Pages 159-164 du Livre « Afin que Mémoire Demeure »

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page159pgDe gauche à droite : M. Oustrières, F. Foubet, D. Ligou, G. Mihalovici, A. Flon, I. Jagodinfka, L. Olivet, N. Boudoire, P. Peyrusse, A. Ségala-Talous

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Les jeunes furent incontestablement l’élément dynamique de l’action de la résistance. Courageux jusqu’à la témérité, exemplaires dans le sacrifice, animés toujours d’une foi inébranlable, les jeunes des groupes francs, des maquis, réfractaires au S.TO., évadés de France, n’avaient qu’un seul objectif : lutter pour chasser l’occupant allemand et rétablir la liberté en France. Ils constituèrent l’essentiel des effectifs des Forces Françaises de l’Intérieur. Ainsi l’action des jeunes étudiants est remarquable, la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve le pays, la réprobation générale du peuple à l’égard de tous les tenants de la politique de collaboration, la pression militaire et policière qui s’exerçait dans tous les domaines, ne pouvaient que susciter, chez les jeunes, des mouvements de révolte. En fait la discipline dans les lycées et les universités, renforcée en raison des événements, était devenue souvent insupportable aux yeux des jeunes lycéens et des étudiants ayant quelque esprit d’indépendance. Il est évident que dans chaque établissement, des cellules de résistance existèrent. Souvent décelés, leurs animateurs étaient soit renvoyés, soit même arrêtés, parfois fusillés.

L’exemple le plus cruel fut probablement les destins tragiques de Louise Sabatié et d’Ernest Bonnet.

Le premier, surveillant au lycée Ingres, est arrêté par la milice le 3 février 1944 dans une salle d’étude. Transféré à Toulouse, après un simulacre de jugement, il est condamné à mort et fusillé le 17 février 1944 dans la cour de la prison Saint-Michel.

Le second, qui avait rejoint la région d’Annecy à l’hiver 1943, est arrêté et détenu à Annemasse. Il mourra en déportation au camp de Mathausen le 6 décembre 1944.

Ces destins résultent de convergences au sein de la jeunesse lycéenne Montalbanaise à partir de 1940. Comme l’ensemble de la population dans le département, la jeunesse tarn-et-garonnaise est sensiblement troublée par la brutalité des événements des mois de mai et juin 1940 et la mise en place du nouveau régime à Vichy au début du mois de juillet. La majorité des jeunes ne réagit pas au rapide bouleversement de la vie du pays. Cependant à Montauban, une minorité de copains du lycée, n’accepte pas la situation que connaît alors la France. Cette minorité converge dans le même refus et finit par former un noyau d’opposition plus sentimental que politique.

Au lycée Ingres où ils sont scolarisés dans la même classe, Charles Couchet, Maurice Oustrières, Jean Berné et Louis Sabatié ont entre 16 et 18 ans quand surviennent les événements de l’été 40. Les quatre garçons se voyaient quotidiennement. Dans la cour du lycée, dans le parc, dans le square devant la préfecture, les discussions se multiplient. Leur refus de « ne pas accepter » naît moins d’une réflexion politique que d’un véritable sentiment de révolte. Les motivations à la base de leur désir d’opposition sont plurielles et encore très floues. Certes leur refus de la défaite et de ses conséquences est étroitement lié à leur rejet du fascisme et du nazisme. Mais leurs jugements ne vont pas plus loin. Leur refus de Vichy est également trouble. Vichy est perçu par eux comme une trahison. Leur refus vise aussi la personne du maréchal Pétain et la mystique pétainiste. Les chants en l’honneur du Maréchal interprétés au lycée suscitent leur désapprobation. Ainsi le noyau qui vient de naître, trouve son identité et fixe son premier objectif: s’ouvrir pour accueillir d’autres jeunes de toutes origines, porteurs de refus.

C’est ainsi que de jeunes républicains de gauche appartenant au groupe antifasciste des jeunesses socialistes de Montauban, mis sur pied pendant la guerre d’Espagne en 1939, rejoignait le Centre laïque des Auberges de la Jeunesse. On y trouve : André Flon, Louis Olivet, Louis Dutilleux, tué à Caylus lors de l’accrochage du mardi 25 juillet 1944, Edmond Lormand, tué à Gigouzac (Lot) le 30 juin 1944, Pierre Dutilleux , Roger Gunaud, Daniel Ligou, les frères Arnaudet, Robert Guicharnaud, mais aussi Eliette Belmontet et Marie-Rose Meyer. Les Auberges de la jeunesse seront dissoutes en avril 1941 par le gouvernement de Vichy en application de sa politique anti-laïque de réorganisation de la jeunesse. Devant cette décision, qu’ils refuseront, ils persisteront dans l’esprit de ce mouvement internationaliste en créant un club local pour faciliter leurs rencontres et continuer l’action entreprise en faveur des étrangers réfugiés et sans moyens pour subsister et au besoin pour quitter provisoirement le pays.

Il est vrai que le 6 novembre 1940, lors de la visite du Maréchal Pétain, tous ces jeunes s’étaient rassemblés face à la préfecture, devant l’Institut Familial. Lorsque le chef de l’état est passé devant eux, à la grande surprise de la population, ces jeunes ont marqué leur désapprobation et leur hostilité en ne se décoiffant pas et en lançant des réflexions AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page162pgmalveillantes. Ce comportement, critiqué par la foule, valut à quelques-uns d’être entendu par la police.

Les associations nationales de jeunes nouvellement créées : les auberges françaises et les camarades de la route furent définitivement dissoutes en août 1943 la plupart de leurs dirigeants ayant été arrêtés pour faits de résistance. Il y eut au moins autant de femmes que d’hommes et de jeunes engagés dans la résistance. Chaque mère, chaque épouse, les sœurs de ceux qui participèrent directement à l’action contre l’ennemi, étaient elles-même concernées. La plupart, d’une manière ou d’une autre, agissaient pour le bien de la cause : agent de liaison, ou simplement gardienne d’un foyer qui abritait des armes, des explosifs, agent de renseignement ou chargée de nourrir des réfractaires du S.T.O., elles montrèrent tout autant d’abnégation, de désintéressement ou de patriotisme que leurs hommes et coururent bien plus de risques, puisque fixées à leurs maisons par les obligations familiales.

Les femmes participèrent souvent très directement au combat clandestin, s’engageant dangereusement dans des actions syndicales, dans les réseaux de propagande anti-gouvernementale, dans les filières de passage en Espagne, dans la protection des juifs.

Aussi ardentes que les jeunes et les hommes aussi acharnées dans leur opposition à l’occupant allemand et à la politique collaboratrice de Vichy, les femmes et jeunes filles de Tarn-et-Garonne ont accompli leur grande part de ce travail clandestin vers la libération et la liberté. Beaucoup ont payé de leur vie leur engagement, d’autres en ont été déportées, torturées, gravement atteintes dans leur santé morale et physique.

Sans doute ne peut-on citer toutes ces femmes admirables qui ont toutes mérité de la nation. Cependant voici quelques exemples remarquables :

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page163pgMarie-Rose Gineste à 28 ans lorsque la guerre commence. Principale animatrice du Secrétariat social et des Assurances de la famille toulousaine, elle débute son activité résistante dès le mois d’août 1940. En octobre 1941 elle constitue un groupe clandestin du mouvement Liberté. Puis elle est désignée responsable départemental du mouvement  » Témoignage Chrétien ». En mars 1942, elle rencontre le chef départemental du mouvement Combat : Me Veaux. Dès lors, elle sert d’agent de liaison pour cette organisation, dont elle devient bientôt la co-responsable jusqu’à la création des Mouvements Unifiés de la Résistance en juillet 1943. A l’été 1942 à la demande de Monseigneur Théas, elle diffuse à plusieurs reprises la position de l’évêque, en particulier la lettre relative aux rafles de juifs, lettre qui sera lue durant l’office du dimanche 30 août 1942 dans les églises du département. Le 24 octobre 1985, l’état israélien décerne le titre de « Juste parmi les Nations » à Marie-Rose Gineste pour témoigner de sa gratitude à cette femme d’exception.

Simone Baudet est jeune institutrice à Mouillac, commune limitrophe du camp de Caylus dans les années 1943-1944. Bientôt elle entre en contact avec le maquis Bir Hakeim localisé dans la région. Avec les installations des 7e et 4e Cies A.S., à Pech Sec et à Pech-Vert, son activité résistante se manifeste de façon accrue, en abritant et en soignant dans son école les jeunes maquisards blessés ou malades, de passage et en servant de point de chute.

La doctoresse Simone Schmidt, membre de l’Eglise réformée et amie des pasteurs Dautheville – Guibal et S. Jordan, entre en contact avec Marie-Rose Gineste dès 1943, diffusant les journaux « Témoignage Chrétien » et « Libération ». En février 1943, elle entra à la 3e Cie A.S. dirigé par Jules Steff Elle joue également les agents de liaison pour l’état-major A.S. Bénéficiant, grâce à sa profession, d’un Ausweiss, elle transporte à plusieurs reprises des explosifs et des armes. Arrêtée par la gestapo de Bordeaux le 13 octobre 1943, elle est relâchée par manque de preuves. Elle intervient plusieurs fois pour sauver des personnes menacées d’arrestations ou de déportation en leur délivrant de fausses attestations. Le 6 octobre 1991, Yad Vashem lui a décerné le titre de « Juste parmi les Nations ».

Yvonne Hartmansheim, fille du concierge du temple protestant de la côte de Sapiac, repliée chez ses parents et ex-voisine et amie de Louis Olivet, est intégrée à l’état-major A.S. en 1944 comme agent de liaison. Elle relaie ainsi Suzanne Marcus , Simone Laplace, Yvette Groc, qui assurent la transmission des ordres de l’état-major aux chefs des compagnies A.S. On peut penser que cette activité fut confiée à des femmes parce qu’elles passaient les barrages et les contrôles d’identité avec plus de facilité.

Lucienne Lassali exerce, elle, les fonctions de dactylo pour l’état-major A.S. de janvier 1944 à la libération.

AFIN QUE MEMOIRE DEMEURE Tome2 Page164-1pgIl faut aussi citer ces femmes qui, par leurs actes de courage et d’humanité, ont permis à des juifs de survivre. En effet, des hommes, des femmes et surtout des enfants que les nazis vouaient à l’anéantissement ont été sauvés, de manière désintéressée, par des femmes de toutes croyances et de toutes origines. Après l’invasion allemande, les religieuses d’un couvent belge s’installent à Auvillar. À partir de l’été 1942, les éclaireurs israélites de France établis à Moissac, créent un réseau clandestin, qui se consacre à sauver de jeunes juifs de la déportation. Une quarantaine d’enfants et d’adolescents sont alors hébergés dans le couvent. À leur arrivée, les enfants recevaient une nouvelle identité. Outre la mère supérieure du couvent, mère Marie Placide, seules quelques religieuses connaissaient la véritable origine de tous ses enfants : Madeleine Boyer, Anne-Marie de Caunes et sa sœur Antoinette. D’autres encore, soit individuellement soit en couple, apportèrent réconfort et soutien aux personnes persécutées : Odette Allègre à Montauban, Colette Beuzon à Caussade, Adeline Brachet à Montauban, Marguerite Dulaut à Montauban, Alice Fraysse à Saint-Antonin, ancienne mère aubergiste des auberges de la jeunesse du C.L.A.J., Aline Pelous à Moissac, Pierrette Vincelot : Laurens membre du réseau Hilaire Buckmaster, « juste parmi les nations ».

Nous terminerons par Françoise Archippe, membre du réseau de renseignement Cottre, arrêtée par la gestapo le 25 novembre 1943, déportée à Ravensbruck, d’où elle revint, fin avril 1945, marquée à jamais.

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F. Archippe et J. Vern

Les jeunes et les femmes dans la Résistance
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