Page 187-194 du Livre « Avant que Mémoire ne Meure »

Il y a eu deux 12ème Cies A.S. successives, ou plutôt deux groupements qui donneront naissance officiellement à la 12ème Cie A.S.

Témoignage CAMPANINI Claude :

«Le premier groupement a été créé par Lucien LOUBRADOU en mars 1943. Ce dernier était Capitaine de réserve, grade qu’il avait obtenu à la guerre de 1914-1918, pendant laquelle il avait été plusieurs fois blessé, y perdant même un œil. Chevalier de la Légion d’Honneur, il était directeur de l’école Saint-Benoit de Moissac. Il avait été révoqué par le gouvernement de Vichy en 1941. Il avait pris le commandement de ce groupe, sur l’instance du Colonel NIL, sous le pseudonyme de LUSIGNAN, puis MAXIME.

En mars 1943, mon frère, Bruno CAMPANINI, reçoit un ordre de réquisition pour le S. T.O. Refusant d’obtempérer, il en fut soustrait grâce à l’action du Capitaine LOUBRADOU et de ses camarades.

C’est dans ces conditions que mon père, mon frère et moi fument recrutés dans cette unité. A l’époque nous savions que nous entrions dans la Résistance, mais nous ignorions tout de l’organisation.

Nous habitions dans la ferme BILA à Saint Nicolas de la Grave, au lieu-dit La Rivière Basse, sur les bords de la Garonne, au sein d’une immense peupleraie aujourd’hui disparue, où, en accord avec le Capitaine LOUBRADOU, mon père avait accepté de recevoir des patriotes en difficulté, en attendant qu ‘ils soient dirigés sur un lieu définitif. On nous avait également confié deux caisses de munitions.

Ceci fonctionna tout l’été. J’appartenais au groupe de protection du commando de destruction, commandé par Manuel CUGAT et Pierre LOUBRADOU.

Les 11, 12 et 13 novembre 1943, probablement sur dénonciation, le groupement commandé par le Capitaine LOUBRADOU fut démantelé. Celui-ci réussit à prendre la fuite, gagna le maquis où il continua son action de résistant.

Son fils, Pierre, Lieutenant de réserve, arrêté, fut déporté à Buchenwald, puis à Dora, où il trouva une mort atroce, brûlé vif avec 1016 de ses camarades dans la grange de Gardelegen le 13 avril 1945.

Mon père, mon frère et moi fûmes également arrêtés par deux agents de la Gestapo d’Agen, le 12 novembre 1943, et emmenés au siège de la Kommandantur d’Agen.

A l’issu des interrogatoires, on nous gratifia de trois chefs d’inculpation :

1    – terrorisme envers les troupes d’occupation pour appartenance à une organisation armée.

2    – traîtres à notre patrie, l’Italie fasciste alliée des Allemands, pour naturalisation française depuis le 20 juillet 1935.

3    – déserteurs, car nous aurions dû être tous trois mobilisés dans l’armée italienne.

Verdict : la mort ! Après un simulacre d’exécution, on nous proposa un engagement dans les forces de l’Axe. Sur notre refus, la sentence fût confirmée. Je pense qu’elle n’a pas été exécutée parce que déjà l’Allemagne avait une pénurie de main d’œuvre. A leurs yeux, nous étions de toute façon condamnés.

Alors commence l’épreuve la plus hallucinante, la plus terrible, qu’il soit donné de vivre à un homme. La prison Saint Michel à Toulouse, puis le transfert à Compiègne : bien qu’enchaînés, c’est du pain blanc à côté de ce qui suivra. Le 17 janvier 1944, départ de Compiègne, destination inconnue.

Mon père, Victor CAMPANINI, fut déporté au camp de Flossenbourg, où il mourrût d’épuisement le 11 février 1945.

Mon frère Bruno fut déporté au camp de Mathausen, de sinistre mémoire, où il fut libéré le 5 mai 1945. Je fus déporté à Buchenwald, puis à Dora, où, comme Pierre LOUBRADOU, je fis partie de la colonne d’évacuation de 2000 déportés qui périrent presque tous dans les bois fusillés ou brûlés vifs à Gardelegen. Je fus parmi la dizaine de rescapés de ce massacre.

Ainsi après les arrestations de novembre 1943, la première mouture de la 12ème Cie A.S. avait vécu.»

Témoignage M. VERNINES :

«La 12ème Cie A.S. a été recréée au cours de l’année 1944, et c’est M. BAJON, alias Capitaine POTEZ, qui en a pris le commandement.

Réunis au lieu-dit Le Moulin, à Montpezat de Quercy, le Lieutenant GASTON et l’adjudant ANATOLE furent chargés de l’instruction militaire, car très peu de jeunes avaient eu une arme de guerre entre les mains.»

Témoignage H. BAJON :

«Lieutenant de réserve de l’Armée de l’Air, avoué à Moissac, le Capitaine BAJON reçoit de l’Etat-Major F.F.I. l’ordre de se mettre en route avec deux sections de la 12ème Cie A.S. le 17 août 1944, afin de rejoindre le maquis dans la région de Mouillac où son unité doit être, prise en subsistance par une formation déjà en place (la 7ème Cie A.S.).

En cours de route, informé que les événements risquent de se précipiter et que son unité peut être engagée avant l’époque prévue, le Capitaine BAJON voit son lieu de stationnement fixer à Montpezat de Quercy où il doit se mettre en rapport avec Monsieur DELOM, membre de la Résistance, qui doit faciliter son installation.

Arrivé à Montpezat, il y retrouve tous les autres groupes parvenus par des itinéraires différents, et entre immédiatement en relation avec M.J. DELOM, négociant, qui lui indique l’endroit précis où installer ses hommes et grâce auquel il trouve sur l’heure tout le nécessaire en ce qui concerne le ravitaillement et le matériel indispensables au maquis : nourriture (viande, vin, pain, légumes, eau de vie, riz.), couchage (paille, couvertures), matériel sanitaire et pharmaceutique de première urgence, confection de brassards.»

Témoignage Jean DUCROS :

«Le 16 août 1944, M. Louis BOINARD, garagiste à Malause, et M. ARENE, facteur, depuis longtemps en contact avec la résistance, nous préviennent d’avoir à rejoindre le maquis le lendemain.

Le jeudi 17 août 1944, au matin, à vélo pour les uns, avec la voiture personnelle de M. Louis BOINARD pour les autres, nous sommes un douzaine à quitter Malause pour rejoindre la 12ème

Cie de l’Armée Secrète.

Etaient présents : DELBERT Yves, PLANTADE Fernand, BORNER Antoine (réfugié alsacien), DUCROS Jean, COULATY Georges, GUIZARD Albert, LAFFITTE Marcel, LESPINASSE Roger, BOINARD Louis, ARENE, FOURNIER, et un ouvrier agricole du nom de SOUBERT (dont nous avons appris par la suite qu’il s’agissait en fait d’un docteur polonais juif qui se camouflait sous un nom d’emprunt).

Pour ma part, j’étais réfractaire au S.T.O. depuis le début mai, à la suite des réquisitions à l’usine SABLA où je travaillais.

La première étape nous conduit par la route de St Paul d’Espis, jusqu ‘à l’église de St Jean de Cornac où nous attendait un camion à gazogène avec un groupe de ce village.

Dans un deuxième temps, nous passons par le bois Détour, pour récupérer un déserteur des chantiers, Gustave LAFON, de St Vincent Lespinasse, qui se cachait dans le coin.

Un peu plus loin, à St Christophe, 3ème étape, un autre camion et les Moissagais nous attendaient avec notre Commandant : le Capitaine POTEZ.

Nouveau départ par la route de Lacapelette-Durfort, vers Lunel et Lafrançaise, bien entendu par les coteaux en évitant les villages. On passe par Molières pour arriver à Montpezat de Quercy, où nous nous retrouvons à soixante environ.

Si mes souvenirs sont exacts, nous allions officiellement travailler au ramassage des fruits, pour la distillerie de Lamagistère, à St Vincent d’Autejac.

Arrivés à Montpezat, nous étions pris en charge par le comité de Libération. Les événements se précipitant, nous n ‘avons pu rejoindre le point de ralliement qui nous était fixé à Mouillac, près de Caylus. Le cantonnement est alors établi à l’église de Saux, la ferme voisine et le moulin de Rolan, près du Lamboulas.

Dès le soir même, deux détachements redescendaient dans la vallée : un à Malause pour récupérer des explosifs, un autre à Moissac pour remonter du ravitaillement.

Le lendemain 18 août, dans la soirée, des armes sont distribuées, mais en trop petit nombre. Pour ma part, j’étais doté d’une mitraillette STEN avec deux musettes de cartouches. Le tireur au F.M. était un réfugié espagnol SAN CHEZ, dit ROUGE.

La nuit devait être mouvementée, car l’on entendait, pas très loin semblait-il, des tirs, des bruits de moteur.

Dimanche matin 20 août, on embarque sur les véhicules et on entre à Montpezat où toute la population était en liesse : la Libération était en cours.

Puis nous avons repris à rebours le chemin de notre montée au maquis : Molières, Lafrançaise, Moissac.

A notre arrivée à Moissac, en fin de matinée, par la Dérocade, il y avait beaucoup de monde dans les rues : la ville était libérée.»

Ajoutons à ces témoignages que, pour des raisons qui nous échappent, un document authentique du 10 août 1944 signé F1RMIN (MARCUS), chef F.F.I. du secteur n°5, adressé à BIGLE, chef-adjoint de la 12ème Cie enjoint à ce dernier de prendre le commandement de la 12ème Cie à la place de BAJON (POTEZ).

Le texte de ce document est le suivant :

«POTEZ cesse de commander la 12ème Cie. BIGLE, adjoint, prendra temporairement le commandement. Une au moins des sections de la 12ème devra être mise en place au maquis dans le secteur de CAMILLE avec qui BIGLE prendra contact, dès reception de la présente note, à cet effet.

Les adjudants GASTON et ANATOLE seront dépêchés en reconnaissance et aménageront des cantonnements. Ils pourront se mettre en route avec BIGLE.

L’un des deux adjudants en question pourra être utilisé comme instructeur pour l’ensemble de la compagnie. L’autre recevra le commandement d’une section dès que possible. Il est précisé que LEFORT et sa section appartiennent à la 12ème Compagnie.

Les hommes devront être munis du matériel de campement et d’une couverture au moins. Prévoir également matériel collectif pour la cuisine.

De plus BIGLE est chargé de se procurer le maximum possible de quarts, gamelles, plats d’étain, couverts métalliques qui pourront être rétrocédés à la 7ème Compagnie déficitaire. L’armement de la 12ème Compagnie sera récupéré auprès de VINCENT.
FIRMIN
Destinataires : BIGLE pour exécution

CAMILLE pour information»
Il ne sera pas tenu compte de cette nouvelle organisation puisque le 17 août 1944 retrouvons le Capitaine POTEZ à la tête de la 12ème Cie à Montpezat.

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Les deux vies de la 12 ème Cie A.S.
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