Pages 101-102 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »
le jour du 14 juillet 1944
à Caylus et Nègrepelisse
Le gouvernement de Vichy, par l’intermédiaire de son préfet en Tarn-et-Garonne, François Martin, avait interdit toutes manifestations. L Etat-major départemental des F F I. décida de passer outre en demandant aux compagnies de l’armée secrète de manifester leur attachement à la République par des dépôts de gerbes aux pieds des monuments aux morts de Caylus et Nègrepelisse, précédés de défilés militaires en armes, villes situées dans le secteur Nord du Tarn-et-Garonne, placé sous l’autorité de Pierre Cabarroques, pseudo « Camille ». Uniquement des fleurs à ceux de Saint-Antonin et Septfonds.
Ces manifestations sont discrètement préparées par les responsables locaux tant sur le plan des effectifs, du matériel et de la sécurité ; Les rassemblements sont précisés et les populations averties en usant des moyens et filières utilisés depuis la formation des 4e, 6e et 7e compagnies de l’armée secrète cantonnées dans le secteur, à Pech Vert, Pech Sec (camp de Caylus) aux Ombrails (Nègrepelisse).
Le 14 juillet était pour la population et les patriotes, le jour où l’on exhibe sa fierté à la République, en pavoisant de drapeaux les fenêtres et de fleurs tricolores et en assistant aux manifestations officielles. En 1944, il est le jour où brille dans les yeux des résistants une flamme orgueilleuse, une force qui veut vaincre l’occupant et Vichy, une force déterminée pour en finir avec les années noires du régime de Vichy bien que légitime ; il était aussi le moyen de maintenir la cohésion des mouvements, instrument de propagande pouvant favoriser le recrutement, une grande action vers la jeunesse.
Le 14 juillet 1944, dans la matinée, à Nègrepelisse, les habitants de cette ville ont la surprise de voir flotter au clocher de leur église le drapeau tricolore de la République avec dans son centre une croix de Lorraine rouge, emblème de la France combattante. Surprise générale mais propos divers sur les événements organisés dans la journée, réflexions sur la conduite à tenir à l’arrivée et pendant la présence des patriotes du maquis lors du défilé en armes dans les rues de l’agglomération Nègrepelissienne. Ce drapeau a été hissé à l’extrême pointe du clocher, c’est un exploit. Lexploit d’un seul l’homme, animé par une volonté courageuse et pleine d’énergie, insufflée par le patriotisme, par la responsabilité qui est la sienne vis-à-vis des hommes placés sous son commandement, l’exemple tout simplement forçant le respect. Salut et grande considération au capitaine Dumas.
A Caylus et à Nègrepelisse des mesures de sécurité ont été prises, l’entrée et la sortie de chacune de ces villes sont assurées par les gendarmes des lieux locaux contactés la veille par les chefs de la Résistance, assistés par plusieurs équipes des F.F.I.
Le rassemblement de Caylus est réalisé au carrefour des routes vers Villefranche de Rouergue (D 926) et vers Saint-Pierre de Livron (D 29) et celui de Nègrepelisse devant les établissements Bourdarios.
Vers 11 heures à Caylus, 18 heures à Nègrepelisse tout est en place aux deux endroits où doit se manifester la Résistance. Les populations mises au courant, l’arrivée des maquisards… attendent aux fenêtres et sur les trottoirs le passage des libérateurs. Ils arrivent en armes, en ordre, derrière leurs drapeaux en chantant le « Chant du départ », imposé par l’autorité départementale des F.F.I. Tarn et Garonnaise. De tous les coins jaillissent « les voilà… les voilà… » , « on vous attendait !» …
Ces foules sont formidables : elles applaudissent et sont d’un grand enthousiasme. Cet enthousiasme donne aux maquisards fierté et courage malgré leurs tenues, propres mais diverses, tout comme leurs armements. Ils sont en effet les bienvenus. Autour de chaque monument aux morts se trouve un grand rassemblement qui attend la mise en place des F.F.I. Quand ils sont alignés devant l’ouvrage qui perpétue les sacrifices et le souvenir des combats de la guerre 1914-1918, au garde-à-vous, ils présentent les armes. Les gerbes de fleurs sont déposées par les autorités civiles et militaires devant chaque mémorial ; les drapeaux s’inclinent… une minute de silence est observée par tous les présents en mémoire des morts à la guerre pour la patrie… pour la France. Beaucoup sont émus, puis l’hymne national est alors chanté avec ferveur en sourdine au départ crescendo et glorieux par la suite jusqu’à la fin du premier couplet.
Avant la dislocation des élans de respect, d’amitié, de reconnaissance à la Résistance et à ses représentants furent adressés par la population présente aux troupes se retirant en bon ordre vers les véhicules qui les avait amenés, vers leur avenir et leur destin.
La légion des combattants avait installé un buste du maréchal Pétain, en terre cuite, au carrefour de Villefranche de Rouergue et de Saint-Pierre de Livron, lieu de notre arrivée et aussi de notre départ vers nos cantonnements. Arnal pseudo « Jeannot » en passant devant lui alors qu’il regagnait son véhicule, d’un coup de crosse, le brisa en de nombreux morceaux.
Un peu avant les manifestations du 14 juillet, nous avions reçu le major écossais Mac Pherson des équipes Jedburght et son radio Arthur Brown. Le major était porteur d’un ordre écrit du Général de Gaulle l’accréditant auprès de la Résistance Française dans la région s’étendant de Montauban à Clermont-Ferrand pour informer sur l’état d’esprit, estimer les besoins d’armements, la formation, l’entraînement des groupes de la résistance afin d’établir une collaboration efficace avec elle en vue des futurs combats de la libération. Lun et l’autre avec Camille ont supervisé la manifestation du 14 juillet à Caylus depuis le haut de la colline qui surplombe la ville puis ils se sont rendus à Saint-Antonin et Septfonds constater les dépôts de gerbes.