Photos et attestation d’évasion de MELLY
Article 30 ans Après
Extrait de la Dépêche du Midi du 18/03/1964.
Un Alsacien, incorporé de force dans les S.S. qui occupèrent Valence-d’Agen, vient revoir notre cité et celui qui l’aida à déserter, notre député Antonin Ver, alors chef de la Résistance locale.
Ces jours-ci, un promeneur souriant flânait dans les rues de Valence-d’Agen qu’il avait tenu à revoir, trente ans après la Libération. Son nom ? Melly, que les Allemands avaient germanisé en l’appelant Mehl. Il naquit dans un petit village d’Alsace, Russ, non loin de Strasbourg. Sa province occupée, il était incorporé de force, à 17 ans, comme de nombreux Alsaciens-Lorrains, dans les Walfen S.S., et plus précisément dans la division « Das Reich » qui se signala à l’attention du monde civilisé par les crimes de Dunes et d’Oradour-sur-Glane.
En mai 1944, Melly était cantonné avec sa compagnie au château de Lastours, entre Auvillar et Valence. Comme beaucoup de ses compatriotes — dont certains furent fusillés dans la cour de notre école de garçons — il n’acceptait pas le joug hitlérien. La menace d’un départ imminent pour le front russe incita ce Français de cœur à la désertion. Ne s’était-il pas fait photographier, quelques jours plus tôt, en blouson de cuir emprunté, après avoir enlevé sa veste vert de gris marqués à l’encolure par les insignes des sections d’assaut?
Le départ pour l’Est était pour le lendemain. Il faisait nuit. Inspiré par on ne sait quelle prémonition, Melly et un compagnon, tous deux armés, entraient au Studio-Photo Ver, rue de la République. Mitraillettes et tenues n’inspiraient guère confiance. Longue palabre entre les deux Alsaciens (le premier décidé à la désertion, le second craignant des représailles contre sa famille) et notre actuel député. Enfin la décision : Melly abandonnerait le château de Lastours le lendemain avant le couvre-feu, après s’être procuré une bicyclette, emportant ses armes qui. devaient être jetées dans le Braguel (ces armes furent récupérées après la Libération). Rendez-vous : Bar de la Marne. Ce qui fut fait. Alors Melly, suivant Ver à une trentaine de mètres, s’engagea sur la route de Saint-Loup. Dans les fossés, jusqu’au pont sur la Garonne, des grappes de S.S. en manœuvre de nuit. Sur la route, quelques officiers allemands donnant des ordres. Et pourtant personne n’arrêtera nos deux comparses qui trouvaient refuge chez un autre Alsacien réfugié, au bord de l’Arrats, à Saint-Loup. La tenue militaire était jetée dans un puits, et Melly, vêtu d’un bleu de travail, semblait avoir soudain retrouvé la vie civile. Le lendemain, réveil brutal.
Une patrouille allemande cherchant le déserteur frappait à la porte derrière laquelle Melly était caché. L’hôte des lieux, avec assurance, affirma qu’il n’avait rien vu à ses visiteurs. Mais la situation était intenable. Ver reprit en charge l’Alsacien et le conduisit chez la famille Guerre, à Saint-Çirice. Caché sous un pont avec le Valencien Gayral, un réfractaire S.t.o., il passait ses journées à écosser petits pois et fèves que lui apportait, en même temps que leur nourriture, Rachel Guerre tout enfant (en souvenir, d’ailleurs, Melly a donné ce prénom à l’une de ses filles!). Puis ce fut le départ pour la 13″ compagnie de l’Armée secrète dont le Q.G. avait été fixé chez Merles (ancien maire de Sitels), qui mit sa maison, sa famille et ses biens au service de la Résistance. Après le débarquement en Normandie et la Libération de notre région, Melly s’engageait dans la 1er Armée française et était le premier soldat français à entrer dans son village alsacien délivré. « Rhin et Danube » le conduisit d’épopée en épopée jusqu’à la victoire finale. Il s’engagea à ce moment-là pour la campagne d’Indochine où il glana ses galons de sergent. L’aventure terminée, rapatrié, il retrouva à Montauban l’ami Ver qui l’aida à obtenir, par l’intermédiaire de Jean Baylet, une place de garde forestier dans les Vosges. Depuis, marié, cinq enfants, Melly a repris une vie tranquille au service de tous et de sa patrie à laquelle il a tant donné, tandis que ses yeux clairs scrutent souvent les bords du Rhin, limite de la terre française.