Pages 179-199 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »
Ce n’est que le 30 juillet 1945 que Madame Orcival recevait une lettre du Père Klaus Schnitzler, vicaire à Hambourg.
Confirmation donnée le 22 août 1945 par la mission française de liaison
près le 5e Corps.
Le commandant de Chauvigny Chef de la FL prés le 5e Corps
à
Monsieur le Colonel – Chef de la VL près le 2IeGroupe d’Armées
« En réponse à votre note du 28 juillet 1945, j’ai l’honneur de vous communiquer les renseignements suivants :
Mademoiselle Marie-Antoinette Orcival est décédée le 19 juin 1945 au Grand Hôpital de Langerhorn, faubourg de Hambourg. La soeur supérieure du pavillon M 14 où cette infortunée a été hospitalisée semble être fort dévouée. Elle a déclaré que lorsque Mademoiselle Orcival est arrivée, elle était dans un état de faiblesse extrême, atteinte de la tuberculose aiguë et ans aucun espoir de guérison. Aussi l’a-t-on gâtée le plus possible pour adoucir ses derniers jours, lui donnant même à manger, ce que normalement elle n’aurait pas dû avoir. Le moral était excellent jusqu’aux deux derniers jours où elle a prié le docteur de la soulager le plus vite possible.
Elle était dans une chambre seule avec une jeune fille hollandaise qui venait du même camp qu ‘elle et est morte quelques heures après elle et est enterrée à côté d’elle. Le jour de sa mort, elle a été sans connaissance et s’est endormie tout doucement, sans douleur. Et elle n ‘a exprimé aucune dernières volonté. Elle n’a rien laissé, et avait en tout et pour tout son costume rayé de déporté.
Un prêtre allemand parlant un peu le français l’a visité à plusieurs reprises et lui a porté, sur sa demande , trois fois la communion. Ce prêtre, nettement sympathique, a certainement été d’un grand secours moral pour la malade. Il a confirmé son invraisemblable état de faiblesse. Il l’a vu encore la veille de sa mort, jour où elle a communié. Elle n’a rien confié au prêtre qui a, du reste, écrit au curé de la paroisse de Mademoiselle Orcival. La lettre a dû être transmise par la Mission de Rapatriement.
Ces renseignements ont été recueillies par Madame Blomdel, Rondeel Strasse 12 Hambourg, qui remplit auprès de la Mission des fonctions d’assistante sociale bénévole, et est de la colonie française de Hambourg.
Le nom du prêtre est : Herr Cfarrer Klaus Schnitzler, Gemein de Lattenkamp, Hambourg.
Accompagné de Mme Blombel, je me suis rendu au cimetière principal d’Olsderf ville d’Hambourg.
Melle Orcival a été inhumé le 22 juin 1945. Aucun prêtre n’était présent. Elle aurait été mise dans un cercueil. Aucune croix ne marque l’emplacement de la tombe de cette malheureuse martyre. Nous avons déposé une couronne de fleurs sur sa tombe, si l’on peut appeler ainsi cet emplacement. Une photographie a été prise par Madame Blomdel. Je joins le négatif et une épreuve à cette note.
Mademoiselle Orcival repose à côté d’un français : Raymond Brema et dont la tombe est marqué d’une croix.
J’ai fait faire une croix, malheureusement assez simple avec le nom et prénom, ainsi que la date de sa mort. Nous irons la placer nous-mêmes le lundi 10 août.
Il semble assez navrant de voir que, plus d’un mois après la libération de Hambourg, une française ait pu mourir ainsi, sans que les Services français de Rapatriement ne se soient préoccupée de l’inhumation ».
Commandant de Chauvigny
Tombe de Marie-Antoinette Orcival – Août 1945
Peu de temps après, le père de Marie-Antoinette Orcival, le commandant Adrien Orcival décède le 4 septembre 1945 dans sa 73e année.
Le 15 octobre 1945, le frère de Marie-Antoinette Orcival , le chef de bataillon Jean Orcival, du 35e R.I., obtient l’autorisation de se rendre le 20 octobre 1945 sur la tombe de sa soeur à Hambourg. L’ordre de mission, du commandant en chef français en Allemagne, est signée du général de Monsabert, Adjoint pour le commandant Supérieur des Troupes d’Occupation. Le 24 octobre 1945, le vicaire Klauss Schnitzler écrit à Madame Orcival :
« J’espère que vous avez reçu la lettre du chef de la mission militaire française, le commandant De Chauvigny, lequel s’est occupé de la tombe de votre fille et qui doit s’en occuper encore. Il veut en effet prendre soin du transfert ultérieur du cercueil en France. Il peut, naturellement, dans les circonstances actuelles de l’Allemagne, entreprendre plus que moi. Lorsque le transfert du corps s’effectuera, il voudra bien me prévenir, afin que je puisse être présent et le bénir ».
La demande d’exhumation du corps de Marie-Antoinette Orcival et son transfert pour Montpezat est déposée le 24 octobre 1945. Confirmation est faite le 5 novembre 1945. Une pierre sépulcrale pour le tombeau de Marie-Antoinette Orcival est élevée courant 1946. La réalisation du transfert va traîner. Ainsi le 16 avril 1947, Klaus Schnitzler, qui a quitté Hambourg, écrit au commandant Orcival :
« Votre désolation et vos larmes sur la tombe de la chère défunte ne sont pas surprenant pour moi : signe vraiment humain de votre amour pour votre soeur et de votre douleur pour son martyre si cruel. Je ne sais pas ce qu ‘est devenue l’autorisation que j’avais obtenue pour l’inhumation du corps de votre soeur. J’ai laissé les papiers à Hambourg. Mais tout était parfait pour les Services allemands, et j’avais transmis le dossier à la Commission de Rapatriement français. Quelque temps avant que je parte, on m’avait confirmé que la chose irait. J’espère que le cercueil sera bientôt à Montpezat ».
Tombe de Marie-Antoinette Orcival
après la pose de la stèle – Octobre 1945
Ce n’est que le 27 avril 1949 que la dépouille de Marie-Antoinette Orcival arrive enfin à Montpezat de Quercy. Madame Orcival est averti par télégramme :
« Dablanc (maire de Montpezat) reçoit dépouille mortelle Antoinette – arrive court délai cahors – date sera donnée par ce centre ».
Entre temps Marie-Antoinette Orcival a reçu, à titre posthume, la médaille de la Résistance, la médaille des Déportés de la Résistance, la médaille des Combattants. Pierre Guiral, Président du Comité départemental de libération de Tarn-et-Garonne , atteste le 10 janvier 1949, qu’ « en témoignage de ma fille Suzanne qui a été avec ma femme (morte pour la France en déportation) la camarade de Marie-Antoinette Orcival à Ravensbruck, l’attitude de cette dernière dans les camps d’extermination n ‘a cessé d’être celle d’une patriote résolue, lucide et qui pratiquait vis-à-vis de ses compagnes la solidarité la plus complète et le dévouement le plus absolu.
Fille et soeur d’officiers français, Marie-Antoinette Orcival a été une noble et pure figure de la résistance à l’ennemi.»
Le corps de Marie-Antoinette Orcival arrive à Montpezat de Quercy, le 27 avril au soir. Une chapelle ardente est dressée dans le salon de la famille, une garde d’honneur, composée de prisonniers et d’anciens déportés, rend les derniers hommages.
Le cercueil est recouvert du drapeau national, sur lequel est épinglé la médaille de la Résistance.
Les obsèques se déroulent le lendemain, en présence de nombreuses délégations et d’une foule considérable. Derrière le corbillard et la famille, venaient les autorités civiles et militaires. Au cimetière, après Monsieur Dablanc, maire de Montpezat de Quercy, et Monsieur Guiral, président du Comité Départemental de la Libération, qui dirent ce que fut cette femme admirable qui ne faillît jamais, Madame Clavel-Fagedet, au nom de la Croix-Rouge, fit connaître dans un discours de haute tenue, le dévouement et les mérites de Marie-Antoinette Orcival.
En 1967, Mademoiselle Gilles (qui fut une grande résistante), directrice du lycée Michelet (qui est encore à cette date lycée de jeunes filles) écrit au recteur de l’académie de Toulouse : le recteur Loyen, pour lui demander l’autorisation d’organiser une cérémonie au cours de laquelle une plaque de marbre portant le nom d’une ancienne élève du lycée, morte en déportation serait inaugurée dans le hall du lycée.
Après une enquête minutieuse, elle recueille tous les témoignages concernant Marie-Antoinette Orcival. Elle se propose de faire travailler des élèves volontaires sur ce sujet, en réalisant un exposé et une exposition sur la déportation.
Or les événements de mai 1968 changent le cours des choses. Le recteur Loyen quitte le rectorat pour d’autres fonctions. Quant au conseil d’administration du lycée Michelet, ses préoccupations d’alors sont d’un autre ordre.
Il aura fallu trente-huit ans, pour qu’enfin l’on rende un double hommage aux deux lycéennes de Michelet. C’est grâce à un travail remarquable de l’Office National des anciens combattants, sur l’initiative de Serge Dupuy, inspecteur d’académie, et à la rencontre avec le général José-Marie Orcival, neveu d’une déportée, que, le 20 avril 2006 les murs du lycée Michelet ont vibré d’émotions et de souvenirs. En ce jour, dans la cour d’honneur, y fût dévoilée une plaque commémorant les déportations de Marie-Antoinette Orcival et d’Adèle Kurtzweil, devant les lycéens réunis, les autorités civiles et militaires, le monde combattant, en présence de Monsieur Christian Merlin, recteur de l’académie de Toulouse, chancelier des Universités, M. Martin Malvy, président du Conseil régional et Monsieur Alain Rigolet, préfet de Tarn-et-Garonne. Après le chant des partisans et le chant de la liberté, interprétés par la Schola du Moustier, une lecture biographique poignante faite par Henri-François Soulié, comédien et ancien élève de Michelet, précéda le dévoilement de la plaque et le champ des marais, suivi d’un instant de recueillement particulièrement solennel.
Sur la plaque on peut lire :
Marie-Antoinette ORCIVAL Adèle KURZWEIL
Née le 28 février 1910 à Montpezat de Quercy Née le 31 juillet 1925 en Autriche
Déportée à Ravensbruck Gazée à Auschwitz
Décédée à Hambourg le 19 juin 1945 le 9 septembre 1942
Élèves du Lycée Michelet,
Elles furent déportées dans les camps d’extermination nazis.
N’oubliez jamais
20 Avril 2006
MEMOIRES CONJUGUEES
Adèle KURZWEIL Marie-Antoinette ORCIVAL
9 septembre 1942 19 juin 1945
Cérémonie Commémorative du 20 avril 2006
Lycée Michelet – MONTAUBAN
en présence de
Christian MERLIN Recteur de l’académie de Toulouse Chancelier des Universités
Martin MALVY Président du Conseil Régional
Alain RIGOLET Préfet de Tarn-et-Oaronne
Ô douleur ! Ô tristesse ! L’absurde insoutenable
Comment imaginer ? Ces femmes misérables
Etaient-ce bien des femmes ? Leurs yeux brillaient toujours
Leurs yeux brillaient encore, espoir de quelque jours.
Etaient-elles résignées, bafouées dans leur âme ?
Et que leur restait-il ? Un reliquat de flamme.
Elles n ‘avaient pas de haine. Simplement le destin
Avait traqué leur vie sans leur donner la main.
Elles furent de ceux-là qui marchèrent courbés
Sous l’insulte et le fouet et sans jamais tomber
Mais la mort était là, cruelle et menaçante
Evocation d’un sort, qui, pour toujours nous hante.