Pages 4-5 du Livre « La mémoire : Heurs et Malheurs »
J’ai rêvé tellement fort de toi
J’ai tellement marché, tellement parlé
Tellement aimé ton ombre,
Qu ‘il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres
D’être cent fois plus ombre que l’ombre
D’être l’ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie à ensoleiller.
Robert Desnos
Déporté à Buckenval et décédé en la forteresse de Terezine (Tchécoslovaquie) le 8 juin 1945
Préface
En ouvrant ce troisième et dernier tome de l’ouvrage que Louis Olivet et André Aribaud ont consacré à la Résistance et à la Déportation, au terme de dix années de recherches et de collectes d’informations sur cette douloureuse et tragique période durant laquelle la France a subi l’humiliation de l’Occupation, vient à l’esprit l’idée qu’il est vain, plus de soixante ans après, d’en rappeler « les heurs et malheurs ».
Le Devoir de mémoire, comme tous les devoirs, apparaît à certains, de plus en plus nombreux, comme une contrainte qui se voile, peu à peu, d’indifférence. Mais ce n’est plus seulement du Devoir de mémoire qu’il s’agit, mais de l’Histoire qui, tout au long des siècles, a forgé l’identité de la France et fortifié ses racines profondes. Et l’Histoire ne reste vivante et instructive que si elle repose sur l’authenticité des faits, des agissements et des idées qu’elle rapporte.
C’est pour répondre à cette exigence que les auteurs de ce livre ont tenu à en faire un recueil exclusif de témoignages écrits ou dictés par celles et ceux qui, pour les avoir vécus, livrent avec précision et émotion des souvenirs toujours présents dans leur mémoire. L’âge n’a pas effacé les tourments de leur jeunesse meurtrie, sacrifiée, qu’ils ont choisi de consacrer à la lutte contre l’envahisseur, l’injustice et le racisme.
Ces témoignages reflètent bien, dans leur diversité et leur sobriété, la réalité des angoisses, des humiliations, des souffrances, des complicités et des traitrises aussi, qu’il fallait endurer. Ils montrent comment la flamme vacillante de l’espoir a été préservée et ranimée par le courage, la solidarité, l’audace et le don de soi des combattants de la Résistance et des martyrs de la Déportation.
Ouvrez ce livre et lisez-les, ces témoignages. Imprégnez-vous de la douleur et des émotions qui s’en dégagent. Prenez conscience des horreurs et des folies meurtrières qu’ils décrivent et n’oubliez pas, dans le confort de votre fauteuil et de votre existence paisible, qu’il fût un temps où la vie d’un être humain comptait si peu, qu’elle était sacrifiée au hazard des humeurs, des vengeances et des haines. Ce temps est révolu, du moins dans notre pays, mais il doit demeurer présent dans la mémoire des générations qui ne l’ont pas connu, afin que par leur vigilance et leur engagement pour la défense de leur pays et des Droits de l’Homme et de la Femme, ils empêchent à jamais son retour.
L’Hommage et la reconnaissance que l’on doit à ces combattants et à ces victimes, morts ou qui survivent encore, ne sont pas inspirés seulement par la pitié ou par la glorification de leur exemple, mais ils doivent avant tout nous convaincre qu’aujourd’hui comme hier et comme demain rien n ‘est plus important que la Paix et la Liberté.
Pierre Blanc