis ( Document 7).
A ces combats de l’été 1944, dans le secteur Nord-Est, qui ont tous pour but de ralentir ou d’empêcher la retraite des troupes allemandes, il faut ajouter deux épisodes tragiques.
Le premier a lieu le 7 août, à ALBIAS, au Nord de Montauban, sur la Nationale 20. Ce jour là, vers 15 heures, deux demi groupes de la première section du Corps Franc Dumas, sous les ordres de TUTU, se rendaient dans ce village pour récupérer de l’essence. Deux miliciens étant signalés à proximité, Tutu confie le commandement à l’adjudant MARSOUIN, et se détache pour les contacter. A ce moment, Marsouin ayant pris son dispositif de sécurité, se trouve brutalement au contact de trois camions et de deux voitures légères allemandes. Immédiatement le F.M entre en action, et les hommes attaquent à la grenade. Le premier camion se jette sur un platane. Un seul occupant en sort vivant. Marsouin donne alors l’ordre de repli et le combat s’engage à travers le village. GEGENE, tireur au F.M, blessé gravement et considéré comme mort par ses camarades, se trouvait sous le feu violent de l’ennemi. Il était impossible de s’approcher pour récupérer le F.M. Après le décrochage du maquis, Gégène, qui n’était que blessé, est transporté par les allemands à l’hôpital de Montauban où il est opéré et soigné en vue de le faire parler. Un autre combattant CRICRI ( BOURLIER) a été, lui aussi, fait prisonnier : on le retrouvera noyé, ayant subi les pires tortures. L’ennemi a eu 15 morts et 6 blessés.
Le second épisode sanglant se déroule aux portes de Montauban le 19 août 1944, en début d’après midi, Louis ETIENNE a fort bien relaté ces événements. En retrait de la route de CAHORS, au lieu-dit AUSSONNE, on peut observer une magnifique bâtisse d’Ancien Régime, sise dans un agréable bosquet : le château de TEILHAC. Le Colonel Teilhac l’occupait avec son gendre Alain Liébaut. A coté, une ferme gérée par un couple italien, Dominico et Dominica VALERIO, qui avaient en charge le blé, le maïs, la vigne et le troupeau laitier. Le Colonel VERGNE, neveu d’Alain Liébaut, était alors étudiant, en vacances pour l’été au château de Teilhac. Témoin direct de ce tragique après-midi, il relate : «Le Colonel Teilhac apprend qu’une forte colonne allemande arrive de Cahors. Il est étonné de la voir descendre vers le Sud, alors que le front vient d’être crevé à FALAISE, en Normandie. Son gendre demande au personnel de ne pas sortir, et les fermiers font rentrer le bétail. Se présente un officier allemand, très correct. Il se dit mobilisé, ingénieur dans le civil. Le Colonel Teilhac décline son identité et présente son gendre, ancien combattant 1914-1918. Ces derniers disent qu’ils n’ont point d’armes. Pas de perquisition. L’allemand demande de l’eau à boire, car la chaleur était accablante en ce 19 août.
Tout à coup un avion surgit dans le ciel, montant de Toulouse, alors déjà aux mains des français. L’on a su plus tard qu’il s’agissait d’un «DEWOITINE» de la base de MARRAKECH. 11 mitraille en tracing la colonne allemande. L’officier allemand part, découragé par ce nouvel incideni. Nous sortons et je vois sur la route des cadavres à faciès asiatique, victimes du mitraillage. Le tout avait duré environ trois heures.
C’est alors que nous avons entendu un grand cri, et lorsque les allemands sont partis, nous avons retrouvé le corps du jeune Marius VALERIO, au chemin de MATRAS, au pied d’un arbre, en lisière d’une vigne à chasselas. C’était un neveu de nos fermiers qui, généreusement, logeaient et faisaient manger de jeunes parents en difficulté. Il était né le 11 juin 1929, à COLLEGNO en Italie. Il avait donc quinze ans. Le malheureux fut trouvé porteur d’un pistolet, Son oncle et Alain Liébaut ont ramené le corps dans une pièce de la ferme, où la police française vint faire, par la suite, le constat de décès. Une stèle fut édifiée au chemin de Matras, au lieu de l’exécution.
Stèle de Réalville
A la mémoire de Jacques VIRAZELS et
Jacques RODRIGUEZ
tués au combat soutenu par les F.T. P. contre les Allemands le 18 août 1944
Stèle Valério à Aussonne
Ici le 19 août 1944
a été assassiné par les Allemands Marius VALERIO âgé de 15 ans
PPL.