Page 4-5 du Livre « Afin que Mémoire Demeure »
Préface
Depuis ces trente dernières années, beaucoup a été écrit et dit sur les années sombres.
Publications, périodiques, émissions radiophoniques et télévisées se sont multipliées pour tenter d’expliquer dans le détail des questions complexes et douloureuses sur la Seconde Guerre mondiale. Louvrage de Louis Olivet et André Aribaud a cette particularité qu ‘il est écrit à quatre mains, celle d’un ancien résistant qui oeuvra dans l’Armée secrète locale et qui connut bien les affres de la clandestinité, et celle d’un enseignant qui fait aujourd’hui oeuvre d’historien. Entre Histoire et Mémoire, ce livre offre donc une synthèse sur l’histoire de notre département en prenant comme point de départ l’occupation allemande du Tarn-et-Garonne, le 11 novembre 1942.
Les plus anciens d’entre-nous se souviennent de ce moment avec une certaine anxiété, lorsque, drapés d’une croix gammée, les premiers véhicules de la wehrmacht pénètrent dans la cité d’Ingres et de Bourdelle et traversent le Pont-Vieux. A partir de ce jour, plus rien ne fut pareil, l’été indien tarn-et-garonnais se mua brusquement en grisaille hivernale.
Dès lors, l’armée d’occupation installe ses officines aux quatres coins de la cité préfectorale et du département. La Kommandatur montalbanaise réquisitionne d’abord l’hôtel Terminus puis plus tard l’hôtel du Midi. Dans cette ancienne demeure du XVIIIe siècle on ne peut oublier qu’un grand homme d’Etat qui oeuvra pour la démocratie espagnole, Manuel Azaha s’est éteint en novembre 1940. Fuyant sa république martyrisée pour trouver refuge dans la patrie des Droits de l’Homme, le dernier président de la République espagnole ne découvrit qu’une Marianne moribonde. S’il ne trouva pas de main tendue de l’Etat français installé à Vichy, il put compter sur celle d’Irénée Bonnafous qui, depuis le début du siècle, tenait avec intégrité et conviction la direction départementale de la Dépêche. Ce fervent républicain assura jusqu’à sa disparition la sécurité de Manuel Azaha. Il prit également le parti de constituer un service de renseignements privé unique en son genre qui favorisa la Résistance tarn-et-garonnaise dens son intégralité. Ainsi, c’est avec la même conviction adogmatique qu ‘il livra d’importantes informations tant à la résistance chrétienne qu ‘incarnait Marie-Rose Gineste aux côtés de Mgr. Théas qu’aux bataillons gaullistes de l’Armée secrète.
Dans te même temps dans le Sud et l’Ouest du département, Georges Trenac et un photographe valencien Antonin Ver alias Nito mettaient sur pied la 13e Cie de l’Armée Secrète. Avec ténacité et le soutien de mon père Jean Baylet alors maire de Valence-d’Agen, Antonin Ver sut harceler l’ennemi tout en évitant le pire lors de la Libération. Préférant attendre la retraite des 600 soldats allemands cantonnés dans le village, le chef des résistants valenciens ne prit pas le risque d’attaquer. Les véritables héros sont parfois ceux qui ont la sagesse de ne pas mettre en péril la vie d’autrui, ici en l’occurrence celle des valenciens. Dès le 20 août 1944 à la tête des maquisards de la 13e Cie, Antonin Ver pénétrait dans Valence-d’Agen et mit en place le Comité Local de Libération. Dans chaque commune, cet organisme remplaça les autorités vichystes. A Valence-d’Agen, la présidence d’honneur fut naturellement donnée à mon grand-père dont le fils avait été quelques mois plus tôt arrêté par la Gestapo et déporté en Allemagne.
Lexemple valencien, tout comme celui du montalbanais Irénée Bonnafous démontre combien la Résistance est avant tout l’affaire d’hommes qui eurent le courage de leur conviction républicaine et fraternelle.
Montauban le 10 juillet 2004
Jean-Michel Baylet, Ancien Ministre Sénateur de Tarn-et-Garonne Président du Conseil Général